Après les très bons Overcooked et Moving Out, Ship of Fools est le nouveau titre axé coopération chaotique édité par Team17, cette fois-ci développé par les Québécois de Fika Productions. Si son statut de roguelite d'action peut sembler l'éloigner de ses confrères, son approche de la coopération ne le rend finalement pas si différent de ces jeux de cuisine ou de déménagement. Et c'est une très bonne nouvelle.
Une très bonne nouvelle, car Ship of Fools me faisait l'effet d'un énième roguelite d'action générique, dont le seul argument aurait été son esthétique mignonne et ses bateaux équipés de canons, mais surtout, car je manquais d'expériences coopératives intenses ces derniers temps, ce qu'aucun titre n'avait su me procurer depuis Overcooked 2, malgré quelques chouettes expériences comme KeyWe.
The Crystal Ship
La confusion est d'autant plus permise que sa structure et sa première heure de jeu ne trompent pas : Ship of Fools a digéré une bonne décennie de roguelites, et l'exploite rigoureusement. Le chemin à choisir dans chaque acte à la manière d'un Slay the Spire ou Curse of the Dead Gods, la méta-monnaie qui permet d'acheter des améliorations permanentes à la manière d'un Enter the Gungeon ou Hades, la carte qui se noircit à mesure que le temps passe et que la menace progresse comme dans un FTL, les malédictions à la Dead Cells, etc. Vous l'aurez compris : toutes les mécaniques typées roguelite de Ship of Fools sortent de quelque part et sont déjà connues et reconnues, mais le studio a su choisir les plus pertinentes pour son titre de bataille navale et les utilise très correctement.
En tant que roguelite, Ship of Fools est tout ce qu'il y a de plus correct : la méta-monnaie s'engrange à un rythme satisfaisant ; les améliorations permanentes ont un coût suffisamment faible pour pouvoir augmenter un ou deux aspects de son bateau après chaque partie et suffisamment élevé pour ne pas faire de vous les Rambo des mers après deux runs. La variété des armes, des effets et des trinkets est suffisamment élevée pour que les parties ne se ressemblent pas trop et que quelques synergies se mettent en place - ce n'est clairement pas l'aspect le plus développé du titre, mais quelques combinaisons restent satisfaisantes à mettre en place. Les enjeux de chaque partie sont renouvelés - aller le plus loin possible, débloquer de nouveaux personnages, farmer de la méta-monnaie, etc. - ; bref, il y a de quoi faire, et surtout il y a toujours une raison de vouloir relancer une nouvelle partie. Tout juste déplorerons-nous un boss final à la difficulté très largement supérieure au reste du jeu et qui représente un mur bien plus costaud que les autres, mais rien qui ne saurait frustrer au point de ne pas relancer une run.
Mais, surtout, il y a une ressource non quantifiable que l'on emmagasine au fil des parties, particulièrement si l'on joue toujours avec la même personne - pour cette critique, c'est l'ami Chibi qui s'en est chargé et qui a subi mon manque d'organisation et de précision - c'est l'expérience. Cela s'est particulièrement remarqué quand, suite à une mise à jour, notre sauvegarde s'est vue écrasée et qu'en recommençant le jeu depuis le début, sans améliorations ni personnages ou armes débloquées, nous sommes venus à bout des deux tiers de l'aventure en un essai. Si les améliorations permanentes sont d'une aide précieuse et s'avèrent indispensables pour vaincre le dernier boss, c'est surtout la connaissance des patterns et la répartition des rôles à bord qui importent.
Sea Kitchen
Car si Ship of Fools est bel et bien un roguelite, c'est surtout un jeu coopératif, qu'il est finalement plus judicieux de rapprocher d'un Overcooked que d'un jeu d'action. Comme son homologue cuisinier, il est tout à fait possible d'y jouer en solo, accompagné d'un canon automatique, mais ce n'est pas très intéressant. Même avec un bateau et des armes peu développés, il sera possible d'aller assez loin à condition de correctement s'organiser avec son compagnon de galère, et surtout d'analyser les tâches à effectuer et se les répartir efficacement, tout particulièrement durant les combats de boss.
Chacun de ces affrontements se compose de plusieurs phases, durant lesquelles le titre ne lésine pas sur les tâches à mener en même temps : contrôle de foule sur le bateau et des monstres marins qui approchent, boss à attaquer et repousser, bateau à réparer, canons à recharger… C'est très vite le bordel et sans une concertation au préalable sur qui fait quoi à quel moment, et une application rigoureuse du plan, c'est la mort assurée. Les premiers combats sont de fait assez âpres et impitoyables, mais avec la bonne organisation, ça finit par passer, d'abord difficilement et dans la panique, puis de plus en plus facilement à mesure que l'organisation se rode et que les rôles s'affirment. C'est une intensité et une frénésie que je n'avais pas vécues depuis l'exigeant NG+ d'Overcooked 2 avec ma frangine, et s'il est étonnant de voir ce type de mécaniques sur un roguelite d'action, force est de reconnaître que ça fonctionne très bien et que l'idée comme l'exécution sont excellentes.
S'il faut légèrement pinailler, il faut tout de même reconnaître que la précision manque parfois au menu, surtout au vu de l'exigence dont fait preuve le titre. Il arrive qu'un canon ne soit pas attrapé et qu'on agite sa pagaie dans tous les sens au lieu de tirer ou qu'on s'empare d'une planche au lieu d'un boulet, car le bateau manque de place et qu'on se trouve dans le feu de l'action à ne plus pouvoir distinguer les objets au sol - attention, tout peut être chargé dans les canons, or, planches, oiseaux, boucliers, c'est une excellente idée, mais à double tranchant. Le titre ayant parfois tendance à envoyer un peu trop d'éléments punitifs en même temps - ennemis qui peuvent déclencher des explosions à la chaîne et flinguer un nombre conséquent de points de vie en même temps, rayons paralysants à la durée bien trop élevée - ces quelques secondes d'hésitation, voire de panique, provoquées par un gameplay parfois un tout petit peu trop imprécis peuvent agacer, d'autant plus quand certaines zones sont là uniquement pour punir et n'offrent aucun objet ou amélioration. Des considérations assez minimes face à la réussite qu'est Ship of Fools.
Ship of Fools a été testé en coopération sur PC via deux clés fournies par l'éditeur. Il est également disponible sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series et Switch.
Je dois avouer que je n'attendais pas grand-chose de ce Ship of Fools et qu'au-delà de sa très chouette esthétique, je craignais d'avoir affaire à un énième roguelite d'action générique. Le titre de Fika Productions s'avère finalement bien plus proche d'un Overcooked, avec des crabes géants à buter en lieu et place d'oignons à couper, certes, mais nécessitant la même coordination et même rigueur dans l'application du plan établi, avec à la clé cet incroyable shot d'adrénaline que toute bonne coop sait provoquer et que deux-trois soucis d'imprécision ne sauront gâcher. Une excellente surprise de fin d'année.
Les + | Les - |
- Une décennie de roguelites digérée et intelligemment retranscrite | - Parfois un peu imprécis étant donné l'exigence du titre |
- Courbe de progression très fluide et satisfaisante... | - ... sauf pour le dernier boss, qui est un mur de difficulté |
- La coopération rappelle les meilleures parties d'Overcooked | |
- Esthétique très mignonne |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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