Quelques années après l'original mais décevant Football Drama, le petit studio italien Open Lab récidive avec une tentative de mêler sport et jeu d'aventure avec Roller Drama, qui vous propose de vous mettre aux commandes d'une jeune équipe de roller derby prête à mettre le feu à la piste.
On le répète (sans doute trop) souvent dans les colonnes du Pixel Post, mais la tendance nourrie par la surproduction vidéoludique à mélanger un peu tout et n'importe quoi dans le fol espoir d'arriver à produire quelque chose d'original n'est pas toujours couronnée de succès. Trop de cuisiniers gâtent la sauce, comme on dit : ajouter des couches de gameplay les unes sur les autres sans forcément prendre le soin d'équilibrer l'ensemble peut produire un brouet légèrement écœurant. Avec son mélange de deck building, de dating sim, de jeu de sport, de point and click et de jeu de microgestion de sentiments à choix moraux, Roller Drama ne passe pas loin de se vautrer complètement dans cet écueil. Le résultat a des moments très touchants et ne manque pas d'un humour irrévérencieux bienvenu, mais l'ensemble est extrêmement brouillon et cloisonne beaucoup trop ses différents gameplay pour que l'on arrive vraiment à s'impliquer dans quoi que ce soit.
La maison du roller
C'est dit : vous allez prendre un nouveau départ. Vous êtes la capitaine d'une équipe de roller derby en formation, dont une des membres est plus ou moins récemment devenue la concierge d'un grand immeuble. Il s'agit de la propriété d'un étrange petit monsieur également possesseur d'un chat momifié : on comprend rapidement que le ton de Roller Drama sera résolument loufoque, quelque part entre Bliss et La Famille Addams. Vous et les cinq membres de l'équipe allez donc vous installer dans l'immense maison et préparer le championnat annuel de roller derby. Haines, amitiés, flirts, visiteurs étranges, rangement et (évidemment) coaching et entraînement : à vous de tout gérer entre deux confrontations brutales pour imposer votre nouvelle équipe dans le petit monde de ce sport flamboyant.
Longue d'une dizaine d'heures, l'aventure proposée par Roller Drama se divise en courtes phases distinctes revenant de manière très cyclique, à commencer par des aventures dans la maison constituant autant de petites énigmes destinées à résoudre les problèmes des locataires. Des discussions avec les différents membres pour vous assurer de leur soutien et de leur bien-être succèdent à ces moments et débloquent des bonus utilisables pendant les matchs, lesquels constituent le gros du reste du gameplay.
Ces derniers se divisent eux-mêmes en plusieurs phases distinctes : du micromanagement de choix et de tactiques, puis trois phases sous forme d'un jeu d'action pour vous faire faire des tours de piste et terrasser l'équipe adverse, et enfin des débriefings et des choix de dialogues entre les différentes phases de jeu pour engueuler ou motiver vos joueuses. Le tout en devant à la fois prendre en compte leur niveau de fatigue, leur personnalité et leur ressenti vis-à-vis du match en cours. Ce qui vous donnera des malus ou des bonus jusqu'à la prochaine phase de jeu, et ainsi de suite jusqu'au retour à la maison, qui déclenche une nouvelle phase narrative. Vous aurez compris à ce stade que Roller Drama nous place face au sentiment étrange d'être devant une aventure qui nous demande sans cesse de changer d'activité tout en suivant une routine très, très guindée.
On va tout mettre dans le jeu, y'a bien quelque chose qui va marcher
Roller Drama est un jeu très frustrant : obsédé à l'idée de vous faire jouer à la fois à un dating sim, un jeu de gestion et un jeu de sport mâtiné d'aventure à choix multiples, il va s'acharner à fragmenter votre temps à l'extrême sans jamais vraiment approfondir aucun des différents aspects de son gameplay. Toutes les phases de jeu restent toujours à la surface de ce qu'elles auraient pu être, et peinent à générer de l'engagement. Les dialogues et les interactions entre les joueuses et avec les autres personnages sont souvent très mécaniques, les stratégies de jeu se résumant souvent à simplement gérer l'énergie de coéquipières et à foncer dans le tas en boucle en utilisant toujours un peu les mêmes cartes et coups spéciaux.
On sent bien que le studio Open Lab a eu énormément d'idées et a en partie renoncé à en sacrifier certaines pour faire mieux fonctionner l'ensemble avec un rythme plus engageant. Manquant de cohérence globale, Roller Drama n'est ni un très bon jeu de sport ni un jeu d'aventure franchement satisfaisant, et encore moins un jeu de gestion palpitant. Il se contente de vous livrer des fragments de petites expériences un peu froides et impersonnelles, à travers lesquelles on perçoit cependant assez bien ce qu'il aurait pu être. Dommage, car Roller Drama a également d'indéniables qualités sous-jacentes qui rendent ce côté mécanique et fragmenté d'autant plus frustrant.
Si sa direction artistique peut diviser, il faut noter qu'elle arrive largement à tirer son épingle du jeu. Avec ses personnages semblant à la fois sortis de Tank Girl et d'un fumetto des années 80, les héroïnes sont assez classieuses, et s'éloignent (un peu) des stéréotypes du genre. Les matchs de roller derby, eux, adoptent plutôt une posture de jeu 3DS, avec de gros modèles un peu grossiers vus du dessus. Je ne peux pas dire que je sois très fan du rendu, mais c'est un parti pris très tranché qui remplit plutôt bien son office : l'action est toujours lisible, la caméra ne se perd quasiment jamais, et on peut très facilement appréhender la situation tactique à tout moment du match. On appréciera aussi la bande-son, assez sympathique, et quelques traits d'humour noir ou absurde qui font mouche. On finit alors par s'acharner pour profiter de ces quelques sourires arrachés et de ces quelques illustrations vraiment bien fichues qui viennent récompenser nos efforts. Si ça n'enlève pas totalement le sentiment de frustration, cela évite tout de même de sombrer dans l'ennui le plus complet.
Roller Drama a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, sur Nintendo Switch et sur les consoles Xbox.
Il arrive que je me retrouve à critiquer des jeux dans lesquels on sent qu'il n'y avait rien à sauver, si cassés de partout qu'ils me semblent au-delà de toute rédemption. Vite oubliés, ces derniers ne me procurent aucun sentiment de frustration : j'ai perdu un peu de temps, et voilà. Mais un jeu comme Roller Drama me chagrine davantage. Il essaye de tout faire à la fois et peine à approfondir la moindre de ses idées, et l'on finit par se retrouver avec une sorte de collection de mini-jeux assez chouettes, mais dont aucun ne constitue un bout d'expérience pleinement satisfaisant. On peine à s'attacher à notre groupe d'athlètes à roulettes et à leurs aventures pourtant amusantes et originales, et on regrette finalement de ne pas avoir parcouru cette histoire via un gameplay plus ramassé mais plus immersif.
Les + | Les - |
- La direction artistique est tranchée, mais efficace | - Chaque fragment de gameplay est trop limité |
- Le sujet est original et traité avec un ton loufoque amusant | - Les interactions entre les personnages sont trop mécaniques |
- Quelques rebondissements bien pensés | - Finit par être trop répétitif |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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