Il y a plus de vingt ans, Firefly Studios livrait un jeu de stratégie en temps réel axant son gameplay sur les sièges de châteaux forts. Stronghold s'imposa ainsi en 2001 comme une réponse ambitieuse au Age of Empires de Microsoft. Nous sommes en 2023, et l'éditeur britannique arrive avec une version modernisée de sa pépite : Stronghold: Definitive Edition.
Il faut dire que l'histoire de la franchise Stronghold tient (un peu) de la tragédie. Passé ce succès initial et son approche révolutionnaire mêlant simulateur économique, STR et jeu de construction, la série n'a jamais vraiment réitéré l'exploit. Nous avons évoqué l'histoire assez sinistre de cette marque dans un dossier il y a déjà presque trois ans. Et depuis, rien n'a changé : la franchise n'a livré que des jeux au mieux passables, au pire calamiteux depuis des années. Alors, autant sortir des cartons l'épisode fondateur brillant et révolutionnaire, pas vrai ? À ceci près qu'une édition HD de Stronghold, nous en avons déjà eu une, il y a onze ans. Loin de moi l'idée de dire que faire des remakes de remakes de séries en perdition soit fatalement une mauvaise idée. Mais pour se démarquer et ne pas être "juste un machin quelconque de plus dans la franchise Stronghold", cette nouvelle version devait arriver avec quelques arguments solides dans le panier de sa catapulte. Et à ma très grande surprise, c'est le cas.
Il faut battre mon frère tant qu'il est môme
Mon histoire avec Stronghold premier du nom est toute personnelle, et j'ose même dire intime. Acheté au hasard par mon beau-père lors de sa sortie en 2001, le jeu m'a été transmis rapidement après qu'il s'en soit désintéressé. Alors avide d'expériences stratégiques, et relativement désœuvré (j'étais au lycée), j'ai poncé le titre en long, en large et en travers au point de le connaitre par cœur… Avant de le remiser au grenier et dans mes souvenirs. Quelques années plus tard, mon petit frère de douze ans mon cadet a eu son propre ordinateur et le droit de jouer à ses premiers jeux vidéo. Comme je le savais fan de châteaux et d'aventures médiévales, je lui ai cédé ma vieille boîte de Stronghold, lequel est devenu immédiatement un de ses jeux cultes. Presque vingt ans plus tard, il connait, lui aussi, le jeu sur le bout des doigts (j'étais plus fort que lui quand même). Nous partageons donc de manière familiale l'amour de cette œuvre et un certain désespoir à l'idée de ne pas retrouver une expérience similaire un jour.
Il faut dire que Stronghold avait en ce temps-là tout pour lui : une campagne bien écrite, une VF volontairement ridicule qui donnait un cachet très cartoon au jeu, des mécaniques économiques simples, mais efficaces. Et, surtout, un aspect stratégique et militaire qui, s'il manquait un peu de profondeur, fonctionnait à merveille. Toute l'économie du jeu était basée sur le fait de produire rapidement les ressources nécessaires à accumuler des soldats (si possibles recrutés chez des paysans bien nourris) et à utiliser une partie des ressources collectées pour les fournir en armes.
Il fallait ensuite les poster de manière logique le long de lignes de défense en bois ou en pierre, en créant plusieurs cercles de fortifications. Lesquels ne devaient pas trop entraver la circulation des fermiers, chasseurs et autres convoyeurs de marchandises. Que l'on soit du côté des attaquants ou des défenseurs, cela donnait l'impression très vraisemblable (à défaut d'être réaliste) de mener des guerres de siège très intenses.
Peu importe, au fond, que le Moyen Âge n'ait pas du tout ressemblé à cela et qu'on soit plus proche des Visiteurs que de Passion Médiévistes, particulièrement dans sa représentation de ce qu'était une bataille il y a mille ans. Ce que Stronghold offrait, c'était un ensemble de puzzles économico-stratégiques à résoudre, avec une courbe de difficulté et d'apprentissage parfaitement cohérente. Et Stronghold: Definitive Edition tente d'apporter une réponse à la question que l'on ne se posait pas : que peut-on ajouter à un jeu déjà aussi abouti ?
Stupéfiant ! Il est fort !
Pour le coup, Firefly aurait pu se contenter de livrer un "simple" nettoyage du produit d'origine avec des graphismes en HD et un support des résolutions d'écran modernes. Nous parlons après tout d'une édition vendue à tout petit prix (une quinzaine d'euros) qui aurait pu rendre ce rafistolage suffisant. Mais l'éditeur a choisi d'aller un petit peu plus loin.
Les commandes et les menus ont été légèrement repensés pour atteindre les standards d'ergonomie actuels, certes. Mais il me semble que l'intérêt principal n'est pas là, d'autant plus que pour le coup, le menu de construction des bâtiments et la logique de certaines actions demeurent trop datés. Un exemple parmi d'autres : certaines infrastructures pourtant importantes comme les corps de garde ou les tours, essentiels, restent planqués dans des sous-menus peu ergonomiques. Le creusement des douves reste une plaie, de même que l'ajout de créneaux à un château dont l'orientation ne pointe pas vers le sud (joies de la caméra isométrique que l'on ne peut pas pivoter). Ce n'est donc pas ici que la générosité du studio s'est exercée.
La vraie innovation justifiant pleinement cette nouvelle édition se trouve davantage dans l'énorme quantité de contenu ajouté depuis 2001, qu'il provienne de l'édition de 2012 ou des nouvelles missions exclusives à 2023. En plus de la campagne classique (conquête de la France) et de la campagne bonus déjà connue, vous pourrez également découvrir une longue série de défis axés sur les aspects économiques. Mais aussi une série de missions supplémentaires liées à des sièges de châteaux inspirés de la réalité. Il y a déjà ici de quoi s'amuser pendant des dizaines d'heures.
Mais la cerise sur le gâteau, c'est une longue et intense épopée, bonus d'une quinzaine de missions, écrite par l'équipe d'origine, qui complètera l'expérience pour les connaisseurs les plus aguerris de la licence. En tout et pour tout, c'est pas moins d'une centaine de batailles, sièges et autres escarmouches qui composent l'expérience totale de Stronghold: Definitive Edition. Ce qui, d'une certaine manière, livre avec cette version au contenu absolument dantesque une question un peu amère : pourquoi Firefly n'a jamais réussi à égaler à nouveau ce niveau d'excellence sur un autre titre de son catalogue ?
Stronghold: Definitive Edition a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Stronghold: Definitive Edition nous rappelle que sous une bonne demi-douzaine d'épisodes médiocres parus depuis deux décennies, Firefly Studios possède ou du moins possédait en réalité un savoir-faire exemplaire en manière de jeu de stratégie. Toujours aussi intense, riche et immersif, ce premier volet remis au goût du jour s'adresse avant tout aux nostalgiques qui, comme moi, ont une histoire très personnelle avec le premier Stronghold. Mais il réalise également l'exploit d'être un jeu tout à fait respectable en 2023, qui pourrait vraisemblablement convaincre un ou une stratège en herbe de le découvrir pour la première fois, sans avoir à rougir de la concurrence actuelle. C'est un petit exploit qu'il faut saluer.
Les + | Les - |
- Remaster de grande qualité | - Certains outils de construction restent perfectibles |
- Beaucoup de nouveau contenu | - L'IA adverse reste assez prévisible |
- Petit prix |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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