Avec près de soixante jeux en trente ans, la franchise Super Robot Taisen / Super Robot Wars est aujourd’hui une des plus longues et fournies du jeu vidéo et n’a, à de très très rares exceptions près, jamais mis les pieds hors du Japon. Cet épisode anniversaire, Super Robot Wars 30, est une occasion pour nous de découvrir enfin de manière simple et accessible cette licence au concept limpide : c’est tous les robots connus du Japon, et ils se tapent dessus.
Autant vous avertir : si vous n’avez aucune, mais alors aucune connaissance en matière d’animés et de mangas produits ces cinquante dernières années mettant en scène des robots géants, mechas, kaijus etc., Super Robot Wars 30 n’aura probablement aucun intérêt à vos yeux et se contentera d’aligner pendant une centaine d’heures des références absolument incompréhensibles. Mais pour peu que vous ayez été biberonnés, selon votre génération, à Mazinger, Gundam, Gridman, Code Geass ou encore Magic Knight Rayearth (ainsi qu’à une trentaine d’autres), vous arriverez en terrain semi-connu… Pour découvrir un exercice extrêmement particulier consistant à livrer un tactical RPG relativement solide tentant une des acrobaties scénaristiques les plus spectaculaires de toute l’histoire vidéoludique : noyer le joueur ou la joueuse sous une tentative de cosmogonie unifiée où il est absolument normal que les héros sombres et réalistes de Gundam se tapent avec les protagonistes disco seventies de Go Nagai au beau milieu de tractations géopolitiques mêlant Lelouche Lamperouge et les chasseurs de robots vampires de Gun X Sword. Attention : ce n’est pas très digeste.
Bouillie scénaristique
Découvrant la franchise en même temps que le reste de l’Occident, afficionados de l’import excepté, je ne savais pas trop à quoi m’attendre : j’attendais Super Robot Wars 30 comme un tactical RPG somme de tout ce que la série avait proposé jusqu’ici et machine à imprimer de l’argent pour Bandai Namco. Ma première surprise a donc été de constater que Super Robot Wars 30 n’est pas un simple RPG mais aussi un très, très, trèèèèès long visual novel où des centaines de personnages déroulent au moindre prétexte des kilomètres de texte auxquels se greffe un très épais codex nous permettant de savoir qui est qui et qu’est-ce que c’est que ce bazar. Bazar que je suis incapable de résumer moi-même et que je vais donc confier à Enzo (7 ans et demi).
ENZO (7 ANS ET DEMI) NOUS RACONTE SUPER ROBOT WARS 30
Oui alors c’est l’histoire de Az, qui est une fille pendant la guerre qui a perdu la mémoire qui va à l’Académie de bagarre des robots, et alors là elle découvre qu’elle est pilote de robot et que dans un grand vaisseau elle va participer à la guerre des robots, parce que les humains en vrai ils sont en guerre parce qu’ils ont battu le méchant Empereur Lamperouge et, et après ils ont été battre les robots du passé et puis après les robots de l’espace ils les ont attaqués et puis après heureusement heu la base elle est attaquée mais le vaisseau il peut décoller parce que en vrai l’Empereur Lamperouge il est gentil et ça c’est les robots de Betterman qui le disent quand ils vont dans la prison et après ils vont à Gibraltar prendre l’ascenseur pour l’espace et après les Gundams tu vois ils arrivent mais alors les méchants de Mazinger en vrai ils étaient complices avec eux et puis alors il y a le gros trou noir qui fait venir le robot avec les chats qui parlent, et ils deviennent amis avec le robot tigre et le robot grue et après ils arrivent à faire des attaques parce qu’on apprend que en vrai ils sont plus forts parce que leur cerveau de robot a évolué et qu’alors ils ont aussi un cœur de robot avec des sentiments humains et
Merci Enzo (7 ans et demi), je pense que ça suffira et que tu es un excellent remède contre la surpopulation. Oui, donc Super Robot Wars 30, c’est avant tout une grande aventure humaine et robotique qui, loin de se contenter d’ajouter des personnages connus à un ensemble de batailles tactiques, est aussi un roman fleuve essayant à la fois de créer une histoire originale ET de se poser en suite aux soixante autres jeux de la série. Un exercice extrêmement étrange, puisque le jeu ne parvient jamais tout à fait à choisir entre dérouler son propos, multiplier les flashbacks d’autres Super Robot Wars et re-raconter les événements de CHAQUE franchise exploitée dans le titre. Le résultat est une bouillie profondément indigeste, mal écrite et sans aucune logique interne. Ce qui n’est pas grave pour un jeu de ce calibre, mais vous allez devoir en avaler par paquets de dizaines de minutes de texte à CHAQUE mission : pour une demi-heure de stratégie, comptez une bonne heure de blabla robotico-mystico-futuristo-dimensionnel. Un peu frustrant, car sous ses fanfictions délirantes pour otaku problématique, Super Robot Wars 30 est aussi un TRPG franchement bien fichu.
It’s Over 9000
Quand vous ne passez pas en accéléré des dialogues pour savoir ce que les personnages de Mazinkaiser peuvent bien avoir à penser de ceux de The Brave Police J-Decker, Super Robot Wars 30 vous propose essentiellement deux phases de gameplay. La première, où vous vous trouvez à l’intérieur de votre base volante et où vous devez manager vos troupes et vos défenses en utilisant à bon escient les différentes monnaies du jeu : de l’argent pour renforcer les robots et améliorer directement vos combattants, des parts amovibles pour leur confier certaines capacités, des points de recherche pour améliorer les capacités passives de votre vaisseau, des points de compétence pour déclencher des skills particuliers en combat, etc. Malgré un côté extrêmement brouillon et touffu et la multiplication des jauges et des systèmes monétaires, Super Robot Wars 30 est en fait assez simple et instinctif. Vous arriverez très vite à optimiser votre base et vos combattants de manière assez satisfaisante, sans que cela ne vous prenne jamais bien longtemps.
L’autre phase, ce sont les combats tactiques eux-mêmes. S’ils ne brillent pas par leur mise en scène (à l’exception des clashs entre unités, représentés de manière très impressionnante façon attaque d’animé), ils ont le mérite d’être extrêmement clairs et fluides, avec beaucoup d’options pour les accélérer si jamais vous voulez par exemple vous passer des animations d’attaques spéciales. Très vite, on leur découvre une profondeur tactique étonnante qui vous force à jongler habilement avec la plupart des sous-systèmes du jeu : capacités passives pour renforcer temporairement un mecha, switcher entre les armes pour s’adapter à l’unité adverse, faire appel à des « supporters », des unités passives agissant en parallèle des vôtres, etc.
Pas bien difficiles une fois qu’on a compris le truc (à l’exception de batailles optionnelles vraiment plus rudes) mais très agréables, ces confrontations sont néanmoins rendues un brin confuses par un délire très JRPG de noyer le joueur sous d’énormes chiffres, des indicateurs qui clignotent dans tous les sens et une interface a priori complètement illisible. Un robot n’a jamais 500 points de vie dans Super Robot Wars 30 : il en a 98 763 et ses attaques font 98 679 + 10% x vos points de mouvements exposant votre moral. Passé le temps d’adaptation, on finit par ne plus regarder que les quelques éléments graphiques qui comptent vraiment et prendre beaucoup de plaisir à résoudre le puzzle posé par chaque carte (on est loin du côté illisible d’un Disgaea 6 par exemple).
Super Robot Wars 30 a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Bandai Namco et Banpresto (propriétaire de la plupart des licences du jeu) peuvent dormir tranquille : Super Robot Wars 30 est une sorte de FIFA des robots, délivrant aux afficionados un océan de fan service si épais qu’il en devient presque opaque. Mais une fois passé le choc de se retrouver face à un monstre d’incohérence ultra verbeux et indigeste, le simple amateur d’animé semi-intéressé par les univers mecha a eu le plaisir de faire face à un des tactical RPG les plus agréables de l’année, que ce soit par les combats eux-mêmes, variés et créatifs, que par les phases de préparation de ces derniers, très instinctives et satisfaisantes. On est loin d’être devant un produit très abordable, et il y a fort à parier que le jeu aura du mal à convaincre au-delà de la petite niche des fans. Néanmoins, il faut savoir saluer un bon jeu quand on en voit un, même s’il raconte n’importe quoi.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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