On va finir par perdre le fil des jeux mettant en scène les Voleurs Fantômes du JRPG Persona 5, paru fin 2015. Après le remake étendu (Persona 5 Royal), le donjon RPG (Persona Q2), le jeu de danse (Persona 5: Dancing in Starlight) et le beat them all (Persona 5 Strikers), voici le tactical RPG. Est-ce que Persona 5 Tactica a encore quelque chose à dire sur cet univers qui commence un peu à tourner en rond ? Oui et non.
On ne peut pas accuser les équipes d'Atlus de chômer ou de se reposer sur leurs lauriers : entre un Persona 6 en développement depuis des années et un Metaphor: ReFantazio prévu pour 2024, on sait que le catalogue de l'éditeur star des jeux de rôle otaku finira par sortir quelque chose de véritablement nouveau. En attendant, c'est encore une fois cette bande d'ados pénétrant les esprits et les cœurs pour redresser les torts qui se retrouve sur le devant de la scène. Avec la double contrainte de devoir à nouveau réintroduire l'univers (Persona 5 c'était il y a déjà sept longues années) et de ne pas trop tenir compte de tous les événements survenus dans les épisodes annexes. Un drôle de travail d'équilibriste pour ce qui semble devoir être, tout de même, l'ultime aventure de Joker, Futaba, Morgana, Makoto et compagnie. Une ultime aventure qui prend la forme d'un petit tactical RPG très inspiré de X-Com et de Mario et les Lapins Crétins. C'est-à-dire situé sur de toutes petites maps ne mettant en scène que quelques unités, et dont les résolutions tiennent plus du puzzle game que de la grande stratégie. Une expérience éminemment sympathique, mais un peu étriquée.
Ah 糞 ! Here we go again...
Et c'est reparti ! Un beau jour, en regardant la télévision, les Voleurs Fantômes (désormais proches de passer leurs examens de fin d'études) se retrouvent absorbés dans un monde parallèle, inspiré de la Révolution française. Pourquoi sont-ils ici ? Pourquoi tombent-ils sur un député japonais emprisonné ? Qui est cette mystérieuse (et très classe) Erina qui semble mener la lutte contre l'oppression ? Bref, une nouvelle fois, nos détectives de l'étrange doivent arpenter des réalités oniriques et symboliques pour réparer les travers des adultes dans le monde réel, ou quelque chose dans le genre.
La petite originalité vient donc des deux nouveaux personnages qui vont vous accompagner dans l'aventure, Erina et Toshiro, qui apportent un petit vent de fraîcheur à un casting qui commence à tourner sérieusement en rond. Même le fond idéologique parfois rétrograde de la série prend un petit coup de peinture pas désagréable. Tout ce que Persona 5 Tactica essaye de raconter tourne pas mal à la redite et à l'épilogue un peu forcé de toute cette série, certes, mais c'est tout de même fait avec rythme et générosité. Le sens de la mise en scène flamboyante est toujours là. D'accord, il s'agit d'un épisode mineur, mais il n'est pas non plus bâclé ou pensé comme un simple DLC : vous en prenez pour 40 heures de scénario assez dense et riche en moments de bravoure.
On regrettera cependant la tendance de ce scénario à beaucoup se répéter, et sa structure beaucoup plus rigide et étriquée que d'autres jeux de la série : on arrive dans un royaume avec une thématique, on fait quelques quêtes annexes, quelques combats principaux, on passe à la suite, et on finit par un boss. Le tout sans le côté exploration, respirations sociales ou activités annexes d'un Persona 5 : à peu de choses près, ce n'est qu'une suite de petits combats entrecoupés de dialogues plus ou moins intenses. C'est un peu rigide et sans surprise, mais au moins cela fonctionne. Le problème, c'est que cette rigidité se ressent beaucoup dans le gameplay qui, lui, peine énormément à renouveler sa proposition de base, déjà assez faible.
La métanoïa pour les nuls
Au bout de dix ou douze heures, alors que vous commencez à voir le bout du deuxième ensemble de niveaux, il devient assez évident que Persona 5 Tactica ne renouvellera plus beaucoup ses mécaniques. Pire : toute la seconde moitié du jeu s'écroule pas mal sur elle-même pour vous proposer du recyclage pas très élégant de choses déjà accomplies, en légèrement plus complexe.
Le problème vient à mon sens d'une vision très étroite de ce qui fait un tactical RPG fonctionnel. À la manière d'autres jeux du genre, cet épisode vous propose de gérer de toutes petites escouades (trois membres sur la dizaine de personnages recrutables) dans des cartes stratégiques, elles-mêmes assez étroites. Les objectifs y sont, sauf exceptions, très sommaires : tuer tout le monde, escorter une unité ou détruire un objet précis. Avec parfois des variations infimes (limite de temps ou personnages imposés). Cela ne serait pas bien grave si le level design, à la manière d'un Mario et les Lapins Crétins, se permettait un peu de folie, mais cela reste ici globalement assez simpliste.
Et cela n'est pas non plus soutenu par un système de compétences très profond : tout le gameplay de Persona 5 a été ici réduit à sa plus simple expression. On fusionne des entités entre elles pour en créer de plus puissantes (un classique de la série), on les équipe comme des objets magiques, et basta, voici vos compétences annexes activées. Le problème, c'est qu'ici, il suffit de fusionner des Personas assez bourrines entre elles pour créer une armée de tanks quasiment invincibles, puisque les ennemis n'ont plus d'affinités élémentaires. Que vous construisiez un build glace, foudre ou psy n'a plus grande importance : tout fonctionne, pour peu que vous mettiez le paquet sur le renforcement de votre équipe. Alors, on se contente d'équiper les éléments du plus haut niveau, les meilleures armes disponibles dans la boutique, et pouf, c'est gagné.
Je retiendrai tout de même de ce gameplay un peu décevant une idée intéressante. Une fois qu'un ennemi a été mis à terre, il est possible de jouer une attaque supplémentaire. Mais l'on peut également lancer une super offensive qui atteint tous les personnages adverses situés dans un triangle constitué par les positions des trois combattants alliés. Cela pousse à explorer un peu le level design pour créer les aires d'attaque les plus grandes possibles. Là encore, l'idée n'est pas poussée très loin, car la technique est tout simplement si puissante qu'elle permet de rouler sur le jeu presque à tous les coups. On s'arrange alors toujours un peu de la même manière : en faisant un gros triangle avec des personnages surpuissants et en dégommant tout d'un coup. C'est satisfaisant, mais répétitif à la longue.
Persona 5 Tactica a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PC, PlayStation 4 et 5 et sur les consoles Xbox.
Loin d'être un spin-off déshonorant, Persona 5 Tactica demeure une expérience assez imparfaite, qui multiplie les petites idées amusantes sans les pousser très loin. Clairement conçu pour les gros amateurs de la série davantage que pour les aficionados de RPG tactiques, il a au moins le mérite d'être un joli moment de fan service respectueux de sa licence. On en retiendra, et c'est déjà bien, quelques scènes cinématiques impressionnantes, des dialogues marrants et le personnage d'Erina, qui apporte un vent de fraîcheur à un groupe de héros fatigués. On espère en avoir fini pour de bon avec les Phantom Thieves et on a hâte de découvrir le prochain casting concocté par les équipes d'Atlus.
Les + | Les - |
- S'insère assez bien dans l'univers de Persona 5 | - La dimension tactique est faiblarde |
- Des idées intéressantes... | - ... mais très peu creusées |
- Design et ergonomie toujours très élégants | - La deuxième partie de l'aventure est très en-deçà |
- Erina est un très bon personnage | - Le level design se renouvelle trop peu |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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