Il n’aura pas été facile pour le studio indépendant Stoic de finir leur trilogie The Banner Saga. Après un Kickstarter rencontrant beaucoup plus de succès que prévu pour le tout premier titre de la saga, il était logique pour eux de faire la suite sur leurs propres deniers. Malheureusement, celle-ci n’ayant pas retrouvé son public, la faute à plusieurs facteurs, ils ont dû se résoudre à retenter l’aventure du financement participatif pour pouvoir réaliser ce troisième épisode et enfin clore le récit. Cette fin est-elle à la hauteur de l’attente ? On va voir ça.
Pour vous donner un peu de contexte sur cette critique, il faut savoir que je n’ai pas fait The Banner Saga 1 à sa sortie. Je l’ai seulement fini il y a quelques mois, me permettant d’enchaîner avec le deuxième et d’attendre que peu de temps pour avoir accès à la fin. Je n’ai donc pas subi les six ans d’attente que les fans de la première heure ont eu à endurer. Également, (spoiler pour The Banner Saga 1), mes parties ont été faites avec Rook et j’ai essayé de prendre des décisions plus ou moins neutres et logiques.
Une recette identique
Soyons clairs, cet opus ne respire pas la joie. Iver est parti avec les Valkas Juno et Eyvind dans les ténèbres, Rook se retrouve bloqué avec son clan dans une ville en proie à une guerre civile et ouvertement hostile à à peu près tout et à aucun moment l’ambiance ne sera moins pesante, bien au contraire. Fidèle à ses habitudes, le jeu alterne donc entre Iver et Rook, chacun ayant des décisions importantes à prendre qui auront des conséquences sur votre partie, le temps étant compté. La formule est globalement la même, avec quelques petits twists, ce qui est un avantage pour ceux qui doivent attendre deux ans entre chaque titre mais est plutôt lassant quand on les a enchaînés. La grosse différence étant que l’aspect gestion est quasi-inexistant cette fois : le groupe d’Iver n’aura pas besoin de nourriture et du côté de Rook, la nourriture ne sera pratiquement jamais consommée par le clan mais servira dans la suite du jeu. Pareil pour les points de réputation : contrairement aux deux premiers où j’avais plutôt eu du mal à en avoir suffisamment pour améliorer tous les persos que je souhaitais, ils sont ici distribués à la pelle. Et pour une bonne raison : le jeu n’hésitera pas à tuer plusieurs de vos compagnons dans des scènes scriptées très dépendantes des options que vous choisirez et de décisions précédentes et il est donc nécessaire d’avoir régulièrement des points pour pouvoir améliorer les quelques personnages qui resteront en vie et que vous n’avez pas forcément beaucoup utilisés précédemment.
Le gameplay a aussi connu quelques changements : les combats sont plus durs que précédemment, notamment à cause des vagues qui font leur apparition. En gros, il arrive parfois que le jeu vous donne un nombre de tours avant qu’une autre vague d’ennemis arrive. Vous pouvez décider de vous enfuir si vous avez fini de tuer les premiers ennemis avant que tous les tours soient passés, sinon, vous allez obligatoirement devoir l’affronter alors que vos héros seront probablement en très mauvais état. Il est également possible de se décider de se battre contre une nouvelle vague volontairement, le jeu vous donnant parfois l’option à la fin d’un combat, tout en pouvant switcher vos personnages pour avoir une équipe un peu plus fraîche. La récompense n’étant que des objets supplémentaires (pour pallier au fait que la plupart du temps vous ne pourrez pas en acheter de nouveaux), je me suis rarement donné ce mal.
Cette difficulté en « normal » est un choix intéressant mais un peu surprenant pour un jeu basé sur une narration forte, d’autant plus quand celle-ci avait été identifiée comme l’un des facteurs de l’échec de The Banner Saga 2 par l’un des créateurs du studio (dans le lien que vous pouvez consulter dans l’introduction). Cependant, si vous avez du mal sur l’un des combats, pas d’inquiétude, vous pouvez passer très facilement en « facile », ce qui devrait vous débloquer rapidement.
De déceptions en déceptions
Et justement, la narration. Celle-ci a toujours été présentée comme un point fort de la saga, servie en plus par de très jolis graphismes (bien que les personnages auraient mérité une plus grande palette d’émotions), des cinématiques faites à la main et une superbe musique s’accordant parfaitement avec les thèmes du jeu. Avec un point noir tout de même, le fait d’être obligé de jouer avec des sous-titres même si vous parlez correctement anglais, tant les accents sont prononcés. Mais ceux-ci permettent de s’immerger encore un peu plus dans l’ambiance donc je ne tiendrais pas rigueur à Stoic pour ce choix. Cependant, les joueurs ont eu tendance à voir une baisse de qualité dans la narration plus le récit avançait et je dois leur donner raison. Il est dur d’être triste pour la mort d’un personnage quand rien ne donne vraiment la possibilité de s’y attacher (exception faite de la relation Rook/Alette dans le premier épisode). La plupart des dialogues se font dans des moments de tension, chaque personnage a des intérêts personnels gardés secrets jusqu’à que ça ne compte plus vraiment et surtout, ils sont trop nombreux pour que chacun ait le temps de briller.
On retrouve ces défauts tout au long de The Banner Saga 3, amplifiés par une fin expéditive et, surtout, indifférente à vos choix durant les autres épisodes. Alors oui, des personnages vivront ou mourront selon plusieurs critères mais, est-ce vraiment important quand de toute façon, on n’entend plus parler d’eux au final ? Les cinématiques sont les mêmes pour tout le monde, peu importe qui reste, avec d’infimes changements dans certains cas particuliers (que je ne citerai pas là pour éviter les spoilers). Aucun épilogue, aucune possibilité d’aller discuter une dernière fois avec les membres de votre équipe, rien. Impossible de savoir ce qui se passera pour eux par la suite. Mais encore pire, The Banner Saga 3 vous punit si vous jouez correctement. Comme dit auparavant, le temps est limité. Vous avez donc un nombre de jours selon plusieurs critères, qui serviront à l’équipe d’Iver pour atteindre leur but. Lorsque ce nombre de jours tombe à zéro, vous retournez dans la ville où se trouve l’équipe de Rook et vous avez d’autres choix à faire pour essayer de gagner du temps. Il est possible de faire ça cinq fois, avec à chaque fois des événements différents. Sauf que, si vous jouez correctement, vous n’aurez pas besoin de retourner autant de fois à la ville, certains joueurs semblent ne même pas y avoir remis les pieds une seule fois. Ce qui veut dire que leur partie s’est vue amputée de bouts d’histoire, certes pas nécessaires, mais tout de même plaisants quand on aime le jeu. Un défaut inadmissible pour un titre qui se veut avant tout narratif. Et enfin, finissons par ma grosse déception personnelle : les dredges. On comprend depuis quelques temps qu’ils sont agressifs uniquement par peur, qu’ils ont aussi des femmes et des enfants dans leurs rangs et qu’au final ils ne sont pas si différents des humains dans leur exil. Et pourtant, cet aspect n’est exploré qu’au cours d’un événement scripté. Rien pour montrer une éventuelle cohabitation ou hostilité, aucune évolution concrète par rapport au tout premier épisode à ce sujet. Tout au plus aurons-nous droit à une explication superficielle sur le comportement des plus importants d’entre eux et ce sera tout.
Au fond, je n’en veux pas vraiment à Stoic. Créer et finir cette saga n’a pas l’air d’avoir été de tout repos pour eux et je ne suis qu’à moitié étonnée de cette conclusion. Cependant de petites choses auraient pu calmer la déception des joueurs, qui s’expriment assez fortement sur les discussions Steam, comme la possibilité de parler une dernière fois à tous les personnages encore en vie pour savoir ce qu’ils comptaient faire par la suite, l’état de leur famille, de leur clan… Savoir si enfin les dredges (très négligés dans cette suite qui aurait pu les faire briller) et les autres allaient réussir à cohabiter, juste pour avoir l’impression d’une conclusion. J’ai passé un bon moment sur cette saga mais j’aurais aimé plus. Qui sait, peut-être que des petites corrections seront faites dans le futur. En attendant, je recommande quand même ce troisième épisode à ceux qui ont joué aux deux autres mais je n’irai pas encourager les gens qui n’ont jamais joué à The Banner Saga à le faire.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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