Source of Madness est ENCORE un roguelite à génération procédurale à ambiance Lovecraft avec des compétences à débloquer et un gameplay quelque part entre Dark Souls et Dead Cells. Mais ne fuyez pas tout de suite : celui-ci entend affirmer sa différence avec une génération aléatoire qui touche aussi bien les donjons traversés que les ennemis rencontrés.
Après quelques mois d’accès anticipé, les développeurs de Source of Madness rendent donc une copie finalisée de leur curieux projet : laisser en partie la main à une IA gérée par un réseau de neurones pour concevoir une partie des décors et des donjons, mais aussi pour assembler de bric et de broc différentes créatures à dégommer en chemin. Le tout avec la promesse d’un jeu en train d’apprendre à mesure que vous lui roulez dessus et capable de s’adapter à vos stratégies pour vous mettre des bâtons dans les roues. Si, hélas, la promesse n’est pas totalement remplie et souvent plus bizarre qu’agréable, Source of Madness est néanmoins un projet assez atypique pour être regardé de près.
Blob’s Burger
Ne nous attardons pas trop sur le setting de Source of Madness proprement dit : on est en terrain tellement connu que vous l’avez probablement déjà en tête si vous avez joué à n’importe quel rogue-like, roguelite ou metroidvania ces dernières années. Le pays a été dévoré par des créatures ineffables dégoûtantes à tentacules, les survivants se terrent dans des ruines gothiques sous terre, et vous incarnez une figure anonyme qui va aller taper du streum dans des décors détraqués et dérangeants, voilà, bon courage, vous allez beaucoup mourir.
La principale tentative de Source of Madness pour se détacher du reste de la production est sa direction artistique particulièrement sombre et torturée : les décors, en partie retravaillés à chaque run par cette fameuse IA, sont déchirés, éthérés, couverts de sang et de pus et s’enfoncent dans une dimension de plus en plus surnaturelle à chaque passage. Pour le coup, on a vraiment l’impression d’une ambiance parfaitement pensée pour nous plonger au cœur d’un rêve fiévreux basculant petit à petit dans l’horreur la plus totale.
On appréciera à ce titre particulièrement nos premières rencontres avec les monstres du jeu : un bestiaire qui n’est donc pas fixe et dessiné à la main mais généré à partir de différents blocs possibles : ailes, tentacules, pustules, bouches, trucs dégoûtants non identifiés… Assez rarement dans un jeu vidéo on a eu l’impression d’autant affronter ce qui pourrait être, pardonnez-moi l’expression, de cauchemardesques étrons de Cthulhu bien décidés à nous intégrer au magma dégoûtant constituant leur masse corporelle. Après quelques tentatives, cependant, on commence vite à voir se dessiner quelques patterns et l’effet de surprise s’estompe fatalement : il y a l’horrible caca volant, l’atroce glaviot rampant, l’immonde pustule sautillante, le répugnant blob collé aux murs et des variations plus ou moins déviantes de tout ça. Mais au moins, la promesse d’affronter des horreurs dessinées par une intelligence artificielle fonctionne… À ceci près que l’expérience ne se marie pas toujours très bien au gameplay proposé par Source of Madness.
Génération perdue
Source of Madness ne manque pas de bonnes idées : ce sont même parfois celles des autres. Ainsi la progression générale du jeu est assez similaire à celle du désormais classique Dead Cells auquel on aurait ajouté un chouilla de Rogue Legacy : chaque personnage que vous incarnez va accumuler un certain nombre de points de compétence et débloquer un certain nombre d’objets qui pourront être investis dans un arbre lié au gameplay (classes de personnages, possibilité de trouver certains items…) et dans un arbre lié aux personnages (compétences, barre de vie, etc.). En plus, chaque tentative va vous rendre plus solide et vous faire aller un petit peu plus loin. C’est basique mais efficace. On regrettera cependant un rythme de progression très inégal : parfois on débloque des trucs à la pelle et on se sent invincible pendant plusieurs tentatives, parfois on doit grinder une heure pour débloquer une utilisation supplémentaire de tel ou tel pouvoir qui ne s’avère pas si déterminant.
Mais les principales limites de Source of Madness sont surtout liées à son principal argument marketing : il s’agit des limites de la génération procédurale à laquelle on a laissé à l’IA beaucoup d’autonomie, et qui a tendance à créer des trucs qui parfois entravent complètement la logique de fluidité et de lisibilité que doit avoir un bon rogue-like pour séduire. Citons le fait par exemple que de nombreux ennemis, particulièrement les boss, occupent un volume si massif à l’écran qu’il est quasiment impossible de détecter leur hitbox et que notre personnage se retrouve très souvent « englouti » derrière lui : on ne sait plus qui tape qui, ni où nous nous trouvons, et c’est franchement pas très agréable.
Dans le même ordre d’idée, citons la conception des niveaux en eux-mêmes, dont le level design trahit à des moments les limites de « l’intelligence » du jeu. Parfois étrangement rectilignes, parfois labyrinthiques jusqu’à l’absurde, certains d’entre eux peuvent s’avérer assez illisibles ou carrément rébarbatifs : il m’est par exemple arrivé à plusieurs reprises de me retrouver dans des tunnels où il fallait juste descendre de plateforme identique en plateforme identique pendant pas loin d’une minute, sans jamais croiser de monstre. Sans doute que la manière de concevoir les niveaux de Source of Madness rendait ce genre de petits bugs dans la matrice assez inévitables, mais ils sont un peu trop fréquents pour qu’on ne les remarque pas.
Des combats inégaux
Citons enfin les combats en eux-mêmes, puisqu’ils vous occuperont l’essentiel de votre temps de jeu. S’ils ne révolutionnent pas le genre, ils vous proposent tout de même un système assez intelligent vous permettant d’alterner entre coups à distance, combat rapproché et pose de pièges physiques et magiques. Une fois qu’on commence à débloquer des objets assez puissants, on peut pas mal s’amuser à concevoir des stratégies très efficaces mêlant par exemple poison, feu et projectiles mécaniques.
Cependant, et si un effort important a été fait sur la gestion de l’espace (un système de dash permet de faire virevolter le personnage et de se battre de manière assez aérienne), on regrettera que la physique très ragdoll des monstres ait été appliquée au personnage incarné. On a régulièrement l’impression de remuer un pantin désarticulé dont les zones de collision et de dégâts ne sont pas extrêmement claires, et on se retrouve souvent à constater que la stratégie consistant à se coller à tous les ennemis et à appuyer sur tous les boutons à toute vitesse pour augmenter au max le nombre de dégâts par seconde en se soignant un peu a tendance à beaucoup trop bien marcher. La faute à des combats forcément pas super bien calibrés, puisque chaque monstre est unique et possède des patterns assez liés à sa morphologie aléatoire. On ne peut pas dire que ça gâche complètement le fun des affrontements de Source of Madness mais on regrette souvent qu’ils manquent un peu de cohérence et d’impact, surtout au bout de la quarantième ou cinquantième run.
Source of Madness a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4, PlayStation 5 et sur les consoles Xbox.
L’excellente idée proposée par Source of Madness de pousser les potards de la génération procédurale au maximum est à double tranchant : parfois, c’est (visuellement) formidable, et parfois on se retrouve face à des combats illisibles dans des donjons ennuyeux. Néanmoins, l’effort du studio Carry Castle pour proposer quelque chose d’un peu différent dans le monde ronronnant du roguelite est à saluer comme une initiative bienvenue.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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