Développé par les Milanais de Reply Game Studios (branche vidéoludique du géant italien Reply ayant fait ses armes sur une adaptation de la saga de Livres Dont Vous Êtes Le Héros Loup Solitaire et un jeu VR Thésée), Soulstice est, malgré la thune du groupe, un beat'em all AA aux ambitions plutôt élevées, pour un rendu étrangement cheap. Lorgnant du côté des Bayonetta et Devil May Cry pour le gameplay, Berserk et Claymore pour l'esthétique et l'univers, le titre ne parvient jamais à se hisser à la hauteur de ses modèles - on n'en attendait pas autant de lui - mais ne parvient pas non plus à remplir les attentes que l'on pourrait avoir envers un beat'em all, même AA, en 2022. Et c'est déjà plus gênant.
Mes réticences envers Soulstice se sont vu empirer au fil des (trop) nombreuses heures, au point que j'ai fini par réinstaller Bayonetta pour me convaincre que j'aimais toujours les jeux de bagarre. Un acte salvateur pour mon attachement au genre du beat'em all, mais qui a surtout su mettre en lumière ce qui me gênait autant chez Soulstice.
Soulstice Déter
Il aurait été plutôt facile, au bout de quelques heures à parcourir Soulstice, de mettre toutes les causes de l'échec du titre sur le dos de la faiblesse technique. Si les cinématiques sont à peu près propres techniquement, même si esthétiquement pas du tout de mon style - rendu des personnages vraiment trop lisse, plans racoleurs, gros seins à la physique extravagante, armures affublées de talons pour les femmes, mise en scène emo et exagérément dramatique, caméra qui tourne, qui tourne, qui touuuuurne -, l'illusion ne tient plus tellement une fois en jeu.
La faute à des textures vraiment peu dignes d'un AA moderne - c'est souvent moche - mais surtout d'une réutilisation à l'excès de ces dites textures moches, voire de bouts de niveaux entiers. C'est quelque chose qui frappe dès le premier acte, qui nous fait traverser ad nauseam les mêmes segments de ponts, de châteaux, de villages sans même chercher à camoufler le stratagème - les angles de caméra aussi sont les mêmes - et qui m'ont régulièrement twisté le cerveau : étais-je en train de faire demi-tour sans m'en rendre compte, ou était-on encore en train de me servir le même satané segment de pont ? La réponse deux, toujours. Un abus de copier-coller assez scandaleux, qui donne la surréaliste sensation d'être perdu et de tourner en rond dans un jeu pourtant extrêmement linéaire et majoritairement constitué de couloirs, mais qui met surtout en lumière l'inutile longueur du jeu pour le contenu qu'il a à présenter.
Trente-et-un chapitres, pour presque une vingtaine d'heures de jeu, tout ça pour un scénario qui piétine sévère sur sa première moitié, pour de la réutilisation d'assets en veux-tu en voilà - et je ne parle même pas de la musique de combat qui a fini par me sortir par les oreilles -, et pour la totalité des armes et ennemis dévoilée aux deux tiers de l'aventure. Un choix qui questionne sur l'intérêt de traîner à ce point en longueur si c'est pour proposer un contenu qui tiendrait dans facilement six voire huit heures de moins, et dont les ressources auraient pu être utilisées d'une meilleure façon, dans de la QA, par exemple, ou une meilleure conception d'aspects aussi élémentaires que la caméra et la précision des attaques.
Si les textures un peu laides et le recyclage à outrance ne sont effectivement pas très élégants, ils n'empêchent pas vraiment de jouer ou d'évoluer dans les niveaux et l'on pourrait aisément passer outre - on le fait sans soucis pour des trucs aussi discutables visuellement que les demakes et autres jeux hommages à la PS1 par exemple. Ce qui est loin d'être le cas du plus gros défaut technique du titre : la vieille caméra de ses morts sortie du cul d'un cheval - ne faites pas attention, c'est du jargon technique et pointu. Hors combat, la caméra est toujours fixe, et il faudra composer avec les angles choisis par les développeurs et, écoutez, je ne sais pas. C'est presque tout le temps une mauvaise idée, c'est souvent dans un mauvais angle, trop près de l'action, trop loin ; les cuts entre les scènes sont assez violents et ont visiblement provoqué du motion sickness chez une partie du public : c'est globalement ni fait ni à faire. Une fois en combat, la caméra devient mobile - à moins de la bloquer sur un ennemi, ce que je ne recommande pas, car ça devient la foire à la saucisse des angles et des mouvements improbables - et d'autres problèmes surgissent puisque cette dernière se coince dans le décor, dans les ennemis ou refuse de tourner dans certaines salles un peu trop étriquées. Qu'elle soit libre ou fixe, la caméra est dans tous les cas l'ennemi le plus retors de Soulstice, en rendant la plateforme imprécise et le combat brouillon.
Chimère Baddy
Et parlons-en, de cette plateforme et de ces combats. Car si la technique laisse franchement à désirer, retaper tout ça - affiner les textures, repenser la caméra, ou, soyons fous, remplacer des blocs de niveaux pour éviter les répétitions - ne suffirait pas à faire de Soulstice un jeu plaisant à parcourir. La raison provient d'un game design qui semble voir la difficulté, la variété des situations et les mécaniques à travers le prisme de la pénibilité. Je me doute bien que le but était de donner de la profondeur et d'apporter une certaine courbe de difficulté et de complexité, mais j'ai personnellement vécu chaque nouvelle brique de gameplay, chaque nouvelle situation comme une punition.
Durant sa mise en place, Soulstice annonce vite la couleur : on est ici dans le classico-classique et il ne sera pas question de réinventer ni même de bousculer un peu le beat'em all - pas que ce soit un problème en soi. Après une introduction très convenue de "on commence par une séquence de fin de jeu pour montrer toutes les armes et toutes les attaques possibles, puis on fait un flash-back", nous sommes présentés à nos protagonistes : les deux sœurs Briar et Lute, unies sous la forme d'une chimère - Briar est la forme physique, tandis que Lute apparaît sous la forme d'un esprit flottant autour de sa frangine. Cette dualité est au cœur du gameplay de Soulstice, et impacte autant le combat que les puzzles et la plateforme, toujours en utilisant la capacité de Lute à créer des auras de couleur bleue ou rouge.
Ces auras serviront d'abord à matérialiser des plateformes - l'aura rouge pour sauter sur la plateforme rouge, l'aura bleue pour sauter sur la plateforme bleue -, puis à casser des cristaux de la bonne couleur - pour gagner des points d'xp ou pour dégager le passage - et, une fois cette petite routine installée, rendre le tout inutilement pénible. Très vite, les gros cristaux ne pourront être détruits qu'en attaquant tous les plus petits cristaux reliés à eux. Facile ? D'accord, maintenant faisons ça dans un grand labyrinthe dans des égouts moches aux couloirs tous semblables. Encore trop facile ? Maintenant il y aura un temps limité pour casser tous ces petits cristaux, sinon ils réapparaîtront ! Puis, ils nous attaqueront en même temps, ou se trouveront dans un champ de mines, etc. Les solutions pour complexifier et enrichir le gameplay ne sont jamais originales, c'est toujours une collection de poncifs du genre agencés entre eux, mais agencés de manière à ce que ce soit toujours plus pénible. Aucune de ces situations n'a été insurmontable, loin de là. Seulement ça n'a jamais été amusant non plus. On entre dans une zone, une courte cinématique nous montre le puzzle à résoudre, et on souffle, car on sait déjà pertinemment ce que le jeu attend de nous, que ça va être chiant, et que la caméra ne nous simplifiera pas la vie.
Côté combats, c'est la même chose. Pas d'aura pour taper les ennemis gris, une aura bleue pour taper les ennemis bleus, une aura rouge pour taper les ennemis rouges. Fort bien. Sauf que tout ce petit monde possède beaucoup trop de points de vie, que le bestiaire est bien peu fourni, et surtout, que toute l'augmentation de la difficulté repose sur le soin et la réapparition de certains adversaires - quasiment tous, passé un certain point du jeu. On obtient ainsi des combats à rallonge, voyant parfois les ennemis nous ensevelir d'attaques pendant que leurs potes se soignent, avant de prendre le relais. Toujours avec une caméra qui n'est pas du tout votre amie.
C'est définitivement ça, mon énorme souci avec Soulstice. À aucun moment, il ne m'a amusé. J'aime la bagarre, j'aime la plateforme, et tout ce que le titre de Reply Game a réussi à m'inspirer, ce sont des soupirs de lassitude. Certes, il est possible de chercher et de trouver autre chose que de l'amusement ou du fun immédiat dans le jeu vidéo - ou tout autre art - mais Soulstice réussit cet exploit de ne rien me procurer. Pas de satisfaction dans la victoire, ni dans la manipulation des combos, ni dans la compréhension des puzzles, dans la découverte de son scénario, dans l'enchaînement des plateformes, rien. Rien d'autre que de l'agacement devant une technique faiblarde et une lassitude teintée d'inintérêt devant ce qu'il me restait à accomplir avant d'atteindre la (décevante) conclusion, ouvrant la porte à une potentielle suite à laquelle je ne souhaite définitivement pas jouer.
Soulstice a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur PlayStation 5 et Xbox Series.
J'aurais préféré, je crois, que Soulstice soit carrément mauvais. Rien ne me déprime autant qu'un jeu dont je ne retire aucune autre émotion que l'inintérêt, et c'est pourtant ce qu'il m'a inspiré, tout au long des 17 h dont je n'ai attendu que la fin. Au-delà de ses évidents problèmes techniques et de son rythme qui tire sur la corde, c'est l'absence dramatique d'inventivité dans les mécaniques qui fait plonger le titre dans l'ennui ; et leur exécution qui le rend pénible. Vu sa date de sortie, Soulstice aurait pu être le petit beat'em all AA en attendant Bayonetta 3, il n'en est rien.
Les + | Les - |
- Quelques designs de monstres sympas | - Un recyclage éhonté de textures et de blocs de niveaux |
- Pour être honnête : c'est fonctionnel et pas tellement buggué | - Beaucoup trop long pour ce qu'il a à montrer et raconter |
- Cette caméra de l'enfer | |
- Un manque cruel d'inventivité et d'originalité dans le game et level design |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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