Pharaon de Sierra Games, sorti en 1999, fait partie des city builders des années 1990-2000 qui ont marqué les joueur·euse·s de l’époque et servent encore souvent de référence. Avec ce Pharaoh: A New Era, Triskell Interactive et Dotemu ont pour ambition de remettre ce classique au goût du jour tout en respectant l’esprit du jeu, peut-être un peu trop.
Pharaon n’est pas le premier jeu vidéo auquel j’ai joué, mais c’est celui qui m’a le plus durablement marquée. Je le connais quasiment par cœur et je pourrais probablement faire la première dizaine de missions les yeux fermés. Il fait partie de mes références en termes de city builder et j’ai eu du mal à en trouver d’autres qui me satisfassent autant. Quand Pharaoh: A New Era est sorti, j’étais donc partie pour construire des pyramides non-stop pendant un mois, espérant retrouver à la fois le plaisir d’un jeu doudou et redécouvrir le jeu sous un nouvel angle. Mais au bout d’une trentaine d’heures, ce remake a quelque peu tempéré mes ardeurs, sans les doucher complètement.
Retour vers le passé
Avant de nous attaquer au remake, revenons rapidement sur les bases. Dans sa version originale, Pharaon propose un mode bac à sable et un mode campagne, qui, au fil des missions, permet de retracer l’histoire de l’Égypte antique au travers de l’ascension de votre dynastie et de la construction de différents monuments historiques. La construction de chaque ville demande de répondre aux besoins des habitants pour améliorer les habitations tout en développant les industries nécessaires et en gérant le chômage, les salaires, le divertissement, les crues et… les dieux.
Très concret, Pharaon utilise un système, que je n’ai pas beaucoup retrouvé par la suite, à base de marcheurs (LREM n'a donc rien inventé) : chaque bâtiment possède un petit bonhomme qui se promène dans la rue et dessert chaque habitation ou bâtiment devant lequel il passe. Cela permet de visualiser facilement quel bâtiment a accès à quoi (complété par un système de calques) et de mettre de l'animation dans les rues. On préfère généralement à ce système un système de zones desservies par un bâtiment, ce qui est nettement moins interactif, mais circonvient également l’un des problèmes du jeu de base, à savoir que les marcheurs étaient absolument dépourvus de tout bon sens et n’allaient jamais où ils auraient dû aller. C’était particulièrement vrai pour les recruteurs qui préféraient parcourir chaque cul-de-sac plutôt que d’aller vers les habitations, engendrant un problème d’accès à la main-d’œuvre ; nous reviendrons sur ce point.
Avec ses mécaniques de commerce, de prestige, de besoins des habitants et de gestion de ressources et de main-d’œuvre, Pharaon est un city builder équilibré, qui tourne bien, nonobstant quelques bugs et mécaniques plus faibles, et propose une bonne expérience à la fois aux inconditionnels du micromanagement et aux autres. Pour la suite de cette critique, il faut garder en tête que si j'en parle au présent, c'est que Pharaon reste encore, avec son DLC Cléopâtre, parfaitement jouable aujourd'hui et tient encore la route malgré une DA qui accuse son âge.
Et on démarre (pas vraiment) une autre histoire
Et donc, remake ? Eh bien, c’est… pareil, mais en plus beau. Avec les résolutions de plus en plus incroyables des écrans actuels, la DA de Pharaon commençait à faire la tête (même si vu le comeback des graphismes à gros pixels, elle était à nouveau tendance depuis deux ou trois ans) et ce remake a retravaillé absolument tous les graphismes pour qu’ils rendent bien à l’écran, et ça marche. La DA reste suffisamment proche de l’original pour que les habitué·e·s s’y retrouvent, mais donne un coup de neuf, nécessaire, à l’ensemble. Les animations, les personnages, tout est bien plus joli. Tout au plus, on peut chipoter sur certains assets, notamment le poisson, qui sont légèrement flous quand on zoome un peu.
L’interface utilisateur a, elle aussi, été modifiée. Elle est plus propre, plus moderne, telle une jolie infographie, mais n’apporte pas fondamentalement grand-chose par rapport à l’originale. Le principal reproche que l’on peut faire sur la forme de cette nouvelle version, c’est l’absence de la minicarte qui permettait à l’origine de se déplacer facilement sur le territoire (car dézoomer complètement ne permet pas de voir toute la carte) et d’avoir une vision d’ensemble (sur Steam, les développeurs disent avoir pris en compte ce point et travailler à la faire revenir au plus vite). La musique a également été réorchestrée (mais continue de ne pas jouer jusqu’au bout des missions si on met plus de temps que prévu à les finir). Comme la DA, elle reste suffisamment proche de l'originale pour ne perdre personne, mais apporte une pincée de nouveauté bienvenue. Globalement, c’est vraiment joli et propre et les jardins, les statues et les amoncellements de produits colorés dans les entrepôts sont réellement plaisants à regarder.
Pôle emploi antique
Côté gameplay, deux changements majeurs et une tripotée de changements mineurs. Le premier et principal changement, c’est l’introduction de l’agence de recrutement. Je vous parlais plus haut des recruteurs qui avaient tendance à se comporter comme des poulets sans tête, obligeant parfois (souvent) à coller une habitation dans un coin inhabitable juste pour que le recruteur ait accès à la main-d’œuvre. Dans Pharaoh: A New Era, il est toujours possible de jouer de cette manière, mais l’agence de recrutement permet désormais, si l’on choisit cette option, de faire en sorte que tout bâtiment connecté à une route ait accès à la main-d’œuvre, ce qui rend l’expérience beaucoup plus fluide (et un peu plus facile). Cette nouveauté semble plutôt bien accueillie et le fait qu’il s’agisse d’une option permet à tout le monde d’y trouver son compte.
En revanche, l’autre modification majeure n’a pas suscité un accueil aussi positif. La mécanique de guerre/combat n’était absolument pas le point fort du jeu de base et, conscient de cet état de fait, le remake a retravaillé cette mécanique… sans grand succès. Cette nouvelle version automatise entièrement les combats. Plus besoin de déplacer ni d’organiser les troupes, ce qui fait qu’on se demande pourquoi cet aspect existe encore. Suite aux retours globalement négatifs, les développeurs ont indiqué qu’ils allaient réexaminer ce point pour tenter de proposer une mécanique plus satisfaisante, mais pas dans l'immédiat.
La plupart des autres nouveautés, comme le copier-coller de bâtiments, la possibilité de décider si par défaut, les lieux de stockage acceptent toutes ou aucune marchandise(s), si les tours de garde et chadoufs doivent être reliés à une route et si l’on veut ou pas des prédateurs sur la carte, sont des options qui ne révolutionnent rien, mais améliorent sans conteste le confort de jeu tout en restant optionnelles pour contenter tout le monde. Il n’y a également plus que trois niveaux de difficulté au lieu de cinq et toutes les missions du DLC Cléopâtre sont intégrées à la campagne. Quelques ressources ont été ajoutées, principalement pour améliorer les armées, mais dans la mesure où cette mécanique est quasi obsolète, elles n’apportent pas grand-chose de neuf.
Tu pousses le respect un peu trop loin, Maurice
Si la DA modernise le jeu et que l’agence de recrutement est une option plus que bienvenue, il ne s’agit pas d’une révolution et les principales qualités sont celles du jeu de base. On peut regretter qu’il n’y ait pas d’ajout de quelques mécaniques ou de ressources, mais cette nouvelle version rend ce classique accessible à une nouvelle génération et ce n’est pas une mauvaise chose. Sauf que ce remake respecte tellement le jeu d’origine qu’il en a gardé certains des bugs et non-sens, en a rajouté quelques-uns et souffre de quelques problèmes de traduction. Parmi les bugs les plus notables qu’on aurait aimé ne pas retrouver, on peut citer les pyramides qui ne finissent jamais de se construire, des bateaux coincés aux docks qui nécessitent de détruire le dock et de le reconstruire ailleurs pour débloquer le commerce, les bâtisseurs qui disparaissent (heureusement celui-là n'a qu'un impact cosmétique).
Les plaines inondables restent une purge à connecter à la terre ferme, il manque certains textes et il y a ici et là des problèmes de traduction (ou de rédaction), comme pour ce temple qui indique qu’il lui faut des pierres alors qu’il lui faut du grès. Rien d’insurmontable, mais c’est dommage. L’option d’activer ou pas les prédateurs est rendue un peu obsolète par le fait que les policiers ne tuent plus les prédateurs s’il y en a et qu’il n'y a donc vraiment aucune raison de les garder. Il n’est également plus possible de passer de la carte du monde (qui permet d’ouvrir les routes de commerce) à l’onglet "commerce" qui permet de régler les importations/exportations, ce qui est contre-intuitif, les deux allant de pair. Pour finir, la vérification des risques et des accès aux différents services est désormais modélisée avec des couleurs plutôt que des piliers, ce qui est plus joli, mais peut poser des problèmes de lisibilité. Il est possible qu’une partie des bugs indiqués ci-dessus disparaissent avec les futures mises à jour.
Pharaoh: A New Era a été testé avec une clé fournie par l'éditeur.
Il suffit de lancer Pharaoh: A New Era pour littéralement voir tout le travail qu’il a demandé et tout le respect et l’amour du jeu d’origine qui l’imprègne. Si les options et la très jolie nouvelle DA rendent l’expérience plus fluide, cette nouvelle version risque de ne provoquer qu’un enthousiasme tiède chez celles et ceux qui connaissent déjà le jeu et amène à s'interroger sur la pertinence d'un remake d'un jeu encore jouable facilement aujourd'hui.
Les + | Les - |
- Vraiment plus joli et moderne | - Quelques bugs gênants |
- La nouvelle mécanique d'agence de recrutement | - La mécanique de combat/guerre encore moins réussie que dans l'original |
- Des options qui améliorent le confort de jeu… | - … mais n'apportent pas grand-chose de nouveau |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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