Tous ceux qui ont fait un tant soit peu de programmation dans leur vie le savent : yeah, sex is cool, mais avez-vous déjà essayé de lancer un bout de code qui fonctionne parfaitement du premier coup ? Même après des années de pratique, cette joie (trop rare) est toujours intacte. Ça tombe bien : dans No Plan B, vous n'avez pas le choix, il faut que le programme fonctionne dès le premier essai. C'est écrit dans le titre : il n'y a pas d'autre option.
Certes, on parle ici d'une forme de programmation très spécifique. Dans No Plan B, on parle le langage de la violence. Votre rôle est de donner des instructions à un groupe d'intervention armé qui s'apprête à prendre d'assaut un bâtiment. Très précises, les instructions, car les membres de l'escouade sont particulièrement peu doués d'initiative – mais à l'inverse extrêmement obéissants, et c'est déjà pas mal.
Drame en deux actes
Il y a donc deux phases distinctes dans No Plan B. La première est celle du jeu proprement dit, où vous donnez les ordres à vos troupes dans un décor d'entraînement. Là, Jean-Claude, tu enfonces la porte, pendant que Josiane te couvre. Réglez bien vos montres, car il faut que vous soyez top synchro avec Gérard, qui entrera à la même seconde par l'autre porte. Au fur et à mesure du briefing, les trajets de Jean-Claude et de Josiane remplissent la carte et forment une toile chamarrée, ponctuée de perles syntaxiques : enfoncer une porte, balancer une grenade, se tourner dans une direction spécifique. En dessous progresse une frise temporelle, sur laquelle il est encore possible de revenir en arrière, changer une trajectoire ou tout effacer. L'ultra-violence d'accord, mais sans stress.
Ça y est, vous êtes prêt ? Vous avez prévu tous les cas de figure, vous avez lancé une répétition générale ? Il va falloir y aller, alors. C'est bien joli de s'entraîner dans un bâtiment vide, on va voir ce que ça vaut avec des tueurs armés dedans. Plus d'hésitation, maintenant : une fois le plan lancé, il n'y a plus rien à faire que de regarder, impuissant, le destin s'accomplir. Voir Jean-Claude s'effondrer au premier virage parce qu'il ne regardait pas du bon côté, Josiane couvrir tranquillement son cadavre un petit moment puis avancer comme si son camarade décédé avait nettoyé la pièce. Un à un, toute l'escouade tombe comme un jeu de dominos. On s'amuse alors à revoir l'action en boucle sous toutes les coutures – le jeu incite même à construire un replay à la façon d'un réalisateur, en passant de plan en plan.
L'échec n'est pas une option
En mode escarmouche, tout cela n'est pas bien grave. On remet son ouvrage sur le métier, on adapte, on surmonte, on ré-explique à Jean-Claude de quel côté regarder, et ça finit par passer. Ces niveaux-là ont des allures de puzzles dont il faut trouver le meilleur cheminement pour obtenir une bonne note, en minimisant le temps et les blessures. Mais le cœur du jeu est le mode campagne, qui aligne plusieurs missions d'affilée. Les cartes sont produites de façon procédurale – quitte à être un peu absurdes parfois, mais c'est plus amusant que dérangeant –, et l'échec d'une mission sonne généralement l'annulation de toute la section de campagne. Tout comme une victoire à la Pyrrhus, d'ailleurs : si vous avez atteint votre objectif mais perdu ou blessé gravement la moitié de l'équipe, l'opération suivante risque d'être compliquée.
Voilà pour le bâton. Du côté de la carotte, la campagne débloque les nouveaux armements, nouveaux personnages ou modes de jeu, ce qui incite à y retourner encore et encore. Il est évidemment frustrant de perdre toute la progression de la campagne sur les derniers instants de la dernière mission, parce que le type qu'on devait escorter se fait abattre à quelques mètres du point d'extraction. Oui, ça m'est arrivé, et oui, c'était douloureux. Pour autant, le concept est assez prenant. D'abord parce que les bouts de campagne ne sont pas si longs : No Plan B s'apparente en fait à une sorte de roguelite, où l'on risque à tout instant de repartir au début. Terminer une série de missions (le jeu en propose 5 par type d'équipe, nous y reviendrons) est d'autant plus gratifiant.
Seul vrai reproche dans ce système : finir une mission attribue des récompenses (un nouveau fusil, un bouclier) dont on peut s'équiper pour les opérations suivantes. Mais si la campagne est un échec, ces récompenses sont annulées. Voyons, No Plan B, tu touches là à une règle d'or : looter c'est looter, reprendre c'est voler.
J'ai glissé, chef
Tant qu'on est dans les récriminations : je dois dire que j'ai beaucoup pesté en traçant mes plans, surtout au début. Reconnaissons qu'il n'est pas évident de fournir une interface fonctionnelle dans 3 dimensions, dont une temporelle. Pratiquement tout se fait à la souris, ce qui implique que chaque bouton est lié à 3 ou 4 options différentes. Le bouton droit sert par exemple à interagir avec une porte, un personnage, tourner la carte, définir un angle de visée, ce qui démultiplie les chances de se tromper. Certes, on a tout le temps qu'on veut pour corriger les erreurs de syntaxe, et on finit par s'y faire, mais je continue à me faire avoir régulièrement.
Ce laxisme déclenche un autre questionnement : qu'apporte finalement No Plan B au genre ? Dit autrement : dix ans après Door Kickers (qui passe régulièrement sous les 3€ en soldes), y a-t-il vraiment un intérêt à passer à celui-ci ? On pourrait compter les points : No Plan B construit à la volée des niveaux aléatoires bien carrés en low poly, Door Kickers repose sur de jolis environnements travaillés à la main. Le premier mise sur son système de campagne, le deuxième n'a que des escarmouches mais permet également de reprendre la main pendant l'action, voire tout jouer en temps réel, ou pas du tout. À ce petit jeu, No Plan B ne sort pas franchement gagnant, plombé par une interface perfectible et des cartes qui se ressemblent toutes un peu — revers de la création procédurale.
Mais c'est un faux procès. En réalité, No Plan B ne vise pas la Lune et ne cherche pas à remplacer Door Kickers 2 (qui s'est, lui, un peu perdu dans les limbes de l'early access). Plus léger, moins sérieux que son aîné, il limite volontairement la grammaire ludique et la taille de ses niveaux. On s'amuse à tester d'autres équipes : à côté des traditionnels SWAT, on peut diriger le FBI… ou passer du côté des gangsters. Au lieu d'escorter un otage vers la liberté, on guide à présent une mule chargée de billets qui sort de la banque : un changement surtout cosmétique, mais avouons-le, assez amusant.
À la longue, No Plan B manque un peu de choix tactiques, mais c'est là une problématique générale au genre. Une fois qu'on a compris comment se placer et le rythme à prendre, le principe est un peu tout le temps le même, malgré les variations dans les opérations. Ce n'est pas forcément un souci : s'il ne se prête pas à de longues sessions, No Plan B remplit tout à fait la case du petit jeu pas très difficile à maîtriser et qu'on lance de temps à autre. Une petite dose de violence, confortablement assis dans son fauteuil de programmeur.
No Plan B a été testé sur PC via une clef fournie par l'éditeur.
Simple, relativement dépouillé, No Plan B a un petit air de chute de dominos : une mise en place longue, parfois un peu fastidieuse, pour une résolution jouissive de quelques secondes. Ne laissons pas quelques défauts de jeunesse gâcher notre plaisir : la joie de voir son plan s'exécuter sans accrocs n'a pas de prix.
Les + | Les - |
- La joie du plan qui fonctionne | - Rendez-moi mon loot ! |
- Des parties courtes et intenses | - Schéma assez répétitif |
- Variation des équipes | - Génération procédurale des niveaux trop limitée |
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