Bon, Rage 2 m’ayant saoulé très vite, je ne vais pas lui accorder plus de mon temps et du vôtre qu’il n’en mérite. Il a donc été développé par Avalanche Studio et Id Software, et édité par Bethesda, et c’est un FPS/ Triple A chiant et générique typé action dans un monde post apocalyptique faussement déjanté (pensez à Borderlands mais en raté). Et comme vous l’avez deviné, aujourd’hui je déverse toute mon amertume sur un jeu qui aurait pu être un nouveau standard dans le FPS, ou au moins un jeu original, mais qui n’est qu’une application du cahier des charges des gros jeux modernes.
Avant de vraiment commencer j’aimerais préciser une chose : je n’ai pas joué à Rage premier du nom. Ça veut dire que tout le sel que vous voyez ici n’est pas lié au fait que je suis un fan de l’opus précédent. Cependant, j’ai demandé à quelqu’un qui a fait le premier jeu de me briefer Rage, et aussi je me suis pas mal renseigné avant d’écrire cet article. De plus, j’ai présenté Rage 2 à la personne m’ayant parlé du premier, et il se trouve que sa réaction était proche de la mienne. Est-ce qu’on est tous ok pour partir sur ces bases ? Oui ? Commençons donc…
Des promesses alléchantes
La première impression avec le jeu a pourtant été très bonne. Le menu m’accueille avec une musique et des images plutôt cool, et comme je suis sur PC, je prends le temps de régler mes paramètres histoire que tout ne rame pas, mais reste agréable à l’œil. Bref, je lance la nouvelle partie, et là, départ in medias res, on me fait choisir le sexe de mon protagoniste puis tout pète de partout. Vraisemblablement les méchants (sûrement ceux du premier) ne sont pas contents et veulent tous nous tuer, et moi je dois les en empêcher. S’ensuit un tuto simple mais qui aurait dû en rester à cette partie du jeu (j’y reviendrai), et une phase de shoot qui promet beaucoup de bon. Si vous avez joué à Borderlands the Pre-Sequel, alors vous pouvez imaginer que les intros sont très similaires. On débarque, ça explose, on nous apprend des trucs, on nous introduit à l’univers, et la scène finit sur une apothéose quand le méchant tue notre mentor. Forcément, après cette mise en bouche, j’étais chaud comme la braise pour aller tuer du mutant technologique par paquet de 12 et abattre l’antagoniste à coup de chevrotine dans les dents. Dommage pour moi, Rage avait d’autres plans à me proposer…
Suite à la débandade du tout début vient une phase un peu plus plan-plan où il faut prendre ses marques et où on nous introduit plus en profondeur notre objectif principal. Et lors de celle-ci, un premier hic arrive : le jeu est plein à craquer de sous-systèmes qui sont mal arrangés entre eux. Je vous promets que la première fois que vous irez dans l’interface du personnage, vous allez prendre peur. Il y a 7 menus, tous divisés en sous menus avec chacun une tonne d’infos pas toujours très claires, et le déplacement dans le-dit menu n’est pas ergonomique. La grande blague là-dedans, c’est que le mécanisme de déverrouillage de compétences est plus compliqué que dans la plupart des jeux de rôles classiques. En gros, vous devez d’abord déverrouiller le droit d’acheter des compétences, et pour ce faire, vous avez besoin d’une ressource pour le déverrouillage, et une autre pour l’achat.
Franchement c’est un foutoir, dont la partie la plus aberrante est la monnaie. Je parle de monnaie dans un jeu pour désigner une ressource qui ne sert qu’à être échangée contre autre chose. Par exemple les âmes de Dark Souls sont une monnaie, et dans Borderlands 2, on peut avoir 3 monnaies (les dollars, l’expérience, et l’éridium qui sert à acheter qu’un type d’objet). Dans Rage 2, ce n’est ni une, ni deux, ni trois monnaies auxquelles on a droit, mais bien 8 nom de dieu. En fait il y a l’argent pour les items, la feltrite pour débloquer les améliorations, et une monnaie par type de compétences, plus trois autres. J’en compte « seulement » 8 car pour acheter un type d’amélioration, il faut une combinaison de trois items précis que je considère comme une seule monnaie.
C’est grand et ça sert à rien
Alors après ce petit écart sur l’ergonomie du jeu et l’horreur de son système de récompense, vous vous demandez sûrement ce que propose quand même le titre. La réponse est simple : vous avez joué à Far Cry ou Assassin’s Creed dernièrement ? Si oui alors vous avez déjà plus ou moins joué à Rage 2. Un grand open world avec des camps de partout et des objectifs pourris histoire de faire croire qu’il y a des trucs à faire. C’est navrant à un point tel que même le peu de quêtes secondaires que l’on vous donne ne servent STRICTEMENT à rien. Un PNJ va vous parler d’un lieu histoire qu’il apparaisse sur votre carte, mais si vous nettoyez l’endroit, vous n’aurez droit à rien de plus que si vous y étiez allé de votre propre volonté. Même pas un bout de lore, pas l’ombre d’une récompense sympa… Que dalle.
J’arrête pas de parler de déception dans ce papier, que ce soit par rapport à ce que le jeu aurait pu être ou vis à vis de la mauvaise exécution de certains aspects de gameplay. Cependant, la plus grosse de toute se teinte d’incompréhension, et elle est partagée avec un autre membre de la rédaction : Avalanche Studios a raté les phases de véhicule. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, Avalanche c’est les créateurs de Just Cause et de l’adaptation de Mad Max en jeu. Et bien que les véhicules de Just Cause ne soient pas le point central du gameplay, ils restent assez cool à conduire ; idem pour Mad Max où la conduite était vraisemblablement le seul point à sauver du jeu. Malheureusement ici, la conduite est nulle à en crever, les véhicules étant bizarrement flottants et peu maniables. C’est encore plus flagrant quand on compare Rage 2 à Borderlands qui lui aussi propose des véhicules (sans les mettre au cœur du jeu), mais qui sont largement plus agréables à manipuler. Enfin, le fait que la quête principale demande de passer par une mission de course de voiture m’a donné envie de me crever les yeux pour arrêter le calvaire.
Il faudrait que je parle de la quête principale quand même. Parce que bon l’open world, c’est juste un grand hub qui relie les différentes quêtes principales pas vrai ? Encore une fois c’est un non. Tout d’abord, alors que le monde est très grand, il y a peu de points de voyage rapide, ça implique donc pas mal d’allers-retours. Mais ce n’est pas le plus problématique. En fait, lorsque vous allez voir un PNJ qui fait avancer l’histoire pour la première fois, il va vous donner une tâche à remplir, qui en général est super cool. Ensuite, une fois la mission finie, le PNJ vous dira avec un grand sourire « Il me faut du temps pour faire [truc générique], en attendant va donc faire des trucs. ». Ce qui se traduit en jeu par une obligation à faire des camps de bandits nuls, et autres activités nazes pour avoir le droit d’avancer dans le scénario.
Une pépite dans la rivière de boue
J’ai presque fini de lâcher tout mon sel sur ce pauvre Rage 2. Cependant, je ne pense pas que tout soit à jeter. Tout d’abord, sans mentir, les décors extérieurs sont magnifiques, même si la conduite n’est vraiment pas super, se promener dans les terres dévastées a un côté agréable. Bon, on se fait régulièrement interrompre dans nos déplacements, que ce soit par des évènements aléatoires ou une énième fenêtre de tuto, mais ça reste sympa.
Il y a un autre aspect qui est très bon, et qui va de soi quand on sait qu’Id Software est en partie aux commandes : les phases de shoot. Les sensations de tir sont nickels, le level design est pas dégueu, et les missions principales ont l’avantage d’être bien pensées en terme de FPS. En plus, l’idée des compétences diverses et les différents pouvoirs créent une bonne synergie avec le terrain et les armes. L’impression de puissance est bien là, et on se sent bien comme un monstre parmi les hommes. Même si les combats ne sont pas au niveau de Doom de 2016, le jeu reste bien correct sur tous ces points.
Jeu service, mais qui le rend ?
Je pense avoir assez présenté le jeu. Je pourrais m’arrêter là au final, car vous avez mes impressions. Mais je pense qu’on touche avec Rage 2 au nœud d’un problème qui couve dans l’industrie vidéoludique depuis un certain temps : les jeux services. Si vous n’avez jamais entendu ce terme, voici une définition rapide : un jeu service est un jeu qui plutôt que de délivrer une expérience finie, essaye de retenir le joueur le plus longtemps possible en lui proposant de renouveler l’expérience autant que faire se peut par le biais de mises à jour et de DLC. En ces termes, on peut considérer les MMO comme une sorte de jeu service particulier. Néanmoins notre problème vient de l’appropriation par le monde du triple A de ce type de jeu. Depuis environ 2 ans (soit 2017), beaucoup de gros studios, avec Ubisoft en tête, ont décidé de revoir leur modèle économique. L’idée n’étant plus de vendre beaucoup de jeux chaque année et de gagner de l’argent direct sur la vente, mais plutôt de vendre un jeu sur lequel on reste toute l’année et où l’on dépense notre argent petit à petit via des DLC, des lootboxes et autre micro transactions.
Cette recrudescence de jeu service a fait émerger de nouvelles formes de gameplay, qui jouent en partie sur la frustration du joueur (comme les jeux gratuits de portable) et aussi sur la quantité de contenu. Forcément les open world avec des milliers de camps à nettoyer, des bestioles à chasser et des tours à grimper se prêtent très bien à l’exercice. Le problème avec Rage n’est pas qu’il essaie d’utiliser ces ficelles, mais qu’il les utilise mal et sacrifie son cœur de jeu sur l’autel du triple A.
Par contre pourquoi je vous ennuie avec mes considérations sur l’état du monde vidéoludique ? Simplement parce que je travaille dans mon quotidien avec un ancien de l’industrie, et que je fréquente d’autres développeurs qui globalement déplorent une chose : les jeux service se ressemblent trop, entraînent une certaine saturation, et surtout c’est la mort du fun. Bien que la saturation soit un phénomène récurant dans l’industrie au cours de l’histoire, que ce soit avec les clones de Pong dans les années 80, le torrent de plateformers sur la génération NES et Super NES, ou bien l’épidémie de FPS entre 2005 et 2010, le fait que des devs trouvent qu’une catégorie de jeu prenne trop de place sur le devant de la scène, et que sa philosophie n’est pas saine, est un signal assez inquiétant pour devoir être signalé je pense.
Pour Rage le mal est déjà fait, mais je souhaiterais vraiment qu’à l’avenir les éditeurs et les développeurs se demandent si leur idée de jeu se prête à une transformation en jeu service, ou s’ils feraient mieux d’avoir une expérience plus courte, mais mieux proportionnée.
Rage 2 a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Vous l’aurez compris, je ne recommande pas Rage 2. Ses problèmes d’ergonomie, son côté générique et ses aspects poussifs en font un piètre représentant des FPS monde ouvert. Il est à ce type de jeu ce que Shadow of Mordor était aux jeux d’action open world. C’est dommage et j’espère que Id et Avalanche auront à l’avenir l’occasion de vraiment s’exprimer sur des jeux. Car même si celui-ci est raté, ces studios restent des pointures dans leurs domaines.
Un Rieur
J'aime tous les jeux, surtout les jeux un peu nazes ou cassés. C'est pas parce que c'est nul que c'est pas bon, et puis j'aime aussi la bouffe, et le JDR
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