Le studio taïwanais CreSpirit (Rabi Ribi) est de retour pour un jeu dépassant toutes leurs ambitions précédentes : un metroidvania intégrant des éléments de RPG et de bullet hell. Le tout sur fond d'aventure épique et de long voyage initiatique d'une jeune fille à oreilles de lapin. Vous trouvez que ça fait beaucoup ? Vous avez peut-être raison.
Je ne voudrais pas donner l'impression que je vais vous parler d'un mauvais jeu avec cette introduction un peu pisse-vinaigre. Au contraire, Tevi est une bien agréable surprise, avec un des systèmes de progression et de combat les plus amusants de l'année. En revanche, je ne suis pas certain que la plupart des titres de ce genre demandent un tel investissement de votre part. Oubliez la courte aventure labyrinthique pliable en 8 à 12 heures : ici, vous embarquez pour un voyage initiatique de plusieurs dizaines d'heures nécessitant de comprendre les arcanes d'un système de combat étonnamment touffu. Heureusement plus portée sur l'exploration que sur le farm, Tevi va tout de même accaparer votre temps et votre énergie assez longtemps avant de commencer à se révéler et à montrer son plein potentiel. Une approche du game design très audacieuse, mais clivante.
Faste and Furries
Première surprise : Tevi veut (et insiste pour) vous raconter une très longue histoire épique. Un récit plutôt inhabituel pour un genre plus volontiers concentré sur l'exploration d'un seul donjon tentaculaire. Non, ici, on voit du pays, on change de continent, la map est immense, on rencontre des dizaines de personnages, et on nous balance des enjeux cosmiques de civilisation disparue.
Si la quête de la jeune Tevi que l'on va incarner pendant vingt-cinq à quarante heures (en fonction de votre envie de rusher ou non les quêtes annexes) est plutôt attachante, il me faut tout de même souligner à quel point tout ceci est particulièrement bavard. Voire verbeux. Voire pire : chaque micro-événement de l'intrigue, jusqu'au moindre boss annexe, vous accueillera avec des dizaines de dialogues destinés à étayer l'univers, à épaissir les relations entre les personnages ou à vous souligner et surligner les enjeux du moment. Un poil plus de concision et d'économie n'aurait à mon sens pas desservi le propos, mais passons. On a au moins la chance de vivre tout ça avec un casting plutôt attachant.
Plus étonnant : même pour un metroidvania, l'exploration des différents niveaux de Tevi est étrangement peu linéaire. À chaque début de chapitre, on nous colle des objectifs assez généraux et assez lointains, avant de nous laisser nous débrouiller avec ça. On se perd, on erre pas mal, on déniche des bonus un peu partout, mais on arrive rarement à l'endroit voulu du premier coup. Si cet aspect m'a semblé plutôt malin (on incarne une apprentie exploratrice, c'est donc assez cohérent), il a aussi un sacré impact sur le rythme de l'aventure. Pour peu qu'on galère à rejoindre le prochain point d'intérêt sur des maps généralement immenses et nébuleuses, on peut passer quelques heures à s'ennuyer ferme, uniquement motivé par les bonus liés au système de progression de l'héroïne.
Crafte comme si Tevi en dépendait
L'approche générale de la croissance de Tevi viendra en effet moins du fait de tabasser des ennemis en boucle que de sa capacité à dénicher des trucs cachés pendant son exploration de l'univers. Chaque objet récolté va en effet soit activer une compétence bonus, soit ajouter un bonus permanent aux stats de l'héroïne. Le système évolue en parallèle avec la récolte d'ingrédients élémentaires, qui peuvent eux-mêmes servir à créer des améliorations permanentes pour certains objets. Un système très, très riche, mais qui constitue aussi la limite principale de Tevi.
Si j'ai apprécié pouvoir autant moduler les compétences et le rythme de progression de l'héroïne, il faut quand même admettre que tout ça est engoncé dans un système de menus et de sous-menus à base de stats et de pourcentages rappelant les heures les plus sombres du JRPG. C'est pas clair, c'est pas pratique, et surtout, chaque type d'amélioration bénéficie de sa propre sous-section pas pratique. Sachant que par-dessus tout cela, il y a également dans Tevi des boutiques, permettant de récolter encore d'autres bonus, ce qui implique donc la gestion d'argent. Heureusement, la récolte de toutes ces ressources est assez fluide et automatisée, mais on passe quand même trop de temps à bricoler des tableaux et des onglets dans ce qui aurait pu et dû être présenté de manière beaucoup plus organique.
Je note tout de même que la sensation de gagner en puissance est bien là une fois que l'on commence à comprendre la logique, puisque les effets cumulés de tous ces petits bonus finissent par débloquer des compétences impressionnantes à l'héroïne, et que la sensation vraiment plaisante de revisiter un niveau bonus et de rouler dessus alors qu'il paraissait infinissable quelques heures plus tôt est extrêmement satisfaisante. C'est laborieux, mais ça marche.
Harde mode
Au regard de la richesse du système de combat induite par cette customisation forcenée, on regretterait presque que l'essentiel de l'aventure présente un challenge très déséquilibré lors de ses combats. Si les combats de boss sont extrêmement haletants, plaisants et travaillés, on ne peut ainsi pas en dire autant du reste de l'aventure.
90% de votre temps dans Tevi sera en effet consacré à de la pure exploration matinée de plateforme. Et à peu de choses près, tous les monstres (nombreux et grouillants) que vous allez rencontrer en chemin ne vous opposeront qu'une résistance symbolique. On fonce dans le tas, on place en boucle les deux trois mêmes combos ravageurs, et c'est tout.
Cela n'en rend l'exploration que plus longuette, d'autant que les enjeux liés au tabassage de monstres sont minimes, puisque ce n'est globalement pas comme cela que Tevi monte en puissance. Alors, on finit mécaniquement par tracer sans trop s'attarder jusqu'au prochain boss en ayant un peu l'impression de passer au travers du jeu. Ce n'est pas bien grave la plupart du temps, mais cela rend les moments de backtracking et la recherche d'objets cachés assez monotone.
Je note tout de même un excellent point concernant la difficulté du jeu, très modulable et pouvant faire de Tevi une expérience abordable pour tout type de profil de joueur ou de joueuse. Dans le mode de difficulté le plus simple, les boss opposent une résistance modeste assez habituelle pour un metroidvania plutôt facile. Dans le mode intermédiaire, les duels nécessitent une maîtrise correcte des systèmes d'expérience, de craft et d'équipement. Et en poussant le curseur vers les difficultés les plus infernales, c'est du bullet hell impitoyable et maso comme on en aura rarement vu dans un titre du genre. Que vous aimiez les jeux atrocement difficiles ou que vous détestiez ça, Tevi respecte votre style, et c'est déjà beaucoup.
Tevi a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5 et sur les consoles Xbox.
Avez-vous trente ou quarante heures à consacrer à un très long boss rush entrecoupé d'exploration labyrinthique ? Si oui, je pense que Tevi pourra être un de vos grands jeux de cette fin d'année. Dans le cas contraire, vous risquez de passer un peu à côté de l'expérience et de juste trouver le tout très longuet. Il n'empêche que CreSpirit a livré une œuvre particulièrement ambitieuse, voire courageuse, qui nous prouve une nouvelle fois l'immense pépinière de talent constituée par la scène indé taïwanaise.
Les + | Les - |
-Scénario malin et ambitieux... | - ... Mais narré de manière ultra verbeuse |
- Système de combat passionnant | - Nombreux ventres mous dans l'exploration |
- Montée en puissance très fun | - Les menus sont chaotiques |
- Le design des boss est top ! | - Téléporteurs parfois bizarrement placés |
- La difficulté super modulable |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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