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Star Wars Outlaws est sorti il y a déjà longtemps. Il est hélas un peu passé inaperçu pour une multitude de raisons que je ne détaillerais pas, car je ne suis pas analyste, merci. Toutefois, après y avoir joué à la sortie, et, très franchement, y avoir passé un excellent moment, j'ai eu le temps d'y réfléchir et de comprendre la raison pour laquelle ce jeu a fonctionné sur moi par rapport à d'autres open worlds à la Ubisoft.
Alors, c'est quoi l'open world "à la Ubi" ? Vous le savez forcément si vous avez joué à un Assassin's Creed dans les 10 dernières années, mais laissez-moi tout de même poser quelques bases. Déjà : c'est un monde ouvert, plus ou moins grand. Merci d'être venu à mon Ted Talk. Sur cette grande carte, vous placez toute une série d'activités secondaires plus ou moins inspirées : camps à détruire, trésors à trouver, évènements aléatoires divers et variés. Le tout pour rallonger une durée de vie d'un jeu qui cherche à vous occuper toute la période jusqu'à la sortie du premier DLC, puis du prochain jeu. Je pense que la clé du désamour certain avec la recette Ubisoft ces dernières années est là : Assassin's Creed Valhalla prend 61h à terminer en ligne droite, 97h en faisant du contenu secondaire. Qui a le temps pour ça ? Selon une étude de l'AFJV de 2022, l'âge moyen des joueurs français est de 40 ans. C'est-à-dire, au cas où il faudrait le préciser, que les joueurs ont désormais des responsabilités, et que le jeu vidéo est un loisir et que le temps que l'on peut y consacrer par jour est réduit. Selon une étude de 2023, le temps moyen de jeu par jour est d'une heure. Si un joueur moyen veut voir le bout du dernier gros Assassin's Creed, en effectuant du contenu secondaire, il devra y passer presque 100 jours. Ça irait si ce jeu était le seul jeu qui l'intéressait dans l'année, manque de chance le nombre de sorties par an explose (plus de 14 000 en 2023 par exemple) et le choix n'a jamais été aussi varié. Alors, bien sûr, certains longs jeux continuent à fonctionner du tonnerre (Baldur's Gate 3 en 2023 en est l'exemple parfait), mais globalement (et c'est un simple sentiment) les joueurs commencent à privilégier des temps de jeux plus raisonnables.
Monde ouvert, temps limité
Bon, alors, comment se place Star Wars Outlaws dans tout ça ? Déjà : il ne prend que 18h en ligne droite, 31h en effectuant des activités secondaires, et seulement 53h en le platinant. C'est incomparable par rapport à d'autres gros open worlds. Voilà, si on s'arrêtait là, ça ne serait pas très intéressant. Mais, creusons un peu sur la manière dont le dernier gros open world d'Ubisoft régit son monde ouvert et surtout respecte le temps du joueur. Si vous avez joué à un jeu Ubisoft ces dernières années, vous avez dû remarquer que l'histoire principale, le cœur du jeu, a tendance à vous faire effectuer de nombreux allers-retours : récupérer la quête à cet endroit, aller à l'objectif, effectuer votre objectif, revenir à l'endroit où est votre commanditaire. Recommencer pendant 60h.
Alors, oui, bien sûr, certaines sont différentes, ce n'est pas un schéma appliqué à la lettre, mais ça donne l'impression de ne pas pouvoir jouer par courtes sessions, que vous devez vous poser au moins 1h pour faire une ou deux missions principales. Je me souviens très bien de mes sessions de jeu sur Assassin's Creed Odyssey, où je devais peser le pour et le contre entre : continuer la quête principale, ou grinder du contenu secondaire, en fonction du temps que j'avais. Star Wars Outlaws ne gâche pas le temps de son joueur, l'immense majorité des quêtes sont résolues une fois que les objectifs sont effectués, pas besoin de retourner voir le commanditaire (sauf pour les quêtes de contrebande, mais l'objectif est de transporter des cargaisons, donc le trajet est le gameplay). Il y a évidemment des quêtes principales légèrement plus longues, qui sont généralement très bien indiquées. Par principe, en effet, si vous voulez faire une quête principale dans votre session, vous savez qu'il faudra y consacrer un peu plus de temps.
J'insiste sur cet aspect de temps de jeu, car ça me parait important. Certes, nous payons actuellement nos jeux 70€, plus si nous décidons de prendre les éditions collector, et à ce prix, on veut en avoir pour son argent. Mais, au fond, 30h ou 100h, la différence n'est que de "prix à l'heure de jeu". Un jeu ne peut pas être jugé là-dessus. Le cœur du sujet, c'est la valeur que vous attribuez à quelque chose de plus abstrait que des nombres bruts : l'expérience. Dans sa globalité, Star Wars Outlaws a été, pour ma part, une expérience bien plus agréable que n'importe quel gros open world moderne. Ne serait-ce que pour une chose : lorsque j'en ai eu un peu marre d'effectuer des quêtes secondaires, de profiter un peu du contenu, aux alentours des 28h de jeu, j'ai pu embrayer et terminer la quête principale, et donc le jeu, en 2h. On n'imagine pas à quel point il est agréable de savoir qu'arrivé le moment de lassitude inévitable avec ce genre de gros jeux un peu répétitifs, il ne reste que quelques heures pour le boucler et avoir le fin mot de l'histoire. C'est quelque chose qu'Ubisoft a également expérimenté sur Assassin's Creed Mirage qui a un temps de bouclage comparable à Outlaws. Je n'ai pas terminé celui-là pour une multitude de raisons (entre autres : la sortie d'Alan Wake II), mais dans la même veine, savoir à l'avance que je ne suis pas parti pour que le jeu occupe les six prochaines semaines m'a motivé à le lancer.
Progression et gameplay épuré
Niveau purement gameplay, Star Wars Outlaws effectue par ailleurs quelques ajustements bienvenus à la recette de l'open world. Depuis quelques années, les jeux Ubisoft sont devenus des RPG light, avec moult perks, compétences et équipement qui ajoutent des dixièmes de pourcentages à vos capacités. Ce n'est, je le crains, pas fascinant. Ça joue avec le temps de jeu dans le sens où le grind devient légèrement nécessaire pour gagner des points de compétences et acheter des perks qui, dans les précédents jeux, étaient débloqués de base. À l'inverse, Outlaws change quelque peu la recette. Il y a bien évidemment toujours une notion de progression, mais cette fois, elle passe par des personnages qui offrent des perks. Déjà : ces personnages sont débloqués en effectuant des missions, la progression est du gameplay. Ces perks se débloquent en fonction des actions que vous effectuez. Par exemple : tuer X ennemis en restant discret, ce genre de choses.
Le concept n'est pas nouveau, de nombreux jeux ont ce système de faire monter vos compétences par ce que vous faites dans le jeu. Là où Outlaws se démarque, c'est par la simplicité des actions à faire. Pas besoin de tuer 40 stormtroopers avec le pistolet, généralement l'action à effectuer est très simple et rapide, et vous pouvez même l'épingler comme objectif secondaire. D'autres sont encore plus simples, comme c'est une activité que vous faites de toute façon (comme envoyer Nyx, le petit axolotl, récupérer un objet ou distraire un adversaire). En revanche, certains perks vous demandent également des composants rares, ce qui à nouveau transforme l'expérience en checklist légèrement ennuyeuse, surtout que les objets en question sont souvent au beau milieu de camps ou bases impériales. Je comprends la logique, mais personnellement, je n'ai pas trop eu envie d'aller faire des camps, on revient un peu au problème principal des open worlds : tout devient une checklist. Alors qu'à côté, les quêtes secondaires sont organiques, ce sont des jobs que les divers agents du monde criminel vous donnent, et on n'a pas l'impression d'avoir une liste de trucs à faire.
L'autre mode récente des jeux d'Ubisoft, ce sont les armes et les équipements qui proposent des bonus parfois mineurs et viennent avec le classique code couleur de rareté. Dans l'idée, c'est un bon moyen de proposer un sentiment de progression. Dans les faits, ce système est plutôt la porte ouverte à la micro-transaction abusive. Le store des derniers Assassin's Creed, ce sont des armes légendaires vendues à prix d'or qui peuvent vous faire tout le jeu, généralement venant avec des effets élémentaires rigolos (mettre le feu aux gens, ce genre de choses). Dragon's Dogma 2 a fait polémique en début d'année pour son store qui vendait des éléments importants, mais les jeux Ubisoft font ça depuis au moins Assassin's Creed Origins.
Dans Star Wars Outlaws, la notion d'équipement n'existe pas, ou très peu. Vous avez une seule arme, et c'est tout. Votre petit pistolet vous fera l'aventure entière. Il est bien sûr améliorable, mais uniquement avec ce que vous récupérez en jouant, et ça suffit largement. Vous pourrez temporairement ramasser des armes adverses sur le champ de bataille, néanmoins elles sont limitées et vous ne pouvez pas les recharger. Niveau tenues, c'est pareil, vous avez certains sets, qui vous donnent des avantages, et vous pouvez trouver des versions "légendaires" qui en plus des stats de base ont une synergie si vous équipez tous les éléments. C'est un système très simple, qui fonctionne très bien, et si vous trouvez le set qui convient à votre style de jeu, vous ferez toute l'aventure avec le même équipement et c'est tout. Globalement, la progression est bien plus cohérente, plus simple, moins orientée "augmentation d'un dixième de pourcentage en dégâts". C'est rafraichissant, on passe moins de temps dans les menus à comparer le dernier objet looté pour savoir si ça vaut le coup de l'équiper, et plus de temps à jouer.
En conclusion, Star Wars Outlaws ne révolutionne pas l'open world à la Ubisoft. C'est simplement un retour à une philosophie de game design plus simple et plus épurée. Quelque chose qui remet le gameplay au cœur de l'expérience et se sort un peu de l'ornière du RPG dans laquelle les jeux Ubisoft s'étaient mis depuis le quasi reboot de la licence Assassin's Creed avec Origins. Le jeu respecte le temps de ses joueurs, et n'est pas une immense liste de trucs à faire. J'espère que le relatif échec du jeu ne donnera pas de mauvaises idées à Ubisoft sur ce qui a déplu dans le jeu. Le problème n'était pas la structure du jeu, le problème est peut-être plus profond que ça et je ne pourrais le détailler en quelques lignes, il faudrait un article à part entière. Quoi qu'il en soit, si vous en aviez assez des jeux Ubisoft pour toutes les raisons évoquées précédemment, ça peut valoir le coup d'essayer Outlaws, qui corrige plutôt bien les défauts de la recette.
Les + | Les - |
- Un système de progression organique... | - ... qui est parfois un peu fastidieux |
- Une bonne gestion du temps de jeu | - Encore quelques quêtes qui font remplissage |
- Un système d'équipement peu intrusif | - Ne tourne pas très bien |
- Une exploration du monde criminel de la galaxie Star Wars très intéressante |
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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