Metroid, F-Zero, Donkey Kong... Tout fan de Nintendo se doit de régulièrement pleurnicher parce que sa licence abandonnée préférée n'a pas eu d'épisode majeur depuis un bail. Et la réponse de Nintendo à ces complaintes ne manque jamais d'être : non, mais en revanche voici un nouvel épisode de Pikmin.
Ce n'est même pas tout à fait vrai. Cela fait en effet une bonne dizaine d'années déjà que Pikmin 3 avait fait le bonheur des quatre possesseurs et demi d'une Wii U. Un épisode sorti lui-même près de dix ans après Pikmin 2 : les aventures du capitaine Olimar et ses bestioles de jardin sont, de fait, aussi rares que précieuses. Et figurez-vous que mes propres rapports avec la franchise ont été quasiment inexistants. Je découvre donc la série par son quatrième épisode, au concept aussi génial qu'improbable impliquant de faire pousser des bestioles dans un jardin bien mal rangé pour aider des aliens miniatures à bâtir un camp de secours avant de retourner chez eux. Aussi formidable et instinctif Switch en main qu'impossible à expliquer au commun des mortels. Moi-même, avant de mettre les pattes dessus, je ne comprenais pas bien Pikmin.
La sombre affaire du Pikmin Vert
Mes rapports à Pikmin, à part savoir que ce sont de petites bestioles qui aident un certain Olimar à rentrer chez lui, se résument à presque rien, sinon à une vague anecdote remontant à une bonne quinzaine d'années. Vers 2007, un ami à moi s'était inscrit à un concours de la Japan Expo, organisé par une association, dans lequel il fallait répondre à des questions de rapidité. Cet ami a perdu sur une question dans laquelle il fallait crier un type de Pikmin existant, et où un gars du public s'en était sorti avec la réponse "Pikmin Vert". Or, il n'y a tellement pas de Pikmin Vert que c'est quasiment un meme et un personnage imaginaire présent dans tous les fangames et toutes les fanfics de Pikmin.
Comme nous étions tous jeunes et stupides, nous avions alors été faire un raid sur le forum de l'association en question après coup, et eux avaient en retour fait de même sur notre forum, le tout sur fond de batailles de blogs. C'était absurde, et ç'avait fini par se régler en DM, en convenant que c'était absolument ridicule de s'envoyer des beignes virtuelles pour une histoire de Pikmin, fût-il vert. C'est une des ultimes fois où j'ai pratiqué le trolling, et aussi la dernière fois de ma vie, je crois, que j'ai pensé à la série.
Quand Pikmin 4 a été annoncé, je me suis dit que c'était vraiment dommage d'avoir un tel trou noir dans ma culture vidéoludique. Cette nouveauté de 2023 était une parfaite occasion d'essayer enfin de comprendre ce que c'est que ce truc, ce qu'on y fait… Et pourquoi Olimar semble définitivement coincé sur Terre depuis plus de vingt ans. Et au bout de quelques minutes, je me suis souvenu que c'était un jeu Nintendo que j'avais entre les mains. Un jeu Nintendo, et donc un jeu dont le sens de la simplicité et du level design astucieux étaient un art à part entière. Un art qui se déploie ici de manière absolument spectaculaire.
Apollo Fraise
Pikmin 4 fait partie de ces jeux qui, si vous n'êtes pas joueur vous-même, paraissent bizarres et incompréhensibles. On y voit un astronaute juché sur un chien en train de lancer des brindilles humanoïdes sur des bananes comme s'il n'y avait pas de lendemain. Si c'est vous qui pilotez, en revanche, tout parait immédiatement limpide. Il faut dire que tout a été fait pour que ce quatrième épisode soit une porte d'entrée absolument parfaite. La première heure de jeu est, de fait, un tutoriel assez simple vous resituant tous les (incroyables) enjeux de la série.
Olimar le lilliputien de l'espace a donc enfin rassemblé les bidules nécessaires à réparer sa fusée. Mais au moment de décoller, il disparaît. L'équipe de secours arrive, et se crashe évidemment lamentablement. Des touristes stellaires arrivent dans leur sillage et connaissent le même sort. Puis des scientifiques, des journalistes, un chômeur… Bref, absolument tout le monde s'est planté quelque part entre le jardin, l'étang du coin et le salon de la maison et c'est bien entendu à vous (seul·e rescapé·e) de retrouver tout le monde. Coup de bol, le domaine est peuplé de Pikmins, des créatures aux couleurs diverses capables de vous aider à avancer : les rouges sont polyvalents, les bleus peuvent nager, les jaunes savent creuser, etc.
À partir de là, le jeu est finalement assez simple : chaque jour, vous devrez aller dans une des zones du jeu avec votre gros chienchien Otchin (qui sert d'arme, de monture ou de gros Pikmin d'appoint selon les moments). Une fois sur place, il faut ramasser un maximum d'objets, découvrir des passages secrets et des raccourcis, et sauver si possible un des astronautes paumés çà et là. La structure du jeu est ainsi assez claire : un gros hub central duquel partent plusieurs régions contenant elles-mêmes des donjons à explorer. Plus vous avancez, plus vous avez de Pikmins, et plus vous sauvez de survivants, et plus ces derniers vous filent des bonus à dépenser pour améliorer vos bestioles, votre chien ou vous-même. Avec un objectif final somme toute assez simple : retrouver Olimar et arriver à vous tirer pour de bon de cette fichue planète. Si possible en ne laissant personne derrière.
Tears of the Pikmindom
Inutile de vous détailler ça plus avant, de toute façon : ça reste un "simple" jeu d'action aventure. On avance, on collecte, on découvre, on gagne en expérience, on recommence. La boucle de gameplay est vieille comme le monde, donnant le sentiment de maîtriser de plus en plus précisément un environnement à mesure qu'on déploie stratégie, talent et connaissances accumulées. Tout est fait pour que vous ne soyez jamais perdu, et part du principe que vous ne connaissez pas les jeux précédents. Rarement un jeu aura fait autant pour vous guider et vous aiguiller sans jamais vous prendre trop par la main ni vous prendre pour un idiot, l'aventure ayant même quelques énigmes et quelques moments de bravoure particulièrement intenses.
Ce qui m'a, je crois, le plus frappé dans la découverte tardive de Pikmin, c'est le côté conte cruel particulièrement sombre, finalement assez inhabituel dans l'écosystème Nintendo. Régulièrement confrontés à des monstres étranges, voire inquiétants, les Pikmins meurent à la pelle, leurs âmes broyées, brûlées ou noyées par paquets de douze dans des cris d'agonie tout sauf feelgood. C'est, d'ailleurs, une excellente chose : avec sa direction artistique pastel et son jardin aux textures douces rempli de Pikmins en fleurs, ces séquences de quasi-film-catastrophe donnent à l'ensemble un cachet très particulier.
Ce genre de contenu plutôt sombre ne fait, de manière assez fine, pas du tout perdre son côté familial et accessible à Pikmin 4. Là encore, un game design très fin permet de rembobiner une situation mal emmanchée. Il est aussi possible de récolter de nouveaux Pikmins suite à une perte trop importante ou encore d'explorer un donjon en plusieurs fois pour rendre les sessions de jeu plus fragmentées et moins stressantes au besoin.
Enfin, il est extrêmement aisé d'abandonner temporairement l'exploration d'une région pour y revenir plus tard, mieux équipé et avec des Pikmins plus puissants. En bouclant l'aventure, dont le dernier segment surprend par une verticalité qui n'est pas sans rappeler son héritier indé Tinykin, je me dis que Pikmin 4 n'est certes pas un immense moment de l'Histoire du jeu vidéo, mais c'est néanmoins un titre auquel je suis quasiment incapable de trouver le moindre défaut un tant soit peu significatif.
Pikmin 4 a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l'éditeur.
Formidable porte d'entrée autant qu'avancée majeure de la série pour les vétérans, Pikmin 4 est un jeu qui frôle l'exemplarité. Dire que rien du tout ne m'a irrité dans ce titre serait faux : un jeu de ce calibre ne devrait, par exemple, pas afficher des temps de chargement aussi fréquents et pénibles. Mais Pikmin 4 n'est pas une somme de qualités auxquelles on aurait retranché quelques défauts, c'est bien plus que cela. C'est un des très grands jeux d'aventure et d'exploration de 2023. Et mon ami Elbert avait raison : il n'y a TOUJOURS PAS de Pikmin Vert.
Les + | Les - |
- La prise en main immédiate et instinctive | - Trop de temps de chargement |
- Level design simple, mais toujours parfaitement équilibré et astucieux | - Les phases de combat sont un peu répétitives et pas passionnantes |
- Beaucoup de surprises : des donjons annexes, du tower defense... | |
- L'option rembobinage, qui pousse à tester plein de solutions | |
- Variété et inventivité des puzzles |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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