Songbringer est le nouveau jeu de Wizard Fu, un petit studio principalement composé d’une personne, Nathanael Weiss. Disponible sur GoG, Steam, Xbox One et PS4, le jeu est décrit par son créateur comme une sorte de The Legend of Zelda avec génération procédurale dans une galaxie façon Star Wars. Une description ambitieuse.
Songbringer coche à peu près toutes les cases du jeu indépendant de la fin des années 2010 : génération procédurale, des mécaniques de roguelike, du pixel art et une histoire mystérieuse, à la limite de l’enfumage. Ce qui ne veut pas dire que c’est un bon ou mauvais jeu mais plutôt qu’il sera inévitablement comparé à plein d’autres jeux du même style, comme le magnifique Hyper Light Drifter et qu’il sera difficile de se démarquer de la dizaine de titres du genre qui remplissent les pages de Steam chaque mois. Alors, Songbringer a-t-il vraiment les épaules pour supporter le poids de son ambition ? Voyons ça tout de suite.
Tous les screenshots du jeu sont des screenshots officiels mais dont je garantis la fidélité par rapport au rendu en jeu.
Une histoire confuse
Tout commence lorsque la moto de l’espace de Roq s’écrase sur la planète Ekzera et où, voyant une épée dans la cave, il la prend contre l’avis de son ami robot Jib. De là commence une course contre la montre pour sauver la planète, menacée par le réveil des démons qui a suivi celui de l’arme. Bref du classique mais de l’efficace car franchement, pour taper de l’ennemi à la chaîne, on n’a pas besoin de plus que ça. Malgré tout, le traitement de cette histoire d’apparence simple constitue l’un des premiers problèmes de Songbringer. Malgré un sentiment d’urgence et un côté mystérieux/mystique très fort (on y reviendra), les deux personnages passeront plus de temps à lâcher des blagues vaseuses à la limite du mème qu’à prendre au sérieux les conséquences de leurs actes.
Le récit est d’autant plus incompréhensible que les personnages n’ont aucun background. Lors de mon premier run, j’ai visité 91% de la map et à moins que les 9% restant constituent toutes les parties du monde où se trouve l’histoire des personnages (c’est probablement des pièces de donjon en fait), on n’a juste aucune explication sur qui sont cet homme et son robot. Pire, les personnages finissent par avoir plus de personnalité dans leur présentation sur la page du jeu que dans le titre en lui-même. On y apprend que Roq est un passionné de musique et de fête qui voyage à bord du Songbringer pour trouver des planètes où la police galactique est absente. Jib quant à lui était un humain qui a transféré sa conscience illégalement dans un skybot au moment de mourir et qui est maintenant obsédé par les moustaches car il n’a jamais pu en avoir une dans sa vie humaine. Sérieusement. Cette petite caractérisation des personnages m’aurait amplement suffit et donné la possibilité de comprendre leur attitude désinvolte si seulement on me l’avait dit en jeu.
Du manque d’intérêt de la génération procédurale
Dans Songbringer, vous avez la possibilité de créer votre propre monde en rentrant six lettres. L’avantage, c’est que le monde créé par ce mot sera toujours le même et que ça vous permettra de le partager avec vos amis ou de le connaître par cœur pour pouvoir le speedrun. En théorie, cela semble être une plutôt bonne idée mais, comme dans tout jeu qui utilise la génération procédurale, il y a un problème. Ici étant que cette technologie ne sert strictement à rien, à part changer vite fait la couleur du monde dans lequel vous vous trouvez et la place des ennemis et des donjons. Ces derniers sont toujours les mêmes dans le même ordre, tout comme leurs boss, et même si la page du jeu sous-entendrait qu’il pourrait y avoir une différence au niveau de l’histoire entre deux mondes, je n’ai rien vu de tout ça dans mes deux run. Bref c’est inutile et on ne peut pas s’empêcher de penser que la qualité du jeu a été un peu sacrifiée pour une feature totalement gadget.
On m’a également promis un « open world » dans le sens où les donjons sont faisables dans n’importe quel sens. Sauf que non, carrément pas. Lors de ma première partie, j’ai exploré et je suis rentrée dans tous les donjons que je croisais, peu importe le petit numéro qui leur était attribué. Je me suis toujours retrouvée rapidement coincée car il me manquait quelque chose d’un donjon précédent pour résoudre un puzzle. Exemple tout bête : dans l’une des caves, pour passer la porte qui contenait le « mid-boss » qui ouvrait la porte du boss final, je devais franchir une flaque d’eau. Problème : il fallait que je puisse la geler pour marcher dessus et si j’avais bien l’amélioration « glace » dans mon inventaire, je n’avais pas encore fait le donjon qui me donnait accès au téléporteur vers le Songbringer pour l’installer sur mon épée. Donc impossible à faire. Rien que dans ce donjon, plusieurs pré-requis étaient nécessaires : avoir l’amélioration glace, avoir la deuxième épée qui permet à votre épée principale de lancer des projectiles et avoir la téléportation au Songbringer pour pouvoir installer tout ça. Alors non désolée mais je n’ai pas pu faire les donjons dans l’ordre que je voulais. Pour que ce soit confortable, j’ai même dû tous les faire dans l’ordre (exception faite du donjon dans le Songbringer, le cinquième, que j’ai fait juste avant le final). Le titre aurait probablement gagné à assumer d’être linéaire, ce qui lui aurait permis d’être plus abouti.
Un roguelike sans en être un, un RPG mais pas vraiment…
Songbringer est décrit comme un action-RPG. Moui alors faut arrêter de tout considérer comme un RPG. On ne gagne même pas de nouvel équipement, juste des améliorations passives, il n’y a pas de système de points d’expérience et comme souligné précédemment, il n’y a même pas d’histoire. Bref, je ne me suis absolument pas mise dans la peau de Roq car ses réactions étaient stupides la plupart du temps et que je ne savais même pas qui il était à part un inconscient un peu paumé qui a mis le bazar sur une planète en prenant une épée. Le jeu se rapprocherait plus d’un roguelike mais encore une fois, c’est plus compliqué que ça. Il y a bien le côté ennemis aléatoires et qui reviennent à la vie quand votre personnage meurt. Mais il n’y a pas ce besoin de tout recommencer à chaque mort, on peut facilement ignorer ses adversaires à chaque tableau et si l’on a le malheur de mourir devant un boss de donjon, un gentil téléporteur nous permet de retourner à la salle du grand méchant directement, sans repasser par toutes les pièces de nouveau remplies. Songbringer finit par être un gloubi-boulga de bonnes idées qui, mélangées ensemble, perdent chacune de leur intérêt.
Mais arrêtons la négativité, tout n’est pas à jeter dans ce titre. J’ai même passé un très bon moment dessus, le combat est simple mais plutôt agréable, on prend plaisir à naviguer dans ce monde et les graphismes en pixel art un peu flous sont imparfaits mais attendrissants. Dans la catégorie bonnes idées de Songbringer, il y a l’utilisation des cactus et de la méditation. Les cactus sont des consommables qui permettent d’être invincible pendant un petit moment et qui parfois font voir des choses qui étaient invisibles précédemment. Le choix est intéressant vu que dans la vraie vie, certains cactus peuvent servir à la fabrication de la mescaline, une drogue hallucinogène, comme me l’a appris Aldous Huxley dans Les portes de la perception. Dans un jeu où tout n’est qu’hallucination et jeux de couleur, je salue ce choix un peu plus original que les éternelles potions ou autres petits cachetons. La deuxième mécanique intéressante est la méditation qui permet de retrouver de la vie et de résoudre certains puzzles qui ouvriront de nouvelles portes ou qui donneront un élément en plus de lore. Bref, rien de fou mais la simplicité du titre en fait un divertissement parfait après une journée un peu remplie, quand on n’a pas trop envie de réfléchir ou de se mettre à fond dans un univers.
En bref, Songbringer reste un bon titre malgré plusieurs défauts un peu désagréables et une identité confuse. Le problème est sûrement que j’en attendais beaucoup plus du jeu lors de son annonce et que j’ai été déçue du manque de possibilité au niveau des combinaisons d’éléments sur les armes ainsi que de la narration quasi-inexistante. Alors non, le titre n’a rien d’un Zelda façon Star Wars mais il reste un divertissement sympathique à attraper en solde.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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