Développé en quasi-solo par Jorge Abe au sein du studio espagnol Open & Close, Road to Devadatta est un puzzle-FPS vous demandant donc de vous échapper du terrible temple de Devadatta, cousin maléfique du Bouddha. Je préfère tuer le suspense : le résultat n'est pas glorieux.
Oh non ! L'Oncle Robert a disparu ! Et vous, son neveu, avez été kidnappé par ce qui semble être une secte de gens masqués adorateurs de Devadatta ! Heureusement que tonton vous a laissé des petites notes ici ou là, habilement placées sur des pupitres, pour vous expliquer ce que vous fichez là et pourquoi tout est plus complexe que les apparences ne le laissent penser. Deux heures plus tard, vous arrivez au cœur du temple avec la certitude chevillée au corps que vous auriez dû laisser Robert se débrouiller tout seul. Road to Devadatta est hélas dans l'ensemble aussi approximatif que son scénario en nous livrant ce qui s'avère être l'un des escape games les plus poussifs et les moins intenses qu'il m'ait été donné de voir ces dernières années. C'est plein de bonnes intentions, mais il faut un peu plus que cela pour construire un jeu de réflexion cohérent.
Nirvanaze
Je pense que le principal problème de Road to Devadatta, c'est qu'il ne sait jamais choisir entre être une longue scène d'action à la Indiana Jones et un jeu de réflexion à la The Talos Principle. Du début à la fin de l'aventure, vous allez enchaîner les salles et les labyrinthes tantôt destinés à vous faire vous creuser la tête, tantôt à courir très vite pour échapper à la panoplie habituelle des dangers de ce genre d'endroits. Des démons qui vous poursuivent, des grosses bouboules qui dévalent des pentes, des têtes de gargouilles qui crachent du feu : la routine. Hélas, aucune de ces deux propositions ne fonctionne vraiment.
Je pense que le moins inspiré des deux aspects est celui où le malheureux Alo (le neveu que l'on incarne) doit faire des trucs vite, ou de manière précise. À plusieurs reprises dans le jeu, il vous sera demandé d'échapper à des dangers, ou de vous déplacer en rythme sur de grandes distances. Les séquences à réaliser ne sont sur le papier jamais bien compliquées, impliquant le plus souvent des lignes droites, au pire parcourues de boutons à activer. Un véritable calvaire in game, puisque le temple de Devadatta est rempli de bugs de collision et de murs invisibles, que la physique du jeu est grossière et que notre personnage s'essouffle en quelques secondes, obligeant à effectuer de longues pauses. La plupart du temps, ce n'est pas gênant, mais quand deux goules en furie vous poursuivent, cela donne des séquences absolument grotesques où le personnage se fait dépecer lentement alors qu'il souffle et se traîne après avoir couru moins de dix secondes.
Ces séquences d'action doivent donc être apprises par cœur au pixel près et recommencées en boucle pour arriver à traîner le personnage en sécurité. Idem pour les moments de pure plateforme : le moteur de jeu étant assez imprécis et les sauts assez grossiers, on recommence moult fois des séquences parce que le personnage a glissé sur un rocher de deux centimètres de haut ou s'avère incapable de faire pivoter une planche en bois. Hélas, la partie purement axée sur la réflexion ne relève pas beaucoup le niveau.
À méditer............
Le principal problème des énigmes de Road to Devadatta, c'est qu'elles ont beau être nombreuses, elles n'en sont pas vraiment. Ramasser la clé d'une porte dans un couloir à votre gauche (même pas caché), tourner des lasers (qui s'illuminent quand ils sont à la bonne place) ou encore lancer des cailloux sur une cible (très visible). On a vu mieux. Les séquences de labyrinthe, qui pourraient nous pousser à essayer de dessiner la carte mentale du temple, sont du même acabit : trois tournants, un escalier, et c'est fini. Mention spéciale aux intitulés des énigmes griffonnés sur des notes qui vous livrent la solution dans leur énoncé. "Une statue regarde la sortie et l'autre pas". Eh bien oui, j'ai tourné la statue numéro un vers la porte fermée et la statue numéro deux de l'autre côté, et pouf, c'est gagné, c'est l'énigme. Je suis certainement sur la voie de la sagesse.
Pire : la plupart des puzzles un tout petit peu plus élaborés peuvent être très facilement passés en force. Certaines salles ne s'ouvrent qu'en utilisant une combinaison de symboles... Dont le peu de variations possibles permet de forcer n'importe quelle serrure en quelques essais. Même pas besoin de se casser la tête à essayer de comprendre la logique d'une devinette qui n'a que huit réponses possibles, et quand se tromper n'a aucune conséquence.
Le sanskrit tique
Cet escape game un peu fastidieux n'a sans doute pas besoin qu'on insiste trop sur ses problèmes périphériques : son manque de contenu pertinent devrait vous convaincre de passer votre chemin à moins d'être un acharné du genre. Mais signalons tout de même que si l'ensemble est plutôt joli (vide, mais joli), Road to Devadatta souffre de quelques vilains ralentissements dès que le jeu essaye d'afficher autre chose que des couloirs déserts. Les dernières salles du jeu, chargées en PNJ et en effets lumineux, ont étrangement mis mon PC à terre alors que je possède bien plus que la configuration demandée pour faire tourner la bête avec les options au maximum.
Mention spéciale aussi à la traduction française du jeu, source de comique involontaire tout au long du périple. Visiblement traduite via Google de l'espagnol à l'anglais et de l'anglais au français, sans aucune forme de contrôle ni de réécriture, elle propose un script incompréhensible absolument hilarant, transformant le temple maudit en église du charabia universel. Le verbe "lâcher" (drop) devient "goutte", "revenir en arrière" (back) devient "dos", et "être sonné" se transforme en "se réveiller dans une étourdie" (ne faites pas ça). On passera rapidement le jeu en anglais pour échapper au massacre et comprendre ce dont il est question. Mais cette catastrophe lexicale diminue encore la cible déjà restreinte du jeu, en privant les non-anglophones d'instructions claires à la plupart des énigmes proposées pendant l'aventure.
Notons enfin que ces textes confus (même en anglais) sont parfois sources de véritables contresens : la première énigme du scénario vous demande ainsi de trouver un cellier, qui s'avère être une cabane de pêcheur, tandis que la narration audio vous parle de "storehouse". Ce sont trois choses différentes, et cela souligne un problème perceptible dans l'ensemble de Road to Devadatta : il me semble que tout ceci a cruellement manqué de relecture.
Road to Devadatta a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Ne soyons pas trop méchants : il y a bien un début de quelque chose d'intéressant dans Road to Devadatta. Prendre le folklore et la mythologie indo-bouddhiste pour livrer un décor angoissant et mystérieux et utiliser une série d'épreuves mortelles pour filer la métaphore de l'entrée dans une secte, pourquoi pas ? Mais encore faut-il en faire quelque chose d'un peu plus élaboré que cela. Le côté très bref et compact du jeu n'est pas du tout un problème : je préfère toujours deux heures maîtrisées à cinquante heures de n'importe quoi. Mais une expérience aussi courte demande beaucoup d'intensité et de maîtrise, et Road to Devadatta ne possède malheureusement aucune de ces deux qualités.
Les + | Les - |
- C'est parfois joli | - La physique du jeu ne fonctionne pas |
- Le thème du jeu est intéressant | - Les énigmes sont indigentes |
- Assume son côté court | - Quelques vilains ralentissements |
- La traduction grotesque | |
- La conclusion du jeu est absurde | |
- Je pense qu'un labyrinthe ne devrait pas être une ligne droite (je me trompe peut-être) |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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