Tout premier jeu d’une très petite équipe, Paper Perjury est un jeu d’enquête au format point and click qui, s’il n’est pas exempt de défauts, se révèle très efficace et très prometteur pour la suite.
Même moi qui n’ai jamais joué à aucun Ace Attorney, je sais que Paper Perjury s’en inspire (en plus, c'est écrit dans le kit de presse au cas où j'aurais raté l'info). C’est tout ce que je dirai sur le sujet puisque comme je viens de le dire, je n’ai jamais joué à la série (je compte remédier à cet état de fait un jour, mais pas avant d’avoir écrit cette critique). Ceci étant dit, mettez de côté le réalisme, la colorimétrie triste et saturée des séries policières, place au pixel art coloré, aux policiers qui vous feraient presque douter de l’expression ACAB et à une mobilité professionnelle hors pair.
C'était pas sur ma fiche de poste
Justina est embauchée comme secrétaire dans son commissariat de police local. Fille d’artistes, elle se cherche et a surtout besoin d’indépendance financière. À peine entrée dans le commissariat, voilà qu’elle se retrouve embarquée pour aider l’inspecteur à élucider un cambriolage. Pourquoi ? C’est justifié vite fait par une pirouette et après tout, ça nous arrange bien donc on ne va pas s’éterniser là-dessus, même si Justina rappelle tout de même fréquemment qu’elle n’est pas du tout compétente dans le domaine. Et honnêtement, vu son manque de connaissances en droit (et d’expérience de vie en général), je suis extrêmement d’accord avec elle. Bref. Chaque affaire se décompose en deux temps, une phase d’enquête au cours de laquelle on interroge les témoins, on récupère des indices et on corrobore ou contredit les témoignages, et une seconde où l’on amène le suspect au commissariat et on l’interroge. Les affaires sont liées entre elles, ce qui permet de suivre un casting de personnages récurrents hauts en couleur et souvent attachants, d’explorer en filigrane les effets de la gentrification et du capitalisme sur Azure City et d’en apprendre plus sur les protagonistes. C’est très sympathique, plein de bons sentiments, les dialogues sont drôles et ne prennent pas de gants pour aborder frontalement les effets délétères de la gentrification et des pratiques douteuses utilisées par les promoteurs. Chaque personnage, à part peut-être l’héroïne et le chat, a également des parts plus sombres et le coupable n’est pas nécessairement le grand vilain homme d’affaires.
Côté négatif, si le système n’est pas du tout punitif, il permet de recommencer jusqu’à trouver la bonne option, ce qui donne aux personnages un côté hyper patient, comme si tout n’était qu’un exercice de formation aux jeunes recrues de la police. Il manque cependant à Paper Perjury un petit système d’indices dans le jeu qui permettrait d’aiguiller vers la bonne option. Il m’est arrivé à deux ou trois reprises d’être un peu bloquée parce que j’avais compris le déroulé des événements, mais que je n’arrivais pas à trouver la bonne phrase à caser au bon endroit pour avancer. C’est un peu frustrant de devoir essayer toutes les options une par une. On peut aussi noter un sound design un peu crispant à base de musique légèrement trop présente et assommante à la longue, et les blip bloup à chaque fois qu’une ligne s’affiche. Question structure, on se rend compte assez vite qu’à chaque chapitre ça ne va pas être la personne qu’on pense qui est coupable, et on finit par voir les retournements de situation arriver à des kilomètres.
Ceci étant dit, on pardonne vite ces détails dans la mesure où il s’agit d’un premier jeu, d’une toute petite équipe, et qu’ils n’empêchent pas l'ensemble de se tenir et d’être divertissant et agréable.
All Characters Are Bighearted
L’autre jour, en parlant de Mythwrecked, je déplorais un peu le manque de nuance dans les personnages. Ici, il y a de la nuance et le coupable n’est pas forcément le vilain capitaliste (même si le capitalisme est à mon sens le grand méchant du jeu) ou le petit délinquant, c’est monsieur et madame tout-le-monde pour des raisons bassement humaines en général, mais finalement ça revient un peu au même. À vouloir nuancer tous les personnages, on en gomme toutes les aspérités et au final tout le monde est quand même un peu gentil et l’ensemble prend un côté très gentiment donneur de leçons sur l’humanité et l’importance de faire de son mieux et de croire en soi. Heureusement, ce qui aurait pu être pénible à la longue est rattrapé par le côté un peu frénétique des dialogues, la découverte des différentes facettes des personnages et le côté absolument excessif des animations. Chaque personnage a en effet une animation qui exprime la surprise ou l’agacement qui est tout à fait excessive, le monocle qui saute, l’avocate qui frappe son plateau de thé sur la table, etc. J’ai eu un peu l’impression de faire une enquête dans un dessin animé que j’aurais pu regarder enfant, avec ce même aspect outrancier et ce vernis plein de bon sentiment qui cache des réalités assez affreuses, et j’ai bien aimé. Je regrette un peu de n'avoir jamais joué à Ace Attorney, ça m'aurait permis de comparer, mais en fin de compte ça m'a donné encore plus envie de m'y mettre, donc c'est en tout cas une bonne base pour se lancer dans le genre des jeux d'enquête hauts en couleur.
Je ne sais pas si Paper Cat Games compte faire de Paper Perjury le début d’une série, mais on peut sans problème se l’imaginer, avec des personnages attachants dont certains cachent visiblement des secrets et qu’on aurait plaisir à retrouver dans d’autres aventures.
Paper Perjury a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Paper Perjury est un petit jeu d’enquête sympathique, bien ficelé qui assume pleinement son côté excessif et (un peu) outrancier. S’il est un peu sage et gentiment donneur de leçon sur le fond, son côté rigolo et très cartoon permet de passer un bon moment et à s’investir dans la vie des personnages et dans les enquêtes. C’est un premier jeu très prometteur et je suivrai ce que fait Paper Cat Games par la suite, que ce soit pour retrouver Justina et ses p’tits potes ou pour tout à fait autre chose.
Les + | Les - |
- Personnages dynamiques et attachants | - Peut-être un peu trop de bons sentiments |
- Une mécanique d'enquête qui fonctionne très bien | - Une ambiance sonore fatigante |
- Disponible seulement en anglais |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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