Je dois l’avouer : je n’ai que très peu joué à Sunless Sea. Pourtant, il cochait à peu près toutes les cases. Lovecraftien, différent, un peu bavard… A cela près qu’il était également très lent et qu’au final, je n’ai jamais vraiment trouvé le temps de m’y plonger. Du coup, quand Sunless Skies a été annoncé, je me suis promis de donner une chance à ce titre-là, d’autant plus que les locomotives de l’espace, ça avait l’air bien plus excitant qu’un bateau. Mais j’ai préféré attendre un peu, les différents avis étant assez mitigés durant l’early access.
Il faut dire que le développement du titre n’a pas été de tout repos pour Failbetter Games. Après le succès moindre de l’early access, le studio avait été obligé de se séparer d’une partie de son équipe et avait perdu bien avant l’un de ses co-fondateurs, Alexis Kennedy, ainsi que sa cheffe de projet, Lottie Bevan. Malgré ces tourments et le report de la fin de l’accès anticipé, Sunless Skies sort donc aujourd’hui officiellement et, je dois l’admettre, dans un état bien plus satisfaisant qu’auraient pu nous le faire penser les rapports alarmants de l’année dernière.
Toujours aussi obscur
J’aimerais bien vous résumer un peu l’histoire de Sunless Skies. Je peux vous dire que vous commencez votre partie en revenant du Blue Kingdom et en essayant péniblement d’atteindre la ville principale, New Winchester, avant que votre capitaine ne succombe à ses blessures. Je peux également vous indiquer que ça ne sera évidemment pas le cas, puisqu’il faut bien une raison pour que vous deveniez capitaine à votre tour. Pour la suite, eh bien, je dirais que le jeu souffre d’un phénomène « Kingdom Hearts ». Il aurait bien entendu été préférable de connaître l’histoire de Sunless Sea mais celle-ci étant aussi assez obscure par endroit, j’ai cru comprendre suite à de nombreuses recherches sur Internet que c’était surtout Fallen London, le jeu sur navigateur de Failbetter Games créé il y a des années, qui permettait de comprendre dans sa totalité l’ample univers autour de ces titres. Mais si vous insistez, je peux quand même essayer de vous faire un petit résumé : après les événements de Sunless Sea, l’Empire Britannique a décidé de conquérir le ciel. Il se trouve que les étoiles se meurent et que la reine Victoria contrôle le temps et exploite les plus précaires pour miner des heures, qui permettent aux plus riches de vivre quasi-éternellement au détriment des autres. En tant que capitaine, votre rôle est de trouver la réponse au pourquoi du comment et de décider si vous voulez soutenir les actions de la reine ou des rebelles. Grossièrement.
A votre arrivée, vous serez donc très rapidement plongé dans différentes histoires de guerre, de rivalités entre factions, qui ne seront pas forcément des plus claires mais qui ne devraient pas non plus trop bloquer votre possibilité d’amusement si vous ne connaissez pas chaque détail sur le bout des doigts. On comprend assez facilement les buts de chacune de ces factions, soutenir ou renverser la reine, même si on ne comprend pas forcément du premier coup leurs motivations. Et après quelques achats de provisions et de fuel, vous voici parti pour explorer la première région qui se présente à vous, The Reach. Très clairement, les premières heures seront les plus dures : vous êtes pauvre, vos ressources sont donc limitées et vous devez trouver différentes villes avec des indications assez obscures comme « au nord, nord-est de New Winchester » afin de vous ouvrir d’autres opportunités et pouvoir par la suite transporter des biens afin d’agrandir votre fortune ainsi que résoudre les mystères qui vous attendent. Bref, si vous avez joué à Sunless Sea, vous ne serez pas trop dépaysé.
Et toujours aussi lent
Ce n’est pas vraiment quelque chose de positif ou négatif. C’est un fait : il faut du temps pour jouer à Sunless Skies, il faut aimer les allers-retours dans une locomotive qui se traîne un peu et il faut aimer recommencer. Car vous allez mourir. Beaucoup. C’est une vérité qu’il faut accepter dans ce titre et ce n’est pas très grave, au contraire, il y a même des avantages à mourir : vous recommencez avec un capitaine tout neuf, débarrassé de toute la terreur, représentée par une jauge qui se remplit progressivement et qui affecte tout votre équipage, qu’avait accumulé son prédécesseur avec ses voyages mais qui conserve par contre la carte explorée. Vous gardez aussi une partie de son argent et sa locomotive, en perdant parfois une amélioration comme une arme ou un bouclier. Mais l’autre avantage, c’est que certaines quêtes sont « fixes » et seront réinitialisées à chaque nouveau capitaine, ce qui signifie la possibilité de se refaire un petit pactole rapidement et de pouvoir continuer sur un meilleur pied. Malheureusement, il faudra aussi aller rechercher les officiers un par un, ce qui est un peu irritant à la longue.
Rien dans le titre ne vous dira qu’il est temps de passer à la prochaine région. C’est à vous de gérer et vous pouvez rapidement vous faire avoir par le confort relatif de la première zone, qui, une fois toutes les villes découvertes, vous donne la possibilité de faire facilement des missions de transport pour accumuler des richesses. Je me suis faite avoir et ai traîné longtemps dans cette routine, qui me rappelait un peu les missions de transport de marchandises d’Elite Dangerous. J’étais en terrain connu, tout allait bien et puis, j’ai dû faire face à la dure réalité : il était temps d’aller visiter le reste. Car malgré sa lenteur, Sunless Skies est rempli d’une certaine tension qui rend tout changement redoutable et excitant à la fois. Chaque nouveau lieu est la promesse de nouvelles horreurs prêtes à tout pour nous tuer, de rencontres hasardeuses et la suite de l’histoire, qui, même si elle n’est pas limpide, est plaisante à lire.
Mais définitivement charmant
Car ce n’est pas le gameplay qui fait briller le jeu : il consiste à se déplacer de ville en ville, explorer quelques anomalies qui finissent par se ressembler et se battre contre des pirates ou des horreurs cosmiques, de façon un peu maladroite au clavier/souris tant votre véhicule a tendance à être « lourd » à bouger. Mais comme pour Sunless Sea, c’est par son ambiance et sa qualité d’écriture que Sunless Skies se démarque : malgré mon incompréhension face à certains éléments du monde, je me suis retrouvée happée parfois par certaines suites de quêtes (qui ne sont que de simples choix à faire sous forme de texte) ou par la beauté de certains lieux. Même si je me suis pas mal énervée ou me suis lassée lors de certaines séances, il y avait toujours un petit moment qui me rappelait que quand même, ce jeu, s’il est loin d’être parfait, a vraiment un petit quelque chose dur à expliquer et qui, contre toute attente, m’a donné envie d’en apprendre plus sur tout le reste.
On sent que Failbetter a essayé de raconter des choses dans ce titre, même si ce n’est pas forcément extrêmement développé et un peu « on the nose » parfois. Déjà les mineurs d’heures, qu’il est possible d’aller voir sur Albion, à la faveur d’une visite guidée réservée aux « généreux » donateurs qui ont l’impression de faire quelque chose de positif avec leur argent. Il est possible de s’éloigner et de bien évidemment se rendre compte que tout cela n’était qu’une mise en scène, que la travailleuse bien portante n’était qu’une actrice et que les véritables mineurs n’ont pas de protection adéquate et sont globalement misérables. Aussi, l’empire britannique qui semble prêt à soutenir ce qu’il pense être ses intérêts envers et contre tout, ce qui ne peut que faire surgir certains liens avec l’actualité dans notre esprit. Et ce ne sont que des exemples parmi d’autres, dans un titre qui aurait pu réellement briller en mélangeant ces sujets, même abordés un peu timidement, avec son ambiance spatiale effrayante, s’il avait su s’ouvrir aux nouveaux joueurs.
Jeu testé sur PC via une clé envoyée par l’éditeur.
Sunless Skies fait partie de ces jeux durs à tester. Tout est un peu abstrait chez lui, de son histoire aux sentiments qu’il arrive à procurer parfois. J’aurais aimé avoir plusieurs mois pour y jouer en vérité et il n’est pas impossible que j’y revienne. Comme toutes les bonnes choses, il peut très vite lasser s’il est englouti tous les jours trop rapidement mais doit se dévoiler à petites doses, quand on est dans le bon état d’esprit pour l’apprécier. Car c’est un titre lent et bavard, comme son prédécesseur, et ça peut mener à une certaine frustration si ce n’est pas ce qui nous attire dans le moment présent. Même si Failbetter Games a pas mal changé depuis Sunless Sea, je ne pense pas que Sunless Skies décevra incroyablement les fans du premier opus, même si j’ai cru comprendre qu’il était considéré comme un peu plus facile. Sur un aspect purement technique, j’ai rencontré quelques rares bugs peu gênants, je peux donc le recommander. Après, c’est à vous de voir si vous pouvez être éventuellement attiré par ce style.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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