« Vous êtes Shift, rédacteur chez TPP. Voilà bientôt un an que vous vous tâtez à vous procurer une Switch, tantôt à cause de Breath of the Wild, tantôt pour Mario Odyssey, ou plus récemment pour Cadence of Hyrule. Et bien entendu, Octopath Traveler. Mais alors que vous craquez – profitant des soldes – pour la console de Nintendo, arrive le même jour dans vos MPs la clé pour le JRPG d’Acquire et Square Enix. Sur Switch ? Non, malheureux. Le portage d’Octopath Traveler sur PC.
Ainsi commence votre voyage… »
Chapitre 1 : Où l’on regrette déjà d’être sur PC
Fébrilement, je lance l’installation du titre tant attendu et, pour patienter le temps du téléchargement, je décide de m’intéresser à la première différence qui m’attire entre les deux versions : les succès Steam. Oui bon, chacun ses vices hein. Grave erreur ! Avant même d’avoir démarré le jeu, belle performance. Car oui, alors, je ne sais pas qui a eu cette brillante idée, mais décrire toutes les péripéties de toutes les histoires dans les descriptions des succès pour un jeu basé en partie sur ses différents scénarios, c’est quand même un peu con.
Octopath finit par se lancer et arrivent de nouveaux constats. D’abord : bon sang que c’est beau. Ensuite : qu’est-ce-que c’est donc que ces contrôles au clavier tous pourris. Enfin : oula, mon ordi n’aime pas du tout, il ventile comme un perdu. Au bout d’une heure (à jouer à la manette, faut pas abuser), la carte graphique finit tout simplement par jeter l’éponge et crasher, allez, débrouille-toi sans moi. Sans grande conviction, je l’installe sur mon ordi portable – fière brique destinée au taf – qui le fait tourner cette fois sans sourciller. Enfin, si on met de côté les baisses de framerate et freezes occasionnels, comme tout bon portage PC qui se respecte. Bon, ça a le mérite de redonner un côté un peu plus portable au titre, j’avais toujours espéré jouer à Octopath Traveler dans mon lit.
Octopath se lance, disais-je donc. Je démarre une partie avec H’aanit la chasseuse, pour le moment tout content devant ce village enneigé mêlant maisons en 3D grâce à l’Unreal Engine et sprites en 2D. D’autant plus content qu’arrive le premier boss, absolument magnifique, tant sur la précision de son pixel art que la qualité et élégance de son animation. Y a pas à dire, ça rend bien. Avec tous les paramètres graphiques à fond (et une carte graphique correcte), le jeu nous envoie un joli 60 FPS (pas toujours constant, espérons qu’il soit patché prochainement, mais ça reste une amélioration par rapport à la version Switch) et une blinde d’effets lumineux du plus bel effet et pour les configs un peu plus modestes (comme mon pc portable), un preset Low bloque le framerate à 30 FPS et limite les effets, lui permettant de tourner somme toute assez correctement.
Chapitre 2 : Et tu tapes, tapes, tapes
Notre chasseuse ne reste pas bien longtemps seule, puisqu’une fois son tutoriel terminé, on nous jette violemment dans le grand bain. Tiens : voilà la carte du monde d’Orsterra, tu peux aller partoooout où tu veux ! La suite de l’histoire se trouve à l’autre bout de la map, mais l’écran de tuto suggère plutôt d’aller rencontrer tous les autres personnages avant. J’entame donc ma tournée de recrutement, découpée pour chaque nouveau personnage en trois phases. Le voyage jusqu’à la ville suivante, ponctué de bastons aléatoires au tour par tour contre la faune (et parfois la flore) locale ; l’arrivée en ville, qui déclenchera l’histoire et des kilomètres de dialogues et scénettes ; puis enfin un donjon, menant évidemment à un boss de fin de niveau. Vous avez là le coeur du jeu, à répéter pour les 4 chapitres des 8 personnages du jeu, ce qui en début de partie peut avoir un côté décourageant, surtout en voyant les niveaux recommandés pour les chapitres suivants (souvent irréalistes d’ailleurs, et pas dans votre intérêt).
La première phase donc, consiste à marcher d’une ville à la suivante (au début du moins, puisque toute ville atteinte une fois est ensuite disponible en voyage rapide) et permet surtout de se frotter au système de combat. Chaque ennemi possède un certain nombre de boucliers, qu’il faudra détruire – afin d’infliger des dégâts plus importants et surtout, étourdir l’adversaire – en exploitant ses faiblesses. À chaque nouveau type d’ennemi découvert, il faudra recommencer le même manège de recherche de faiblesses, forçant ainsi à équilibrer correctement son équipe (de quatre personnages maximum) pour disposer d’un panel suffisamment varié d’attaques. En plus de cet aspect tactique, Octopath Traveler incite fortement le joueur à optimiser ses tours et attaques en refilant des bonus non négligeables à la fin d’un combat particulièrement réussi. Battre tous les monstres sans perdre de vie vous récompensera de feuilles supplémentaires (de la thune !), exploiter les failles des adversaires donnera plus de points d’XP et buter tout le monde en un seul tour vous filera des points de compétence en rab.
À cela s’ajoutent des aptitudes actives et passives, déblocables grâce aux points de compétence (indépendamment du niveau des personnages), en premier lieu uniques à chaque classe de personnage mais pouvant s’étendre au reste de l’équipe grâce à l’apparition des jobs secondaires en milieu/fin de partie. Et heureusement, car le faible nombre de capacités et l’absence d’arbre de compétences aurait rendu cet aspect un peu chiche autrement, la totalité des compétences de base étant atteinte pour la plupart des personnages dès le chapitre 2. Mélangez enfin tout ça avec une jauge d’exaltation qui se remplit tour après tour et booste vos attaques et vous obtenez un système de combat, certes classique, mais franchement solide et varié.
Chapitre 3 : L’histoire sans fond
Là où le titre est un peu moins solide, c’est sur sa deuxième partie, à savoir le scénario. Ou plutôt les scénarios. Je te vois là en train de ronchonner que gnignigni au pluriel c’est scenarii, je m’en tape. Car oui, Octopath Traveler est franchement ambitieux sur ce point, en voulant dépeindre non pas une, mais huit histoires entremêlées, aux tons, enjeux, personnages, lieux et péripéties variés et aux nombreux, très nombreux dialogues. J’ai commencé le jeu avec les textes en anglais et les voix en japonais (très discrètes, on entend quelques phrases une fois de temps en temps, l’essentiel de la narration se passant à l’écrit), mais ai passé le texte en français par la suite et grand bien m’en a pris. L’équipe de traduction s’est visiblement fait très très plaisir et les dialogues sont remplis de formulations croustillantes et expressions parfaitement désuètes, pour mon plus grand bonheur.
L’histoire de la chasseuse, bien que simple, est sympa à découvrir : durant l’absence de son maître parti en voyage, elle défend le village contre les menaces extérieures, mais à l’annonce de sa disparition, elle se met également en route pour le secourir. Les histoires suivantes seront du même calibre en terme de simplicité : rédemption, vengeance, quête initiatique, pèlerinage ; les motivations des personnages sont peu originales mais tiennent la route et suffisent à donner envie de connaître la suite.
Là où ça fonctionne moins bien, c’est sur l’écriture et la mise en scène de l’affaire. On retrouve les mêmes ficelles d’une histoire à l’autre, rêves, flashbacks, loooooongues scènes d’exposition lourdingues (« Mais c’est grâce à vous Monseigneur si j’en suis arrivée là, vous qui m’avez recueillie alors que j’étais orpheline, pauvre et désespérée et m’avez considérée comme votre propre fille ! ») et dialogues poussifs remplis de lieux communs et banalités, donnant à l’ensemble une impression de projet bien trop ambitieux pour les moyens mis en œuvre. Pire, les personnages, censés voyager ensemble, ne communiquent entre eux que rarement durant des scènes optionnelles extrêmement téléphonées.
Petite dissonance également (mais marrante pour le coup) : l’utilisation des compétences des héros une fois arrivés dans les villages. Le chevalier et la chasseuse peuvent défier les passants dans la rue, le voleur peut les détrousser, bref, nos personnages pour la plupart en noble mission, deviennent un gang de brutes dès qu’ils entrent dans le moindre patelin. Et ce n’est pas le système de réputation, réparable facilement en entrant dans la moindre taverne, qui pourra dissuader le joueur d’aller semer la terreur village après village.
Chapitre 4 : Ennui tu n’en finis pas
La deuxième phase de jeu n’était déjà pas bien palpitante, mais on arrive maintenant au vrai problème, celui qui m’a fait détester des heures entières de ma partie, alors que jusque là je passais un moment plutôt plaisant. Car nous nous attaquons maintenant aux donjons et boss. Une fois la séquence narrative de début de chapitre passée, un adversaire de fin de niveau se dessine et il faudra parcourir un très court donjon pour l’atteindre. Par donjon, je veux dire environ deux zones à explorer, ne vous croyez pas dans Persona hein, une quinzaine d’ennemis à éclater et quelque dix coffres à trouver se dresseront entre l’entrée et le combat final.
Allez, avant de vraiment râler, je dois bien reconnaître une chose : les combats de boss en soi sont très bons. Patterns variés, multiples phases, invocation de sbires, règles inhérentes à certains combats ; chaque boss est unique et demande une équipe et stratégie particulière, pour des affrontements extrêmement tendus pouvant durer jusqu’à 30 voire 45 minutes. Et je l’ai déjà dit, mais qu’est-ce qu’ils sont beaux, le premier boss du jeu n’était pas une exception. Chaque antagoniste profite d’un design travaillé et c’est toujours un plaisir de découvrir le prochain.
Ce qui n’est pas, mais alors pas du tout un plaisir, c’est le niveau qu’il faut avoir pour battre lesdits boss. Ces sales raclures sont des sacs à PV, et sans les bonnes capacités, on se retrouve à infliger bien trop peu de dégâts à des ennemis qui tapent vraiment trop fort et qui achèvent généralement tout le groupe d’une attaque de zone au bout de presque une heure à se démener contre eux. Alors oui c’est le jeu ma pauvre Lucette, je sais bien, mais le souci est qu’on se retrouve à farmer et à farmer encore et encore et encore pendant des heures pour atteindre un niveau correct ou débloquer la bonne compétence pour espérer gagner certains combats. Et le nombre de personnages étant de huit et le nombre max dans l’équipe de quatre, l’opération doit être répétée de nombreuses fois si l’on veut finir tous les chapitres.
Alors, fort heureusement, on peut mettre en pause le chapitre d’un personnage et partir faire autre chose si l’on s’est rendu compte que le niveau est actuellement trop élevé pour son équipe. Cela permet au moins d’aller taper des monstres ailleurs que dans le minuscule donjon où l’on se trouve, d’aller changer son équipe, acheter des kilos de potions et d’équipement ou d’aller entamer un autre chapitre plus loin. Mais vous n’y couperez pas. Là où cette séquence, déjà relou, était probablement plus supportable sur Switch grâce à ses courtes sessions de jeu, l’expérience devient exaspérante sur PC, où je me suis retrouvé à tourner en rond pendant des plombes dans les mêmes environnements pour taper deux sangliers et quatre chauves-souris dans l’espoir d’atteindre enfin le niveau escompté. Surtout que la variété des ennemis et zones, pourtant assez conséquente, ne tient pas face à la quantité absurde d’allers-retours à effectuer. Si porter le coup fatal à un boss a pu me faire ressentir une joie et fierté incroyable – sentiments décuplés par la fantastique OST – c’est malheureusement l’ennui stratosphérique des séquences de farm que je retiendrai le plus d’Octopath Traveler.
Octopath Traveler a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Mon voyage prend fin ici. Celui-ci avait particulièrement bien commencé, entre une direction artistique sublime, une bande-son à tomber et un système de combat aussi agréable que solide. Malheureusement, les choses se sont vite gâtées, la faute à des scénarios sans grand intérêt, une narration plate et un rythme lourdement plombé par un équilibrage foireux. Je ne pouvais me résoudre à complètement condamner ce charmant Octopath Traveler, mais il me fallait tout de même avertir de la répétitivité abyssale du titre. Il s’agissait de ma première critique, certainement pas de la dernière. Mais celles-ci seront pour une autre fois…
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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