Révélé au PC Gaming Show de 2018 (déjà !), Sable a immédiatement intrigué : une direction artistique inspirée des BD de SF franco-belges des années 1970 et du Nausicaä de Miyazaki, une promesse de monde ouvert à parcourir en aéroglisseur des sables et… Pas beaucoup d’infos sur ce qu’on allait concrètement faire dans le jeu. Trois ans plus tard, le jeu de Shedworks est enfin disponible.
Même pour celles et ceux qui ont eu l’occasion de jouer à la démo parue il y a quelques mois, il n’était pas tout à fait évident de savoir à quoi on allait jouer dans la version finale d’un jeu repoussé à de nombreuses reprises et dont les contours restaient légèrement flous. La réponse est simple et pourrait cruellement être résumée à « c’est Breath of the Wild mais sans combats et dans le désert ». Tout est là : Plateau du Prélude, noix korogu, endurance dans l’escalade, tenues à débloquer, relais commerciaux, marqueurs sur la carte… Au point où Sable est presque une fanfiction du standard de l’action RPG de Nintendo. Il serait néanmoins hypocrite et cynique de le résumer à cela car Sable est aussi un grand jeu d’exploration pacifiste et une fable initiatique comme on en voit encore trop rarement dans le jeu vidéo. Hélas, c’est aussi un jeu dont on peine à éluder le côté pas tout à fait fini, ni tout à fait cadré.
En gros, c’est l’histoire de Sable qui passe son Bac
L’histoire de Sable tient en une phrase, le jeu misant bien davantage sur son univers et sa narration environnementale : Sable, une adolescente d’une tribu nomade, vit dans un monde qu’on soupçonne post-apocalyptique et sans doute extraterrestre. Arrivée à l’âge de la maturité, elle va enfin avoir le droit de devenir « Glisseuse », une pilote itinérante de moto flottante chargée de parcourir le monde et d’aider les gens à résoudre leurs difficultés. En chemin, elle découvrira beaucoup de choses sur la nature de l’univers qui l’entoure, mêlant technologie disparue, magie et mystère.
Concrètement, l’objectif du jeu est de prouver à qui veut bien l’entendre que Sable excelle dans différentes disciplines (conduire, collecter des ressources, commercer, explorer…). Au cours d’un périple largement ouvert et non-linéaire, on découvre des habitants de différentes communautés nous demandant d’accomplir divers travaux, ces travaux donnant généralement lieu à l’obtention d’un badge, et trois badges du même type octroient le droit de porter un masque. La finalité du titre, agréablement pacifique et sans aucune forme de combat ou de confrontation violente, consiste donc à rassembler un maximum de masques liés à autant de disciplines… Et ce faisant à explorer les quatre coins du monde de manière de plus en plus complète à mesure que vous progressez et débloquez de nouvelles pièces pour votre véhicule et davantage d’endurance pour que Sable puisse grimper plus haut… Et c’est à peu près tout ce qu’il y a à faire dans le jeu, qui peut se conclure en 10h à 15h selon votre taux de maniaquerie complétionniste.
Pas de méchant, pas de rebondissement, pas de grosse surprise, même pas vraiment de conclusion : Sable prend le parti très tranché de juste vous mettre à dos de moto et de vous faire vous promener un peu partout, dans des univers beaucoup plus riches qu’on ne le pense dans les premières minutes. Un parti pris qui pourra vite lasser les joueurs et joueuses hostiles aux expériences purement esthétiques, car à l’exception de quelques puzzles un peu retors et de quelques quêtes plus élaborées, la plupart du temps, on se contente juste de se promener et de collecter des machins ou de livrer des trucs à destination de clients placides… La plus grande surprise du jeu résidant sans doute dans le fait que, contrairement à ce que les trailers et le marketing du jeu sous-entendaient, on ne passe pas plus de 10% de son temps de jeu à moto.
Promenons-nous dans les ruines
Entendons-nous bien : j’ai adoré Sable. Outre des soucis techniques sur lesquels je reviendrai, j’ai essentiellement à lui reprocher un petit manque de densité. L’univers est un peu vide et mou, et on finit par accomplir plusieurs fois la même quête pour des tribus différentes, ce qui peut faire penser que le jeu est paradoxalement trop long et trop ouvert pour son propre bien. Notons quand même qu’un astucieux système de journal de quêtes, de fast travel et de résolutions alternatives de certaines missions par de simples achats d’objets accélère le rythme de progression à des moments où la lassitude peut poindre.
Oui, j’ai adoré Sable, mais je ne peux pas m’empêcher de remarquer que ses principaux gimmicks commerciaux (la moto, le désert, l’univers à la Druillet/Caza/Moebius), une fois la manette en main, cèdent vite la place à un « simple » clone de la partie exploration du dernier Zelda, Breath of the Wild. On explore des carcasses de vaisseau en gérant sa barre d’endurance, on collecte des œufs de vers géants qui ne sont pas du tout des noix Korogu avec une fausse moustache, on loot de nouveaux vêtements cachés dans des coffres enfouis dans des ruines, on débloque des pans de carte en les achetant à des cartographes perchés en haut de tours, lesquels nous donnent des indices sur d’autres trésors cachés… Bref, on y fait fort peu de moto volante et on y reproduit beaucoup des séquences de jeu déjà largement explorées par des titres du même genre. Ce n’est pas si grave, on ne va pas faire à Sable un procès en originalité, mais tout de même, on sent l’ennui poindre dans le dernier tiers de l’aventure.
S’il est sublimé par la richesse de son univers empreint de nostalgie et de douce étrangeté, on referme Sable avec l’impression que le jeu manque un peu de l’impact qu’il aurait pu avoir en travaillant un peu mieux son sujet, sa narration et la variété de son contenu. Rien de très grave : j’ai tout de même passé un excellent moment, au point de considérer Sable comme l’un des univers les plus envoûtants de l’année… Et j’aurais sans doute oublié ses défauts structurels si je n’avais pas été confronté à un certain nombre d’avaries techniques dégradant significativement mon expérience de jeu.
Ramer dans le Sable
On ne va pas y aller par quatre chemins : malgré un gros patch sur les copies presse quelques jours avant la sortie et encore un nouveau le jour du lancement, Sable est livré dans un écrin un poil cabossé. La conduite de la moto est soumise à des bugs de collision assez fréquents, les problèmes d’affichage de textures sont nombreux, et que dire du framerate qui oscille quelles que soient la résolution ou les options graphiques sélectionnées entre 12 et 60 images par seconde, sans jamais se stabiliser tout à fait.
Ceci donne l’impression que le jeu tourne au ralenti dès lors qu’on se déplace un peu vite ou qu’il y a plus de deux PNJ à l’écran, ce qui arrive heureusement assez rarement : le monde est plutôt dépeuplé et on n’est pas tant à moto que ça, comme je le disais. Mais tout de même, après un temps de développement si long, difficile d’admettre que Raw Fury et Microsoft, éditeurs du jeu, nous proposent une copie si inachevée.
Pire encore, les phases se déroulant en intérieur (cavernes, carcasses de vaisseaux échoués, intérieurs des maisons dans les villages…) sont soumises à des caprices constants de la caméra, qui ne sait jamais où se placer et finit une fois sur deux dans les décors. La plupart des « donjons » du jeu sont des montagnes, des géo-fronts ou encore des coquilles évidées d’immenses vaisseaux spatiaux, aussi est-on rarement confronté à une impossibilité totale de voir ce que l’on fait. Mais à plusieurs reprises, dans des structures plus étroites, j’ai carrément dû avancer à tâtons sans savoir où j’étais supposé aller, ni ce que j’étais supposé escalader parce que la caméra était emplâtrée dans les murs et incapable de me montrer mon personnage de dos.
Je ne suis évidemment pas développeur et je mesure que cela ne se fait pas en un claquement de doigts, néanmoins on aurait du mal à pardonner à un film ou à une série de sortir un produit où la moitié des scènes impliquent des acteurs à moitié maquillés, des caméras et des perches son visibles toutes les deux minutes, et un étalonnage qui change entre deux plans. Aussi, je n’ai aucun doute sur le fait que Sable va continuer à recevoir de nombreux patchs et correctifs qui le rendront parfaitement jouable dans quelques semaines, mais je ne peux vraiment pas vous recommander de le lancer maintenant. Je l’aurais sans doute beaucoup mieux apprécié dans une version achevée, aussi je vous souhaite d’en profiter vous-même quand le jeu sera disponible dans une version digne d’être commercialisée.
Sable a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur les consoles Xbox.
La hype était grande mais le résultat n’est sans doute pas à la hauteur des attentes de toutes celles et ceux qui lanceront Sable. En proposant une expérience assez radicale par son côté pacifiste, contemplatif et onirique (et presque rien d’autre), Sable ne s’adresse pas à tout le monde et se pose en jeu dont le principal intérêt reste dans l’exploration de son monde sublime et mystérieux. Néanmoins, si j’ai été largement séduit par l’ensemble et que je n’ai pas vu passer ma quinzaine d’heures à arpenter la carte, difficile de passer outre son état technique, qui mettra encore un peu plus de monde de côté tant que les nombreux bugs et problèmes de performance n’auront pas été réglés par Shedworks.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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