Quelques années après le très curieux jeu d'enquête Paradise Killer, le studio Kaizen Game Works revient avec une proposition assez différente. Dans Promise Mascot Agency, vous devez gérer une agence de mascottes dégoutantes dans une ville en pleine décrépitude. Ce qui ne change pas, en revanche, c'est le côté profondément déviant et joyeusement crétin de l'écriture.
Je ne suis pas certain qu'il soit possible, en 2025, de "révolutionner l'open world" en tant que mécanique de gameplay. Ce qui serait sans doute révolutionnaire, c'est de considérer qu'on a plus besoin de se promener pendant des heures dans des décors vides pour accomplir des livraisons chiantes comme la pluie et aider des gens qu'on connaît à peine. Ne niez pas, vous avez fait ça dans un nombre monumental de jeux vidéo. Autant le dire : révolutionner ce concept vieux comme GTA III, ce n'est pas du tout le projet de Promise Mascot Agency. Au contraire, il s'agit d'un machin parfaitement conscient que tout ceci n'a aucun sens, qui l'assume parfaitement et va vous promener au volant d'une camionnette toute pourrie aux quatre coins du pire bled du monde. Je n'ai à ce jour aucune idée de "mais pourquoi c'est si bien" ? Alors que l'essentiel du propos est d'envoyer des mascottes géantes couvertes de caca inaugurer des supermarchés et pêcher des couteaux ensanglantés dans des rivières polluées juste parce qu'une dame bizarre nous a dit de le faire. Les voies du fun sont absolument impénétrables.
Le jeu de la mascotte
Ce n'est pas faire injure à Promise Mascot Agency de dire que son point de départ est plus crétin que la plus crétine des quêtes annexes d'un spin-off de Like a Dragon. Il n'est d'ailleurs pas innocent que le doublage du jeu bénéficie du talent d'un Takaya Kuroda (le doubleur de Kiryu Kazuma) en roue libre et ait confié une partie de sa direction artistique déviante à Ikumi Nakamura (Ghostwire: Tokyo). On comprend assez vite dans quoi on a mis les pieds.
Yakuza armé d'un balai tombé dans un piège et brutalement endetté de l'équivalent du PIB d'un pays de taille moyenne, vous ne devez votre survie qu'à une mission quasi suicide : arriver à générer un max de pognon en retapant un love hotel / bordel délabré pour le transformer en agence de mascottes touristiques et événementielles. Le lupanar en question étant bien entendu situé dans un quartier miteux d'une ville répugnante laissée à l'abandon par son maire corrompu depuis des décennies. Votre seul espoir de rassembler la tonne de moulaga dont vous avez besoin ? Des mascottes complètement immondes : doigt coupé, bloc de tofu moisi, chat pervers couvert de confiture d'igname, bébés géants en couche culotte, pièce de Tetris prostituée, et j'en passe. Et votre arme suprême est un fourgon à la physique douteuse, utilisé pour parcourir la ville en se retournant au moindre nid de poule.

Ce n'est pas peu dire que Promise Mascot Agency a un style pour le moins punk, pour ne pas dire 100% shitpost. L'agence que vous gérez est un enfer esthétique (du moins au début), les PNJ ont tous l'air d'avoir été bercés trop près du mur, et les mascottes sont... souvent au centre d'un diagramme de Venn contenant les cercles "bêtes" "incompétentes" et "cupides". Les dialogues (incroyablement nombreux dans un jeu presque trop bavard pour son propre bien) en rajoutent une couche culotte pleine de Dieu sait quoi : tout est bizarre, puéril, pipi-caca et franchement pas très malin. N'allez pas voire là une critique de ma part, je trouve ça extrêmement drôle, et par moment pas dénué de pertinence dans sa parodie grotesque du monde capitaliste le plus cruel. Le chat anthropomorphe qui rêve de faire du porno, l'influenceuse débile qui veut se reconvertir dans l'agriculture bio, le tengu qui veut ouvrir une salle d'arcade dans une poubelle ou la campagne électorale menée tambour battant par un doigt coupé géant et psychopathe, c'est une came qui me parle.
L'humour m'a même pas mal fait penser à des conneries (passez-moi l'expression, mais c'est vraiment le mot approprié) comme Hinamatsuri, Pop Team Epic ou Panty and Stocking, des références de la comédie débile de la pop culture japonaise dans laquelle baigne l'esthétique du jeu. Plusieurs dialogues secondaires ne laissent d'ailleurs aucun mystère sur le fait que les gens du studio britannique Kaizen Game Works sont sans complexe d'immenses otakus ayant baigné dans les comédies japonaises des années 2000/2010.
Office du tout-risque
Mais au fait, on fait quoi, dans Promise Mascot Agency ? Je serais bien tenté de vous répondre "oui" et de m'éloigner discrètement, parce que je n'ai pas absolument réussi à répondre à cette question, même après 15 heures de jeu. Réduit à sa plus simple expression, nous tenons là un croisement improbable entre un jeu de gestion et un collectathon, ce type de jeu basé sur le fait de ramasser plein de trucs pour faire monter des jauges à gogo. Et formellement, vous allez passer pas mal de temps à envoyer des mascottes à des spectacles, à régler leurs commissions et leurs salaires, à recruter des gens, à rénover votre agence, etc. Ça c'est pour le côté gestion. Dans le même temps, vous allez vous promener en ville pour défoncer des panneaux publicitaires hostiles, nettoyer des sanctuaires, rouvrir des portes barrées de bâtiments abandonnés et ramasser des ordures, pour faire monter des barres de complétion. Ça, c'est pour le côté collecte. Mais résumer Promise Mascot Agency à cela, c'est passer à côté de la synergie bizarre mais séduisante proposée par le jeu, et à côté de son économie qui tient presque de la farce.



Promise Mascot Agency vous noie littéralement sous les trucs à faire, mais vous allez accomplir la plupart de ces tâches de manière assez mécanique et sans trop vous en rendre compte.
En fait, je dirai que le gameplay de Promise Mascot Agency se résumerait mieux ainsi : courir partout comme un poulet sans tête et constater que, bizarrement, c'est ce qu'il faut faire pour gagner et que ça marche. Très rapidement, vous allez trouver des moyens de gagner de l'argent : outre le jeu de gestion de mascottes, vous allez découvrir d'autres possibilités de multiplier les flux de revenus (sous-traitance, produits dérivés, commissions...). Sauf que presque à coup sûr, un nouveau revenu arrive avec de nouvelles dépenses et de nouveaux nuisibles venant vous réclamer de l'argent. Tout le jeu est basé sur le fait de toujours vous proposer de faire des trucs qui vont systématiquement vous remettre à peu près à sec. La quête principale, pas dénuée de rebondissements surprenants, se résume cependant techniquement à un long cycle consistant à vous remplir et à vous vider les poches à intervalles réguliers.
Et pour ne pas être TROP à sec (ce qui peut déboucher sur un game over, même s'il faut franchement le faire exprès), il faut assez vite lâcher prise sur la volonté d'être méthodique et organisé. Promise Mascot Agency vous submerge de beaucoup trop de trucs à faire pour que vous puissiez gérer ça comme une wedding planneuse de rang platine. Ce que Promise Mascot Agency attend de vous, c'est que vous fassiez n'importe quoi, parce que grosso modo, ça marche. Et plus vous faites n'importe quoi en cliquant partout et en accomplissant les quêtes au petit bonheur la chance, plus vous allez rénover votre agence, la ville, et vous approcher de la prochaine étape du scénario, qui va vous récompenser par encore plus de blagues débiles.

Deck Buil-dingue
Ce n'est pas forcément évidement lors des deux ou trois premières heures de jeu, mais la map de Promise Mascot Agency est tellement remplie à l'absurde de micro-trucs à faire qu'il s'agit presque d'un gag à part entière. D'autant plus que de nombreuses quêtes annexes vont remplir la map de collectibles inaccessibles en début de partie. Chaque millimètre du jeu est ainsi truffé d'upgrades et de buffs pour vos mascottes, qui restent le nerf de la guerre. Mais aussi de nouveaux héros à invoquer pour les aider sous forme de carte à jouer, d'améliorations pour votre camion, de bidules à ramasser pour influer sur tel multiplicateur de popularité ou tel flux de revenu, etc. Un peu à la manière d'un Balatro, toutes ces jauges et ces bonus vont finir par se combiner selon des facteurs dont vous allez perdre le compte. On commence l'aventure en galérant à ramasser quelques centaines de yens, on la termine avec des flux de revenus de plusieurs dizaines de millions par jour.

Une bonne partie de votre temps est donc consacré à tourner en rond dans la ville pour ramasser tous ces trucs, de manière de plus en plus commode et pratique à mesure que vous débloquez des fonctionnalités de confort (téléporteurs, possibilité de nager ou de voler, etc). Ceci vous conduira à visiter à intervalles réguliers les différents PNJ amicaux qui vous ont demandé qui de leur ramener des DVD, qui de retrouver leurs chats perdus, etc. Chaque quête accomplie débloque de nouveaux multiplicateurs, de nouveaux revenus, voire quelques surprises débouchant sur un mini-jeu ou une quête secondaire absurde... Ce qui, à terme, débloque l'accès à de nouvelles mascottes, pour pouvoir gérer encore plus de missions de front. Bref, plus vous courrez dans tous les sens avec votre camion pourri, plus l'on vous récompense, dans ce qui ressemble parfois à une version de Lake sous crack. Ou qui, du moins, se serait ajouté une dose de Cookie Clicker coupé à quelque drogue très agressive.
Promise Mascot Agency a clairement plus misé sur cette joyeuse orgie de contenu un peu désorganisé et sur son sens de l'humour que sur la finition et l'équilibrage de l'ensemble. Pour être poli, il ne s'agit pas vraiment un jeu qui va récompenser les élèves de l'école du gameplay et des belles mécaniques bien huilées. La grande liberté qui vous est laissée pour faire du fric en driftant partout est bien jolie, mais parfois bousculée par le fait que si par malheur vous déclenchez (accidentellement, même) certains événements trop tôt, l'économie du jeu peut s'en retrouver temporairement déstabilisée.

J'ai par exemple activé par hasard et beaucoup trop tôt le timer me réclamant d'envoyer beaucoup d'argent à mes créanciers tous les jours, ce qui a induit plus de trois heures à ne réussir à accumuler aucun argent de côté pour débloquer des trucs funs, mais juste à accomplir des tâches basiques pour payer mes dettes. À d'autres moments, j'ai clairement cassé le jeu pendant quelques cycles jour/nuit avec des bonus activés un peu tôt m'ayant donné des buffs trop puissants pour le chapitre en cours qui rendaient le déblocage de nouveau contenu temporairement assez vain, puisque je recevais davantage d'argent que ce qui était visiblement prévu à ce stade.
De même, votre expérience ne sera pas la même si vous attrapez (là encore, davantage par chance que par talent) les upgrades du camion, qui changent complètement la manière de se déplacer en ville. Surtout par rapport au bloc de savon ingouvernable dont vous héritez en début de partie. Clairement, cette notion du pacing et de fluidité dans la boucle de gamplay est passée à l'as entre deux blagues de lancer de caca pendant le cycle de développement du jeu. Je note aussi que, plus la partie avance, et plus la partie gestion devient à la fois un peu répétitive et trop omniprésente : une vingtaine de mascottes sur le terrain, ça veut aussi dire une vingtaine de fois plus d'opportunités d'être interrompu en pleine promenade en rase campagne à la recherche de sacs poubelles à faire exploser. On aurait aimé pouvoir davantage automatiser certains process, surtout passé un certain stade de l'aventure, où ils deviennent franchement répétitifs. Ce n'est pas très grave, je me suis amusé tout du long quand même. Mais j'ai conscience des limites de l'exercice, qui aurait mérité d'être un micropoil de fesse plus rigoureux.

Promise Mascot Agency a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 5, Nintendo Switch et Xbox Series.
J'ai adoré Promise Mascot Agency. En conséquence, je me vois mal ne pas vous le recommander, alors que je sais que selon votre profil et votre tolérance au n'importe quoi, il y a une chance sur deux que vous le détestiez profondément. Tout pourrait induire un rejet là-dedans : les mécaniques chaotiques, l'humour oscillant entre assez malin et complètement débile, le rythme parfois épuisant, les mécaniques de jeu qui se mélangent au petit bonheur la chance... Et pourtant, difficile de ne pas voir le gros cœur qui bat, la sincérité absolue qui se dégage de tout ça. Je suis persuadé que le résultat final, un peu baroque et souvent décadent, est précisément celui que visait le studio. Il faut encourager l'audace. Il faut encourager la folie. Il faut jouer à Promise Mascot Agency.
Les + | Les - |
- C'est très drôle (si on aime l'humour un peu gras) | - C'est quand même parfois très bête |
- Les personnages ont beau être douteux, ils sont très bien écrits | - Le gameplay est rigolo, mais l'économie du jeu souffre de déséquilibres fréquents |
- L'exploration de l'île révèle des surprises rigolotes | - Tellement de liberté qu'il arrive qu'on fasse accidentellement des trucs dans un ordre contre-productif |
- On s'ennuie rarement, même quand le rythme baisse un peu | - Quelques baisses de rythme, surtout dans le premier tiers du jeu |
- Le chara design, l'habillage et la bande-son rattrapent une direction artistique un peu terne |

zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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