Steelrising est attendu avec intérêt depuis les premiers artworks de son univers original inscrit dans un Paris révolutionnaire, mais uchronique. Restait une question centrale : qu'allait donner son gameplay, vendu comme un héritage des jeux FromSoftware ? En néophyte total du genre, mais obnubilé par l'esthétique du titre, j'ai décidé de me confronter aux défis de Steelrising.
Le jeu est édité par Nacon, mais c'est le fruit du travail de Spiders, studio français fondé en 2008 et basé à Paris. Son dernier jeu, Greedfall, un RPG sorti le 10 septembre 2019, a connu un certain succès malgré des critiques plutôt mitigées. Cette fois, changement de registre puisque Spiders s'attaque à un genre aussi attractif que risqué : le Souls-like. Un choix qui démontre une étonnante volonté de polyvalence pour un studio plutôt classé AA. Et qui dit AA dit souvent budgets serrés et sacrifices à faire dans la conception. Le tout en passant un peu plus de 6 mois après le monstre Elden Ring. Pour quel résultat ? C'est ce qu'on va voir.
Guide touristique
Entamons toutefois le cœur de cette critique en toute objectivité… sur ma subjectivité. Comme je le faisais comprendre dans l'introduction, je ne suis absolument pas un adepte des Souls-like. Ma seule véritable expérience avec ces jeux date du premier Dark Souls, que j'ai laissé de côté au bout d'une heure à peine. Même si je trouvais l'ambiance intéressante, le dosage de la difficulté, les ennemis aux déplacements plutôt hasardeux et les soucis de caméra ont eu raison de ma bonne volonté. Alors pour me faire revenir sur un Souls-like après ça, il fallait un petit déclic et ce fut le cas avec l'esthétique de Steelrising. Mais peut-être que pour d'autres, allergiques au genre, l'argument ne suffira pas et la crainte d'en prendre plein la tronche pendant des heures avant de réussir à avancer fera office de frontière.
Pas de panique, Steelrising est, sur sa difficulté, un jeu accueillant. Rien que dans sa conception, les combats sont plutôt simples une fois passées la petite heure de découverte et l'introduction aux mécaniques. Les ennemis n'ont pas trop d'attaques surprenantes et on se prend des coups surtout en manquant de patience. Mais si ça ne suffit pas et que vous en avez marre de mourir bêtement après être par exemple tombé sur un ennemi bien vénère sans avoir de consommables ou d'avoir attiré 2 ou 3 ennemis en même temps sans être prêt à ça, le jeu a une solution. Il offre un mode assistance pour personnaliser son expérience. Sauvegarde des ressources même après la mort, réduction des dégâts reçus, jauge d'endurance améliorée, bref, pas mal d'options sont proposées. Pour seule condition : l'impossibilité de débloquer des succès. De quoi permettre à celles et ceux qui veulent explorer les environnements sans se prendre la tête de le faire simplement.
Paris et le clockpunk
Justement, parlons-en, de ces environnements. On se retrouve dans un Paris révolutionnaire uchronique. Louis XVI a chargé Eugène de Vaucanson (neveu fictif du célèbre et bien réel Jacques de Vaucanson), un inventeur surdoué, de lui construire une armée d'automates afin de stopper la Révolution. C'est un succès : Paris est en flamme et les corps calcinés de milliers de citoyens parisiens jonchent le sol (cachez vos sourires, frères et sœurs qu'ils nomment « provinciaux »). Mais Steelrising ne nous met pas dans la peau d'un de ces combattants qui auraient survécu. Nous sommes Aegis, une automate que la Reine Marie-Antoinette envoie dans Paris afin de trouver ce qui est advenu de son fils et stopper la domination du Roi. Cette quête sert de fil rouge et nous amène à rencontrer différentes célébrités de la période, allant de Maximilien de Robespierre au marquis de Lafayette en passant par Jacques Necker et Julien Raimond. Engager le dialogue avec eux aurait été encore plus plaisant si Spiders n'avait pas commis l'erreur de ce franglais terrible. Impossible de ne pas avoir un frisson dans le dos à chaque fois qu'un personnage se met à utiliser un mot ou une expression en français en plein milieu de sa phrase en anglais, comme ça, sans raison. C'est presque inévitable de ne pas être expulsé de l'ambiance à chaque conversation. Au passage, on a du mal à comprendre l'absence d'une version française compte tenu du contexte et de la nationalité du studio.
Mais fort heureusement, le jeu sait se faire pardonner avec l'argument créatif. C'est simple, c'est LA raison pour laquelle un grand nombre de personnes ont cédé ou vont céder et acheter Steelrising. La direction artistique est exceptionnelle. Rien que l'ambiance globale. Ce Paris de la fin du XVIIIe, en pleine destruction, où les rares habitants se terrent dans leur maison de peur de subir le même sort que leurs compatriotes. Un ciel sombre, des rues embrumées (peut-être trop ?), des bâtiments effondrés, des hauts lieux de la noblesse surprotégés. On sent quelques limites sur les rendus, mais jamais dans la créativité, ce qui permet de rendre les environnements totalement convaincants. Pour l'équipement et les améliorations, on retrouve ça aussi. Il suffit d'aller dans la partie « journal » et on a le droit à de très intéressants détails sur l'univers du jeu. Des explications sur l'origine d'une arme, le style d'une pièce d'armure, un personnage ou un lieu. De quoi densifier encore plus le lore.
Ce souci du détail, c'est quelque chose qu'on retrouve également dans le design des ennemis et des boss. Pour cela, Spiders a puisé dans le clockpunk. C'est-à-dire une forme de rétrofuturisme qui va chercher ses inspirations dans les inventions de De Vinci, la complexité des premiers automates ou encore la précision des montres à gousset. Le tout teinté de l'esthétique de Renaissance en Italie et en France, avec beaucoup de fioritures dans les vêtements, les bâtiments et les armes. Ainsi, dans Steelrising, on affrontera des automates aux attaques thématisées dont les modèles évolueront au fur et à mesure de l'aventure. C'est par exemple un automate de la catégorie des Musiciens, avançant aux sons de boites à musique et qui utilise sa trompette pour attaquer physiquement, mais aussi pour un tir chargé en zone. On a également le cas des Aspics dont les premiers modèles rencontrés peuvent utiliser des attaques de zone de feu, mais plus tard seront spécialisés glace ou électricité, tout en gardant des styles de combat assez similaires pour leurs attaques classiques. Tout cela crée une diversité bienvenue, à laquelle il faut s'adapter rapidement sous peine de mourir en quelques coups. Passons justement à ces fameux combats.
Automatismes de gameplay
L'esthétique et la créativité, c'est bien beau, mais est-ce que ce Souls-like tient ses promesses dans les affrontements ? Disons que c'est mitigé et que ça va pas mal dépendre de votre rapport aux jeux de FromSoftware. En effet, comme je le précisais plus haut, Steelrising n'offre pas un défi marquant et c'est ce qui en fait un bon produit d'appel pour les débutants vers des Souls-like plus exigeants. La difficulté va plus venir de lourdeurs dans les animations. C'est le cas, par exemple, des changements lents entre l'arme principale et secondaire, ou de l'impossibilité de s'arrêter en pleine attaque. Globalement, les animations manquent de fluidité et d'après les témoignages de gens qui ont tâté d'Elden Ring ou de Dark Souls 3, il y a un fossé dans le plaisir de jeu entre ces derniers et Steelrising. Même si on s'adapte aux déplacements un peu saccadés d'Aegis, sûrement dû au fait qu'elle est une automate, c'est plus compliqué pour les combats. Le standard AA n'excuse pas tout et on peut donc regretter que cet aspect du jeu n'ait peut-être pas été assez appuyé dans le développement.
C'est dommage, parce qu'il y a de bonnes idées, notamment quelques boss qui font bien le lien entre leur design et leurs façons de combattre, je pense par exemple à l'Alchimiste du Luxembourg ou à l'Évêque de la Cité. Il y a aussi toute la partie des améliorations qui procure une montée en puissance agréable et permet de plus facilement retourner chercher des ressources ou explorer des zones. On retrouve là un gameplay classique calqué sur les Souls et l'aspect « amélioration + nouvelles zones + nouvelles compétences » est respecté. On retrouve même l'équivalent des fameux feux de camp avec les Vestales à activer (très bien faites d'ailleurs). Enfin, on a l'obtention de capacités utilisables en combat, mais aussi en dehors, permettant pour l'une de casser des murs et pour l'autre de sortir un grappin (sur des endroits précis) et ouvrant ainsi des nouvelles voies et zones. Mais comme je le précisais dans le paragraphe précédent, tout ça est affecté par les soucis de fluidité, auxquels s'ajouteront parfois des bugs de collisions qui, je l'espère, seront vite corrigés.
Steelrising a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Xbox Series et PS5.
Steelrising reste dans la lignée des jeux de Spiders : un AA perfectible sur bien des points, mais qui trouvera sans doute facilement son public. Le pari de faire un Souls-like, après une expérience plutôt orientée RPG dans Greedfall, était osé et on sent qu'il y a une forme d'inexpérience. Le jeu saura toutefois parler à celles et ceux qui veulent découvrir le genre sans faire face à un mur de difficulté et en étant portés par une esthétique unique jusqu'à présent.
Les + | Les - |
- Une expérience utilisateur personnalisable | - La réactivité des animations en combat |
- Une direction artistique exceptionnelle | - Pas de VF et du franglais bizarre |
- Un lore dense à explorer | - Des carences techniques évidentes |
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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