Encore un jeu difficile dans un monde détruit où vous mourrez en boucle entre deux meurtres de divinités décaties ? Certes. Mais davantage qu'un simple clone de Dark Souls comme il en existe tant, le Stray Blade de Point Blank Games entend trouver sa propre identité, et ses propres mécaniques.
Difficile, en effet, d'inventer quelque chose de franchement nouveau dans le petit monde saturé des Souls-like sans s'éloigner d'une formule déjà bien rodée. On arrive dans une nouvelle zone, on allume un feu de camp, on améliore son personnage, on explore et on débloque des raccourcis, on se retrouve face à un nouvel ennemi, pouf, on meurt. Et rebelote, en étant soudain un peu meilleur et en sachant un peu mieux à quoi l'on va faire face. De manière assez singulière, Stray Blade ne se démarque pas du tout, mais alors pas du tout, des poncifs de gameplay du genre. Au contraire, il les embrasse presque jusqu'à la parodie, en proposant assez rapidement de vous concentrer sur ses autres qualités : sa volonté (maladroite) de proposer un scénario plus drôle et léger, son système de combat aussi simple que bien fichu, et l'ajout d'un sidekick vous servant de force d'appoint.
La vallée de la mort
Contrairement à la plupart des jeux du genre s'enferrant dans une narration cryptique pleine de mystère et d'ellipses, Stray Blade fait plutôt dans l'explicitation continue de ce que vous êtes en train de faire et de vivre. Tout d'abord parce qu'on y incarne véritablement quelqu'un, l'aventurier·ère Farren. Un personnage dont la nature joyeuse et bavarde cachant une certaine mélancolie poussera à de multiples interjections, introspections et explications tout au long de l'aventure. Ensuite, car il s'agit d'un des rares jeux du genre à rapidement vous coller un compagnon dans les pattes, en la présence de Boji, un horrible petit monstre entre le farfadet, le loup et le gobelin.
Bien informé sur la situation locale, Boji va se faire un plaisir de décrire par le détail tout ce que notre explorateur·ice va croiser sur son chemin : monstres, temples, boss, artefacts… Quoi qu'on fasse, on en apprend toujours un peu plus à chaque exploration. Dans le même registre, signalons, que pour une fois, nous sommes parfaitement informés des tenants et des aboutissants de la mécanique justifiant le fait que Farren ressuscite à chaque mort et soit incapable de quitter la vallée d'Acréa, qui sert de décor à l'intrigue. Si l'intrigue narrée n'est pas des plus originales, il y a quelques rebondissements plutôt bien vus parsemant la relation entre Farren et Boji, qui évolue de manière assez organique au fil du récit.
Acréa, c'est avant tout un lieu teinté de magie, jadis lieu de conflits de nature quasi divine, qui attire tout un tas de pillards cherchant à se confronter à la faune locale pour looter des trésors. Vous allez devoir traverser les différents biomes de la vallée en vous bagarrant contre les créatures hantant les ruines et contre une armée de sales types cherchant à vous doubler sur la question épineuse du pillage en règle des lieux. Petite originalité notable dans ce scénario sympa, bien que sans surprise : à chaque mort subie par Farren, le temps avance un petit peu, ce qui peut avoir pour effet de changer légèrement certains aspects du level design. De même, la revisite d'environnements déjà nettoyés de leurs ennemis sera mécaniquement repeuplée plus tard dans le jeu par d'autres personnes ou créatures, histoire de bien vous faire comprendre que la vie continue, avec ou sans vous. Ce n'est pas révolutionnaire, mais ça donne l'impression que le scénario avance au rythme de vos succès. Du level design simple, mais assez efficace en somme.
Bataille Bavarde
Sans atteindre les niveaux de grotesques d'un Marvel's Guardians of the Galaxy ou du récent Forspoken, Stray Blade va donc vous parler, un peu tout le temps. En déroulant une mythologie riche, mais pas particulièrement originale, le jeu fait le pari de miser sur une ambiance plutôt cartoon, voire comique par moments, à rebours complet de ses modèles. On y enchaîne les affrontements contre des chevaliers clinquants et les monstres rondouillards, bercé par les plaisanteries potaches de Boji. J'ai honnêtement trouvé le résultat parfois fastidieux en termes d'écriture : tout ceci est un peu difficile à prendre au sérieux et l'on peine à s'intéresser à ce qui se passe. Néanmoins, le résultat est aussi assez rythmé, en vous poussant à toujours aller de l'avant de manière assez rapide et audacieuse. Mention spéciale aux donjons du jeu beaucoup plus ramassés, interconnectés et intenses que les extérieurs, à la construction un peu plus convenue à base de fortifications reliées par des plaines généralement circulaires.
Contrairement à la plupart des jeux d'action-aventure à la Dark Souls, Stray Blade mise donc sur des biomes et des arènes assez petits, des donjons à explorer plutôt ramassés, et une progression du personnage plutôt facile. Tout est fait pour que vous ne piétiniez que très peu à un même endroit. Certains monstres ne repoppent pas après leur mort, l'expérience acquise est conservée après un échec, le système de forge permet de rapidement créer des armes et des armures vraiment solides… Vous ferez donc régulièrement face à des pics de difficulté assez raides, mais tout est fait pour que ces derniers puissent être surmontés après quelques tentatives ou après avoir exploré une contrée voisine et débloqué quelques armes et pouvoirs supplémentaires. Une aventure qui assume son côté narratif avant tout, laquelle pourra tout de même être corsée via quatre niveaux de difficulté dont le dernier ne vous laisse souvent aucun droit à l'erreur.
Il faudra tout de même, néanmoins, comprendre une logique d'affrontements située quelque part entre Sekiro et la série Batman: Arkham de Rocksteady. Chaque confrontation va ainsi vous demander de choisir une arme adaptée (l'arsenal s'étoffant assez vite dans le jeu) et d'alterner coups faibles, coups forts et parades en fonction du type d'attaque initié par vos adversaires. Ainsi, les coups faibles doivent être parés, les coups forts esquivés, un timing parfait dans l'une de ces deux actions vous conférant immédiatement un avantage décisif. En principe assez simple, le système se complexifie assez vite quand Stray Blade déploie des ennemis aux mouvements de plus en plus alambiqués et dotés de barres de vie multiples. Des duels qui forcent à rester au corps à corps pour pouvoir briser leur posture et ainsi les achever d'un seul coup. Au bout de quelques heures, le jeu rajoute une petite subtilité, en vous permettant de sertir vos armes de gemmes temporaires pour les booster ainsi que d'utiliser Boji pour distraire ou déséquilibrer les adversaires.
La mort n'est qu'une étape
Le système pourrait s'avérer assez vite mortellement ennuyeux, tant certaines armes manipulées par Farren s'avèrent bien trop efficaces pour être honnêtes. Les lances et leurs variantes, par exemple, ont une allonge absolument grotesque vous permettant de casser la posture d'ennemis postés à plusieurs mètres de vous. Là encore, cependant, Stray Blade va mécaniquement vous forcer à ne pas vous reposer sur vos acquis : si l'on acquiert de l'expérience et des niveaux assez rapidement, la plupart des compétences intéressantes sont bloquées derrière des niveaux de maîtrise d'armes forçant à utiliser les différents styles de gameplay pour progresser. Ainsi, maîtriser parfaitement la lance permet de déverrouiller une barre de santé supplémentaire, la maîtrise de l'épée augmente l'attaque pour toutes les autres armes, etc. Plus on reste longtemps avec la même arme, et plus on accumule de points de compétences impossibles à dépenser. De même, les compétences liées à Boji, particulièrement utiles pour renforcer le binôme et les coups spéciaux, sont débloquées via des "points de récit" venant récompenser votre exploration des différentes régions d'Acréa.
Paradoxalement, pour un jeu dans lequel l'on meurt assez souvent, Stray Blade s'avère être une expérience parfaitement amicale. On vous pousse à expérimenter, à vous promener, à trouver votre style, et ce, sans jamais vous pénaliser d'avoir échoué. Un échec n'est jamais frustrant, puisque les environnements à parcourir sont assez petits pour être retraversés en vitesse, que votre progression est continue et qu'un moment trop difficile peut être rapidement passé en utilisant une arme plus puissante, quitte à faire leveler ce foutu couteau de boucher sans aucune allonge un peu plus loin. Je ne sais pas si c'est ce que Point Blank Games cherchait à accomplir, mais il s'agit là au final d'un Souls-like douillet, une catégorie que l'on aimerait plus prospère.
Stray Blade a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 5 et les consoles Xbox.
Malgré son premier abord de jeu FromSoftware cartoon assez convenu et deux premières heures manquant franchement de punch, Stray Blade fait vraiment l'effort de se démarquer rapidement de ses inspirations pour livrer une expérience réellement différente. L'ensemble a des défauts assez irritants, et en premier lieu sa tendance à parler pour ne rien dire. Mais le reste est si charmant que l'on oublie rapidement ces petites frustrations pour profiter d'un monde agréable et de combats rythmés et originaux.
Les + | Les - |
- Le système de combat très agréable | - Les deux premières heures un peu poussives |
- Progression des deux personnages bien gérée | - Trop bavard, pour ne pas dire grand-chose |
- Level design convenu mais efficace | - Les armes manquent un peu d'équilibrage |
- Les modifications des biomes avec le temps |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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