Dans Pâquerette Down the Bunburrows, il faut attraper tous les lapins, car ils sont SI MIGNONS. Formellement, tout ceci prend la forme d'un puzzle game brutal et astucieux qui sera à coup sûr un des meilleurs jeux du genre cette année.
Le collectif artistique Bunstack, originaire de Tourcoing, a un truc avec les lapins. Parce que les lapins, c'est TELLEMENT MIGNON qu'on a envie de tous les capturer et de faire les expériences génétiques les plus folles pour créer le lapinou ultime, non ? C'est du moins ce que pense Pâquerette, l'héroïne éponyme de Pâquerette Down the Bunburrows, à qui je laisse la pleine responsabilité de ses actes. Perdue dans une série de tunnels inextricables pour essayer de coincer un maximum de lagomorphes, elle va devoir compter sur vous, et votre incroyable intelligence capable de battre l'IA à la fois impitoyable et très prévisible de ces sales petites bêtes, pour l'aider à tous les attraper. Quasiment impossible à prendre en défaut, cette folle aventure va cependant cliver par sa difficulté particulièrement relevée, confinant régulièrement à la torture mentale.
Lapin compris
Si 2023 nous a bien appris quelque chose avec le chef-d'œuvre Humanity, c'est que l'épure et la simplicité peuvent totalement servir le propos d'un puzzle game, à condition d'avoir un design particulièrement solide. Pâquerette Down the Bunburrows s'approprie parfaitement cette idée, en nous présentant un tout petit nombre de règles à suivre, et en les déclinant avec une inventivité ahurissante pour nous proposer des centaines de petites énigmes à résoudre.
La base est simple : quand vous avancez d'une case vers lui, le lapin du niveau vous fuit. S'il peut, il ira vers le haut. S'il ne peut pas, il ira à sa gauche. S'il ne peut pas non plus, il essayera de s'éloigner du danger dans une autre direction. Votre objectif est donc d'anticiper les mouvements du lapin en l'emmenant dans un coin du niveau où il se retrouvera échec et mat. Et dès qu'on se demande comment ce concept très basique peut tenir tout au long d'un jeu, Bunstack lâche la bride aux variantes relevant radicalement le niveau de difficulté.
Vous aurez ainsi rapidement à affronter des lapins lâchés dans des environnements apparemment trop grands pour les coincer, et nécessitant l'emploi de pièges ou de cages pour les immobiliser. Puis ce seront des lapins capables de s'enfuir et de se mettre hors de portée dans de minuscules tunnels évidemment trop riquiquis pour Pâquerette. Puis des lapins bien à l'abri derrière des murs infranchissables. Très vite, on se retrouve face à des séries de puzzles tellement bizarres qu'ils semblent définitivement hors de portée d'un esprit rationnel. Heureusement : Pâquerette Down the Bunburrows vous encourage fortement à ne pas l'être.
Sur le bout des lièvres
La structure du jeu s'apparente presque autant à un puzzle game qu'à un jeu d'exploration. Quand vous séchez sur une énigme, il est toujours possible (et parfois obligatoire) de passer à la suivante, les niveaux étant largement connectés entre eux. Et c'est en errant dans des tableaux a priori sans solution que vous allez rapidement réaliser que vous pouvez lentement, mais sûrement commencer à jouer à contourner les règles, façon Baba is You. Un coup de pioche sur le bord de l'écran à la place d'un bloc destructible ? Hop, un passage ouvert qui vous emmène dans une portion de niveau jadis inaccessible. Un lapin trop à l'aise dans un tableau trop ouvert ? Hop, on le fait tomber dans le trou emmenant au niveau suivant, beaucoup plus étriqué. Et ainsi de suite : c'est absolument stupéfiant d'inventivité.
Assez rapidement, par hasard ou parce que vous avez un esprit aussi torturé par la mignonitude des lapins que l'héroïne, vous allez découvrir l'autre mécanique centrale de Pâquerette Down the Bunburrows : la possibilité d'empiler les potilapins quand deux (ou davantage) d'entre eux marchent sur la même case. Et quand ceci arrive, non seulement l'union génère un lapereau (c'est de la biologie, que voulez-vous ?), mais en plus les lapins ne peuvent plus entrer dans ces maudits tunnels. Une nouvelle manière d'attraper des animaux a priori inaccessibles s'ouvre alors, et on surprend vite à faire du billard à douze bandes à base d'empilages multiples de bestioles sur plusieurs étages de différents biomes. On arrive bien vite à réaliser la capture de deux, trois ou huit animaux d'un coup, en ayant l'impression d'avoir un cerveau absolument cosmique.
La quête centrale du jeu se décline ensuite selon divers objectifs : arriver à créer tous les bébés lapins possibles, découvrir tous les (nombreux) niveaux cachés par le game design, et trouver des solutions alternatives à certaines énigmes. Une mécanique permet d'ailleurs de libérer l'ensemble des créatures déjà capturées pour recommencer tout le jeu d'une manière mieux optimisée, en créant de nouveaux couples de lapins, de plus grands empilements, etc. Une idée brillante qui prolonge d'autant la durée de vie du jeu. On aurait cependant aimé la possibilité de ne libérer les proies que de tel ou tel ensemble de niveau, pour ne pas avoir à se refarcir les niveaux tutoriels à chaque nouvelle tentative.
La carotte et le bâton
La proposition de Pâquerette Down the Bunburrows me semble absolument splendide. Ce n'est malgré tout pas un jeu que je recommanderai à tout le monde, tant le pari de Bunstack est d'avoir livré une expérience à la difficulté absolument redoutable. En clair, s'il s'agit là de votre tout premier puzzle game, il y a fort à parier que vous allez très vite baisser les bras. Particulièrement en l'absence de tout système d'indices clairs vous aiguillant sur les énigmes les plus retorses.
Vous allez être contraints de penser continuellement contre la logique même du jeu pour réaliser des séries d'actions parfois extrêmement contre-intuitives, comme ne pas capturer un lapin en particulier pour mieux filer deux niveaux plus loin pour en ramener un deuxième, et faire tomber tout ce beau monde dans un piège pour les empiler avec un troisième animal. Le mur de difficulté entre les premiers tableaux et ceux où il vous faudra réfléchir de cette manière peut être assez brutal. Ce n'est pas forcément un problème, mais c'est en revanche un choix de game design très tranché.
Malgré son emballage tout doux, ses couleurs réconfortantes et son humour absurde délicieux, Pâquerette Down the Bunburrows est là pour vous faire très, très mal au crâne. Sans doute un peu plus encore qu'un Patrick's Parabox dont il n'égale pas tout à fait le génie, mais qu'il dépasse ponctuellement en termes de puzzles tortueux étalés sur plusieurs niveaux. Si c'est votre truc, vous allez passer des heures (probablement des dizaines) dans le trou du lapin. Sinon, ça risque d'être un peu rude.
Pâquerette Down the Bunburrows a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
2023 est une grande année pour le puzzle game, en partie grâce à de petites trouvailles délicieuses comme ce Pâquerette Down the Bunburrows. Un jeu qui pousse les limites de son concept pourtant très simple beaucoup plus loin que ses premières minutes ne le laissent penser. Si le game design et la qualité de vie demeurent perfectibles, Bunstack livre ici un jeu terriblement addictif dont on oublie assez rapidement les petits écueils et les quelques bugs pour admirer un résultat d'excellent augure : le jeu vidéo a encore beaucoup, beaucoup de fractures de méninges à nous apporter. Promis, c'est une bonne nouvelle !
Les + | Les - |
- Le concept aussi simple que formidable | - Courbe de progression très raide |
- Prise en main immédiate | - La mécanique de reboot des lapins pourrait être plus fine |
- Certains puzzles parmi les plus brillants du genre | |
- L'humour absurde fonctionne parfaitement | |
- Contenu caché pléthorique |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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