De base, je n’étais pas franchement intéressée par Pathfinder : Kingmaker. Je n’ai aucun attachement particulier au jeu de rôle et j’ai vu assez de cRPG génériques dans ma vie pour savoir qu’ils ne sont pas forcément les meilleures expériences de jeu possibles. Puis, le doux nom de Chris Avellone a été évoqué et mon coeur s’est emballé : peut-être que ce titre sera plus que ça et aura un super scénario ? Quelle jeune fille naïve je fais parfois.
Pathfinder : Kingmaker est une adaptation du jeu de rôle du même nom, kickstartée avec succès par Owlcat Games. Au point qu’ils ont pu se payer Chris Avellone, le freelance le plus convoité de l’industrie, dont ils affichent le nom partout tel un trophée. Et ce n’est pas beaucoup plus que ça donc on ne va pas s’étendre sur le sujet.
Apprendre à régner
Les choses avaient plutôt bien commencé : après une création de personnage très détaillée, on me présentait comme la crème de la crème des aventuriers et, avec d’autres personnes du même acabit, il s’agissait de récupérer un bout de terre à un bandit qui terrorisait un peu tout le monde. A la clé, un titre de baronne pour moi, et pour mes commanditaires, la possibilité de négocier avec quelqu’un de raisonnable. Tout allait bien dans le meilleur des mondes et alors que je me préparais à aller me reposer, je… Ah non. La caméra refuse de bouger. Je soupire puis me rappelle de ce fameux adage : « dans le doute, reboot ». Bon, me revoilà dans le menu principal après cinq minutes de « jeu » mais ça arrive, j’ai joué à tous les jeux d’Obsidian donc je suis assez familière avec les bugs. Je relance, la caméra bouge mais les raccourcis sont en qwerty. Pas de souci, il y a des options pour ça ! Je passe tout en azerty, je suis contente sauf qu’encore une fois, non. Rien à faire, le jeu refuse de les prendre en compte. Je commence à froncer les sourcils mais je ne me démonte pas, je passe mon clavier en qwerty et me voici embarquée pour une folle aventure.
Oh non, le château est attaqué, quelqu’un nous a trahi ! Je retrouve la gnome barde que j’avais rencontré le soir d’avant et nous voici parties pour sauver tout le monde. Une fois la catastrophe évitée, l’interrogatoire commence : qui est responsable de cette trahison ? Le gnome mage que j’ai sauvé auparavant commence à m’accuser et malgré mes jets de persuasion réussis, rien à faire, on continue de me regarder d’un oeil suspicieux. Seule solution, nous séparer en deux groupes, l’un dirigé par moi et l’autre par le mage qui tente de me saboter. Bon, je ne comprends pas trop le principe là mais on va dire que d’accord. Selon vos réponses, certains personnages accepteront de vous rejoindre alors que d’autres préféreront suivre le sale petit traître. Tant pis pour eux. Je me retrouve donc avec une équipe super équilibrée composée d’une paladin, d’une barbare et deux bardes.
Après diverses aventures avec des bandits, je suis dotée de ma première quête secondaire : aller chercher des baies dans une caverne infestée d’araignées pour un herboriste peureux. Je connais les RPG, je sais que c’est la quête de base pour tout aventurier qui se respecte. Je pars donc en compagnie de ma fine équipe pour cette caverne, bien décidée à faire de la cueillette. Mais je n’avais pas prévu que j’allais rencontrer mon premier boss : les essaims d’araignée. Après l’annihilation de mon équipe par de toutes petites bêbêtes, je finis par faire une recherche sur les discussions Steam qui m’apprennent rapidement que le jeu a gardé les règles du JDR papier et que du coup, les essaims ne peuvent être tués qu’avec des AOE, de préférence du feu, ou des torches. Bien, aucun de mes personnages n’a des AOE mais j’ai des torches et quelques bombes d’alchimistes. Hahahahahaha. Ma crème des aventuriers passent leur temps à rater toutes leurs attaques et les bombes ne font pas assez de dégâts. J’ai appris par la suite que tuer ces araignées nécessite un nombre incroyable de bombes à acheter et qui engloutissent du coup une bonne partie de vos économies. Tout ça pour une quête secondaire pour tuer des trash mobs. Des veines dont je ne connaissais pas l’existence ont commencé à palpiter sur mon front et j’ai finalement décidé de faire plus simple : j’ai recommencé et j’ai fait une espèce de mage spécialisée en feu.
Un MJ psychorigide
Sincèrement, cette première partie résume tout. Changez le nom des ennemis et vous avez le principal problème de Pathfinder : Kingmaker : un manque d’équilibrage évident. Peut-être que c’est comme ça dans le bestiaire du jeu de rôle papier mais la différence étant que normalement, votre maître de jeu ne vous déteste pas et s’arrange pour modifier un peu les choses pour éviter que vous mourriez dès la première mission et surtout, pour faire en sorte que vous vous amusiez. Et je ne me suis pas amusée un seul moment dans ce jeu. J’ai lu que certaines personnes considéraient ce titre comme « hardcore » et se moquaient des pauvres joueurs en galère, ces « millenials » affaiblis par des jeux modernes trop simples et qui n’avaient pas connu la bonne époque de Baldur’s Gate et Planescape : Torment. Déjà, Planescape : Torment n’a rien d’un jeu hardcore mais passons. Pathfinder ne l’est pas non plus. Il est juste mal foutu. Quand après plusieurs reloads de ma sauvegarde, j’arrive à tuer très facilement des ennemis qui m’ont oblitérée quelques minutes avant sans changer ma tactique, ce n’est pas parce que j’ai gagné en skill, c’est juste de la chance dans les jets de dés.
Je n’ai rien contre les jeux exigeants. Je m’en fiche que les personnages ne retrouvent pas toute leur vie après un combat comme dans Pillars of Eternity, que se reposer nécessite plusieurs ressources, que certains ennemis soient insensibles à certaines attaques et vulnérables à d’autres. C’est même plutôt bien. Non, j’ai quelque chose contre les jeux qui demandent au joueur tout ça sans lui donner des outils corrects. J’ai besoin d’un certain type d’attaque ? Ok mais laissez-moi choisir les classes de mon groupe alors. Je dois utiliser des potions pour me guérir ? Où est le craft ? J’ai lu une réponse des développeurs à ce sujet dans une discussion Steam : ils n’ont finalement pas pu le mettre en place. Dans ce cas-là, il aurait peut-être fallu repenser certaines choses. Je crois que Pathfinder, dans son souci d’être une adaptation, a oublié qu’il était un jeu vidéo, un RPG, et qu’il est important de s’amuser un peu parfois. Mettre des quêtes avec des limites de temps, c’est agaçant. Encore pire quand certaines en ont alors que ce n’est pas indiqué et qu’on se retrouve du coup sérieusement handicapé pour la gestion de son royaume, essentiel dans le jeu et l’un des rares bons points. Pour moi, un RPG est une aventure que l’on vit comme bon nous semble. Ici, tout n’était que corvée et j’avais l’impression de devoir supporter un MJ peu confiant en ses capacités, qui avait tellement peur que je ne suive pas le beau scénario qu’il avait fabriqué qu’il m’obligeait à faire tout ce que je ne voulais pas faire.
Ce n’était pas mieux avant
Je ne doute pas que Pathfinder : Kingmaker ait un public, quelque part, et qu’il est maintenant évident que ce n’est pas moi. Mais je suis hallucinée par ce que certains joueurs laissent passer comme aberrations au nom du sacro-saint « jeu hardcore », qui est censé valider leurs compétences et leur décerner un joli badge rutilant de « gamer », qu’ils peuvent fièrement afficher sur les forums en se moquant allégrement des gens qui ont un peu plus d’exigence qu’eux pour leur loisir. Je n’ai jamais joué à Baldur’s Gate, j’étais trop jeune lors de sa sortie et l’interface utilisateur est bien trop affreuse pour moi, mais j’ai fait Planescape : Torment. Et je trouve ça insultant de le comparer à Pathfinder. Planescape est irritant à certains moments, par ses indications obscures, mais jamais il n’exige du joueur d’être ce qu’il ne veut pas être et de faire ce qu’il ne veut pas faire. Là où Pathfinder est l’affreux mélange d’un boss autoritaire et du pire GM de l’histoire des jeux de rôle.
Et puis de toute façon, il faut arrêter avec ces « c’était mieux avant ». Les jeux n’étaient pas chiants et compliqués juste pour le plaisir. C’était un mélange de limitations techniques, de besoin de faire sentir aux gens artificiellement qu’ils en avaient pour leur argent et aussi une façon de les faire passer à la caisse plusieurs fois, avec des ventes de guides et d’appels passés à des numéros divers pour des soluces. Les mêmes qui aujourd’hui méprisent les open world remplis d’activités futiles et de lootboxes chantent les louanges des « jeux à l’ancienne » qui faisaient les choses certes différemment mais toujours dans le même but : l’argent. Alors pourquoi aujourd’hui, quand des tas de jeux très bien sortent sur Steam, on devrait subir ça ? Mon temps est précieux et comme quelqu’un l’a très bien souligné dans les discussions, Pathfinder ne le respecte pas avec ses bugs et ses décisions aléatoires. Avant, on pouvait comprendre que quelqu’un passe des heures et des heures sur un jeu mal fichu, parce qu’il y en avait moins. Maintenant, plein de très bons titres me tendent tous les jours les bras, ne serait-ce que dans les cRPG. Si ne pas accepter qu’un jeu reproduise les pires aspects du passé me fait perdre mon badge de « gamer », qu’il en soit ainsi. J’irai m’amuser sur Divinity : Original Sin 2 pendant ce temps.
Pathfinder : Kingmaker a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Pathfinder : Kingmaker n’est pas un mauvais jeu en soi. Il n’est juste pas amusant et je pense que c’est pire. Lancer un jeu en sachant que l’on risque de voir plus souvent l’écran de chargement que le reste et qu’il en découlera qu’une énorme frustration n’est pas une bonne expérience. J’ai déjà eu affaire à de mauvais MJ mais au moins, je pouvais leur parler pour leur expliquer ce qui n’allait pas et pourquoi ça n’était pas amusant. Ici, je ne peux que hurler sur mon écran, déprimée par tant de gâchis et de mauvaises décisions. Owlcat Games a l’air d’avoir conscience du problème et un nouveau patch sort quasi tous les jours. Peut-être qu’au bout d’un moment, le titre sera potable et que l’on pourra au moins profiter de l’aspect construction de royaume, qui a l’air bien foutu s’il n’était pas au milieu de tout le reste.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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