Dès son annonce, le Sunday Gold de BKOM Studios a su faire vibrer la corde sensible de la rédaction, en promettant pêle-mêle du Londres crado et dystopique, du point & click mélangé à du RPG au tour par tour, des personnages haut en couleur tout droit sortis d'un film de Guy Ritchie - accent compris - et une narration et esthétique lorgnant du côté comics et pulp. Malheureusement, si le cahier des charges est effectivement rempli, la sauce ne prend jamais vraiment.
La faute revient à une multitude de petits problèmes, d'un rythme qui tire à la ligne, de quelques banalités dans les énigmes, de minis-jeux pas fous, mais surtout d'un concept génial qui se torpille lui-même. Car oui, Sunday Gold possède quelques très bonnes idées, dont certaines que je rêve déjà de voir reprises ailleurs, mais avec une meilleure exécution. Si je déplore le résultat, je ne peux que saluer la créativité de BKOM Studios dans la conception de mécaniques.
Docteur Gameplay et Mister Hype
C'est très probablement de là que vient ma déception : des très bonnes idées que met en place Sunday Gold, avant d'en faire ses pires défauts. Le pilier du titre, c'est son système de Points d'Action, qui permet tout le lien entre point & click et RPG. À la manière d'un jeu de rôle papier, de nombreuses actions effectuées par les personnages coûtent des points. Fouiller un tiroir, pousser une caisse, ramasser ou utiliser un objet, pirater un ordinateur : tout cela coûtera des PA, qui nous amèneront doucement, mais sûrement vers une fin du tour une fois que nos trois héros auront tout dépensé.
C'est, à première vue, extrêmement malin, et ce, sur tellement de points. Tout en gâchant quasi systématiquement le tout par l'exécution et l'équilibrage des mécaniques. Ce système de PA est d'abord une très bonne façon d'empêcher les joueurs de brute force des énigmes et de les inciter à chercher les réponses de la manière attendue. En somme, les devs nous laissent le choix, entre fouiller consciencieusement toutes les pièces des niveaux pour trouver les bons enchaînements d'actions et les réponses aux puzzles ou bourriner sur les énigmes jusqu'à ce que ça passe, quitte à gaspiller ses précieux PA et ses tours.
S'ils sont précieux ces PA, c'est parce qu'une fois le tour terminé, le niveau d'alerte de la zone augmente. Et plus ce niveau augmente, plus la probabilité d'être attaqué à la fin dudit tour est élevée. Le système de PA et de tours permet ainsi d'avoir une modélisation assez claire du temps qui passe et des mesures de sécurité qui augmentent au fil de nos déambulations. Une fois en combat, les PA sont conservés et chaque attaque ou compétence spéciale en coûtera un certain nombre, dans des combats au tour par tour. Les points d'action ne peuvent se récupérer qu'en passant un tour à parer et structurent ainsi les combats, forçant à calculer les points dépensés par les attaques et à timer correctement le moment de la parade.
La grosse quinzaine d'heures de jeu est ainsi entièrement rythmée par les tours et points d'action, qu'il faudra optimiser au mieux, que ce soit durant les énigmes, l'exploration ou les combats - avec quelques (trop rares) variations, souvent très malignes. Le titre ne repose cependant pas que sur cette très bonne idée et introduit des choix assez conséquents - en termes de gameplay, pas tellement de scénario - et surtout une excellente gestion de la santé mentale, dont la jauge est découpée en paliers, qui donnent de plus en plus de malus au fur et à mesure qu'elle baisse. On verra ainsi l'interface perdre en lisibilité, les personnages perdre en stats et les tours durant les combats - normalement sans aucune contrainte de temps - seront chronométrés. Une idée à la fois stressante et efficace. On se retrouvera ainsi à jongler avec nos deux barres de santé et de mental, les compétences de chacun permettant de les augmenter, monnayant encore des points d'action hors combat.
Sunday Gloomy Sunday
Tout a l'air super dit comme ça, et sur le papier, ça l'est. Sunday Gold avait vraiment tout pour être une petite curiosité hybride, qui aurait apporté de la fraîcheur dans les deux genres qu'il touche. Seulement, chaque bonne mécanique, chaque chouette concept porté par le titre de BKOM Studios a son mauvais côté qui l'empoisonne toujours un peu plus.
Les points d'action et le système de tours qui structurent les niveaux et empêchent d'affronter les énigmes tête baissée ? Excellent concept, mais qui se casse très très vite les dents face à la réalité du terrain : les énigmes de Sunday Gold ne sont vraiment pas aussi intelligentes qu'il l'aurait voulu, mais surtout, il utilise plus ce système de PA pour punir que pour rythmer, et ce, de manière assez injuste. Le titre nous fera à la fois sentir qu'il faut tout fouiller, tout essayer, mais nous punira assez sévèrement de points d'action et de santé mentale à chaque phase de recherche ou action. Ce qui n'aurait pas été grave si le titre avait été irréprochable, mais je me suis retrouvé à de trop nombreuses reprises à me demander si j'étais face à un bug, une information manquante ou à un intitulé peu clair. Et là, le système de PA se casse complètement la figure, puisque pour espérer se débloquer, on se retrouve à tester des trucs en boucle, à chercher des pixels cliquables et à faire d'innombrables allers-retours dans toutes les pièces. Et donc à se faire punir impitoyablement d'avoir dépensé ces points d'action.
C'est particulièrement flagrant dans le dernier acte, où chaque fin de tour ou presque donne lieu à un nouveau combat, qui en plus, avec un peu de malchance, nous fera perdre encore plus de PA, raccourcissant de ce fait la prochaine phase de puzzle, précipitant le combat suivant, etc. Alors que l'on cherche et tourne désespérément dans l'espoir de trouver ce bouton secret ou cet objet caché, on est sans cesse interrompu par des combats toujours face au même type d'ennemi, tout le long d'un chapitre qui allonge la sauce avec des péripéties en tiroirs, alors que l'on a très bien compris depuis bien trop d'heures où tout cela voulait en venir - les personnages sont très stéréotypés, le scénario est téléphoné (voire bâclé pour sa conclusion), et ne brille ni pour ses péripéties, ni pour son écriture, tout juste sera-t-on contents d'entendre de forts beaux accents britanniques.
Oy mate ! Fockin' Hell…
Une pénibilité et un rythme poussif encore entachés par des sauvegardes automatiques trop rares. Il sera possible d'enchainer une énigme et un gros combat sans qu'il n'y ait de checkpoint entre les deux et devoir recommencer en cas d'échec - ce qui sera très probable en début d'aventure : si les compétences finissent par devenir très puissantes en fin de partie, les combats du premier acte peuvent être assez sévères. On recommandera ainsi de save scum comme de gros sagouins, en sous-entendant par exemple qu'un boss peut en cacher un autre, ou qu'un gros combat peut surgir de nulle part en entrant dans une pièce… D'autant plus que ces boss sont souvent très corsés et que ces combats peuvent parfois durer une éternité, la faute à des ennemis qui se soignent et à des animations d'attaque certes très classes, mais surtout beaucoup trop longues et impossibles à passer.
Face à un jeu qui se sabote lui-même en faisant preuve de la pire utilisation possible d'un concept vraiment brillant, on a ainsi du mal à pardonner quelques petits défauts supplémentaires, sur lesquels on serait passé sans se retourner dans d'autres circonstances. On râlera ainsi sur ces minis-jeux vraiment peu inspirés - jeux de rythme et précision pour les séquences de crochetage et d'usage de la force, équivalent du Mastermind pour le piratage - qui cassent encore un peu plus le rythme, contre cette énigme impossible à résoudre pour qui serait daltonien·ne ou contre ces bugs de dédoublement d'objets - qui seront probablement réglés d'ici la sortie, puisque Sunday Gold s'est vu repoussé in extremis au 13 octobre prochain. Rien de grave, mais on se serait bien passé de ces contrariétés en plus de cette frustration constante de voir de bonnes idées ruinées par une exécution pénible.
Sunday Gold a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Quel gâchis. Quel incroyable gâchis que ce Sunday Gold, qui, sur le papier, ne pouvait qu'être bon. Alors que tous les concepts apportés par BKOM Studios proposent une alternative maligne et originale aux genres vénérables que sont le RPG au tour par tour et le point & click, le titre se tire une balle dans le pied avec un rythme mal maîtrisé, des combats intempestifs, des puzzles très inégaux et un scénario plutôt quelconque porté par des personnages finalement moins intéressants que ce que leurs gueules et leur bagou laissaient penser. On se consolera en se disant que Sunday Gold aura au moins posé des bases très intéressantes, qui, j'espère, ne tomberont pas dans l'oubli.
Les + | Les - |
- Le système de PA est brillant… | - … mais exploité de manière poussive et punitive |
- L'esthétique et la mise en scène qui lorgnent sur le comics avec succès | - Les combats sont trop longs et trop fréquents |
- Quelques choix à faire qui impactent les objectifs et le gameplay | - Les minis-jeux ne sont vraiment pas terribles |
- L'histoire, finalement assez téléphonée, et le développement des personnages très survolé | |
- Des énigmes très inégales |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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