Songbird Symphony, la première création des développeurs de Joysteak Studios, a pour elle des envies de nature et chansons, de twist et de pas chaloupés, de casoar et d’oeufs coqués. Et un oisillon beaucoup trop mignon. Ca compte pour beaucoup dans l’appréciation du jeu, soyez prêts.
S’attacher à un jeu tient parfois à peu de choses : une illustration accrochante, une unique phrase dans son trailer qui fait sourire d’effroi et trembler d’excitation (à 1min33) ou encore la présence au générique d’un nom apprécié. Quand est apparu devant nous cet oisillon rondouillet qu’est Piou, on était déjà conquis. Mais lorsque celui-ci s’est mis à se trémousser, avec une énergie sans pareil et une claire joie de vivre dans le déhanchement plumeux, se dégageant de lui un tel plaisir d’être là à gigoter de l’aile aux côtés des animaux de la forêt, on a basculé : il fallait être de la danse. Quel pouvoir que celui d’une animation réussie, n’est-ce pas ? Car on aurait aimé danser à s’en faire péter le cœur d’excitation mais le cavalier s’était réservé les meilleurs pas.
Impioussible n’est pas Piou
La journée débute pourtant sur les chapeaux de roues. Piou, réveillé plus tôt que d’habitude par une musique inconnue provenant de la forêt avoisinante, se précipite avec engouement à la recherche de tonton Paon. Les abeilles bourdonnent autour de fleurs chanteuses, une tortue bousculée par ce coquin de poussin rebondit en rythme contre un rocher et de jeunes mariés grenouilles tout juste réunis vont bientôt coasser au regard de tous, toute langue dehors. Mais sur le chemin, Piou subit les commentaires moqueurs et navrés des autres paons : est-il bizarre ? si différent d’eux ? Tonton Paon a beau lui apprendre son boogie-woogie, Piou n’en démord pas et part promptement à la recherche de sa famille, avec l’espoir de trouver la réponse à ses interrogations existentielles. Celle-ci pourrait se nicher dans la drôle de machine construite par le Hibou, lequel envoie l’oisillon apprendre les notes dont chaque espèce d’oiseau alentour se sert pour chanter.
Comme son héros à la capacité d’apprentissage exceptionnelle peut mélanger les notes venues de plusieurs peuplades, Songbird Symphony est un drôle de mélange que les jeux indés savent choyer. Rêvant son premier titre versé à la fois dans la plateforme et le jeu de rythme, tout ceci agrémenté d’un scénario menant l’aventure sur un fil tendu, le studio Joysteak avait pour défi de sortir quelque chose d’homogène malgré ses ambitions élevées et les moyens limités à disposition. Les développeurs ont compris que la force du concept résidait moins dans son histoire, un récit initiatique conventionnel au possible, que dans l’univers mis en avant. Des individus croisés on retiendra un éventail de personnalités loufoques racontées pour l’essentiel par leurs animations, joliment travaillées dans l’ensemble, et qui permettent d’assurer un ton décalé derrière le sérieux de l’entreprise de Piou. C’est évidemment ce dernier qui a concentré le plus d’attention et il faut admettre qu’on peut difficilement résister à la bouille enjouée qu’il arbore à chaque pas et l’énergie qu’il dégage. Personnage positif impossible à prendre en défaut de mignonitude – et de droiture morale –, on s’y attache d’autant plus qu’il découvre la vie, ses bizarreries et réjouissances avec une relative distance accompagnée d’un certain humour – que la traduction française tente au mieux de suivre, s’essayant par là et avec plus ou moins de bonheur à l’art exquis du jeu de mot.
Si la plupart des personnages ont bénéficié d’un soin exemplaire, force est de constater que l’attention n’a pas été équitablement distribuée à travers le monde de Songbird Symphony. Le pixel art à la ligne très fine n’est pas sans rappeler, sur certains sprites moins réussis, nos lointaines créations sur Paint : pour caricaturer, un cercle rempli de bleu au pot de peinture. Même constat pour les zones dans lesquelles on évolue qui, si elles ne manquent pas de finitions, sont dépourvues de personnalité et s’oublient à peine traversées, la faute à l’inspiration et des éléments de décors parfois très plats et répétés ad nauseam. Plus généralement, la direction artistique peut laisser pensif, de la paire de fesses des oiseaux – c’est, on ne va pas se mentir, plutôt rigolo – aux tuyaux verts référencés mais pas moins dégueu pour autant.
Scenes from the subirbs
Songbird Symphony, ce n’est pas qu’un oisillon choupi ou un titre à filer de l’urticaire aux angoissés de Nature et Découvertes, et la musique joue effectivement un rôle central dans les deux temps qui composent le gameplay. L’exploration d’une dizaine de petites zones va occuper la grosse partie du jeu, avec au programme pour les petits zoiseaux des caisses à pousser sur des interrupteurs alimentant des plateformes, qu’on activera en chantant, et ce en rythme avec la musique du niveau. Rien de passionnant à première vue. A deuxième vue non plus ; les embûches sommaires qui se trouvent sur le chemin ont bien du mal à capter l’attention, quand elles ne sont pas assez mal fichues pour faire pester, entre les mini-labyrinthes et des puzzles fastidieux.
On pourra tromper l’ennui en partant à la recherche de plumes et, ce faisant, de leur propriétaire planqué dans la zone, afin de remplir un carnet. Ou encore, quand ce n’est pas un passage obligatoire à la progression, en interagissant avec l’environnement, de sorte à libérer un son supplémentaire qui ira se rajouter au morceau ambiant. Il est dommage de constater que ces nouvelles lignes musicales ne sont contextualisées que dans la première partie du jeu, alors qu’on se faisait un plaisir de regarder ces jeunes paresseux rebondir sur le ventre du papa/de la maman et ainsi rajouter une caisse au timbre grave à l’orchestration. Les développeurs ont tenté de diversifier le périple en concoctant des spécificités de déplacement pour chaque niveau mais ça ne suffit malheureusement pas à motiver l’exploration, et l’inertie fade de Piou, notamment dans les sauts, n’aide pas à faire passer la p(i)lume, dans ce qui n’est définitivement pas un jeu de plateforme.
La deuxième partie de Songbird Symphony est dédiée au chant, par l’intermédiaire d’un jeu de rythme. Pour apprendre une nouvelle note, Piou va devoir se lancer dans un échange musical avec un ou plusieurs oiseaux, une sorte de battle qui va consister à répéter plusieurs séquences de notes : un bouton pour chaque note, pour finir avec 6 touches à gérer. En théorie, aucune pression, car peu importe le score final, attribué par une lettre de C à S (peut-être plus, mais on n’a pas su faire mieux), le scénario continuera comme si de rien n’était. Dans les faits, la frustration apparaît vite – et pas seulement parce que l’auteur est loin d’enchaîner les « perfect » à DJMax Respect.
Si les séquences se présentent sous des formes variées dont on apprivoise le fonctionnement au fur et à mesure des chants, certaines d’entre elles souffrent d’une très mauvaise lisibilité qui complique une tâche déjà bien ardue par moments. D’autres vont demander d’être attentif à répéter une séquence qui n’est pas encore terminée. Résultat, on a bien du mal s’y retrouver visuellement et à l’oreille, les morceaux n’ayant clairement pas été pensés pour être joués en canon. Se rajoute à cela le fait que la majorité des épreuves de chant correspondent à l’ajout d’une nouvelle note, donc d’une touche supplémentaire à intégrer. Et si, au sein du morceau, cette nouvelle venue apparaît timidement, la difficulté ne tarde pas à repointer son bec, trop contente de nous voir grimacer au son des couacs de chaque erreur. La courbe de progression aurait mérité plus de souplesse, peut-être l’ajout d’épreuves de transition de moindre importance sur lesquelles se faire la main sans devoir hacher le rythme du jeu en recommençant les chants via les statues dorées qui apparaissent sur les lieux de l’épreuve puis dans une grotte un peu plus tard, toutes regroupées. A l’arrivée, on est comme privé de la musique à cause des « pouet » constants et de la narration de la séquence, décontenancé par ce qui vient d’arriver. Doit-on voir cela comme un appel à la rejouabilité ? Peut-être mais le faible nombre de morceaux n’incite pas à passer beaucoup plus de temps dans le recueil débloqué une fois l’histoire terminée. Pour autant, il ne faudrait pas passer sous silence la sympathie qu’on a pour la plupart des chansons, d’autant que le karaoké qui entrecoupe les séquences d’un morceau nous implique avec malice dans cette drôle de comédie musicale.
Songbird Symphony a été testé sur PS4 via une clé envoyée par l’éditeur.
Songbird Symphony souffre d’un certain nombre de tares mais l’ambiance entraînante de l’ensemble et Piou, Candide à plumes qui aime se trémousser, contrebalancent l’expérience finale sur une note encourageante. Le premier titre du jeune studio singapourien Joysteak a eu la chance de trouver un éditeur et on s’en réjouit pour la suite.
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
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