Le petit studio sud-africain Silvernode Games livre avec Nine Noir Lives son tout premier jeu, sous forme d'un point & click volontairement archi classique mettant en scène une enquête loufoque dans un monde de chats anthropomorphes.
Comme dans tout bon polar, il faut toujours se méfier des apparences. Nine Noir Lives se présente comme un jeu plutôt bouffon, dont la description, quasiment écrite en patépoulé, donne l'impression qu'on va se confronter à un exercice assez puéril, voire carrément insupportable. Or, il n'en est (heureusement) rien, puisque Nine Noir Lives prend avant tout le pari d'installer un univers convenu, mais efficace au service du jeu d'aventure le plus classique possible. Ce qui est tout sauf négatif : la recette du bon vieux pixel hunting et de la combinaison d'objets pour résoudre des énigmes alambiquées a toujours ses fans, dont votre serviteur. On aurait cependant aimé un jeu un peu plus malin et un peu moins buggé.
J'ai plus d'un matou dans ma manche
Désolé de vous l'apprendre, mais bienvenue à Meow Meow Furrington (sic) « capitale des chats, des cartels et du crime ». Vous y incarnez Cuddles Nutterbutter (sic), jeune détective pas tout à fait débutant, pas tout à fait installé non plus. Plutôt habitué aux petits contrats sans intérêt et vivotant dans un bureau mal rangé, avec pour principal contact sa gentille secrétaire et la réceptionniste acariâtre du poste de police local, Cuddles se fait un beau jour convoquer par un commissaire pour lequel il a l'habitude d'effectuer un peu de sous-traitance sur des tâches sans importance. Ce dernier lui confie une enquête majeure sur laquelle lui-même se retrouve pieds et mains liés à cause d'enjeux politiques complexes. Le fils du plus gros mafieux local vient en effet d'être assassiné et la diva du club préféré des criminels de la ville est portée disparue : tout ceci pourrait être le début d'une flambée de violence entre les redoutées familles Montameeuw et Catulet (sic, et gros soupir). La police redoutant une explosion et un cycle de revanche, elle vous demande de faire toute la lumière sur ce meurtre en toute discrétion.
Assez vite, Nine Noir Lives va osciller, sans jamais très bien trouver un ton qui lui soit propre, entre polar noir avec un fond relativement sordide et farce bouffonne rappelant les heures les plus glorieuses des jeux d'aventure des années 90. Le personnage de Cuddles est plutôt attachant avec son obsession de lécher absolument tous les objets qu'il croise, mais on a parfois un peu de mal à trouver sa place entre une trame principale qui reste relativement grave et cohérente et tout ce qui gravite autour et qui implique des NPC farfelus (boulanger pirate, robot dépressif, paranoïaque obsédé par les cubes…). Un petit manque d'équilibrage scénaristique qui n'est pas bien grave : on avance avec plaisir dans Nine Noir Lives tant le mystère au cœur du jeu est plus intéressant qu'il n'en a l'air au premier abord. Mais on est, hélas, un peu trop distrait par des pitreries qui, souvent, traînent en longueur.
Le principal problème de ces moments de comédie, c'est qu'ils sentent, disons, le premier jeu. Dialogues un peu trop longs qui manquent de poigne et ne vont jamais au but, gags qui peinent à aboutir, accumulation de petites blagues dans des énigmes un peu trop longues pour leur propre bien, etc. Nine Noir Lives est souvent drôle, mais c'est un humour encore un peu jeune et maladroit qui aurait mérité un poil de réécriture et, parfois, de sobriété. On louera quand même quelques moments franchement réussis, particulièrement dans les moments (heureusement rares et donc précieux) où les personnages se souviennent qu'ils sont des chats et se mettent à agir en fonction. Le côté « animaux anthropomorphes » de Nine Noir Lives reste discret, mais amusant, avec quelques jeux de mots bien sentis et quelques éléments de décor qui font sourire sans jamais devenir lourdingues.
Point & Lick
On aura les mêmes petites réserves sur la partie purrr-ement puzzle de Nine Noir Lives : comme je l'ai déjà mentionné, Silvernode a choisi d'appliquer ici la formule la plus classique possible. La plupart des énigmes ont grosso modo la même structure : un NPC (ou une porte fermée) va refuser de vous laisser accéder à un lieu ou à une information et il faut arriver à démêler la situation en fouillant dans les décors pour trouver des objets. Puis les combiner entre eux pour faire d'autres objets. Puis résoudre l'énigme. Ce classicisme fonctionne plutôt bien, car les puzzles sont, dans l'ensemble, d'assez bonne tenue. Il m'est arrivé de buter plusieurs fois sur un problème un peu complexe sans jamais avoir l'impression que le jeu devenait incohérent ou frustrant. Nine Noir Lives a en effet la bonne idée de maintenir un nombre de lieux et d'objets restreint et de davantage miser sur votre capacité de déduction que sur un inventaire pléthorique et loufoque.
Mieux encore, le gameplay intègre un système de carnet de notes assez bienvenu pour résumer l'avancée de toutes les énigmes en cours et pour vous permettre d'organiser l'évolution de votre enquête. On appréciera particulièrement la possibilité d'activer ou de désactiver à la volée un « mode histoire », un niveau de difficulté plus simple vous donnant des indices sur la marche à suivre. On ne peut pas complètement désactiver une énigme, mais on peut par exemple récupérer ainsi l'indication de l'emplacement d'un objet qui nous manque ou avoir une partie de la marche à suivre et déduire ainsi facilement le reste. Avec ce mode, le jeu devient accessible à ceux qui souhaitent avant tout profiter de l'intrigue sans faire de frustrante chasse au pixel.
Néanmoins, on remarquera aussi que la partie puzzle de Nine Noir Lives n'est pas sans défaut : outre quelques énigmes franchement bizarres (mais disons que c'est une convention du genre), on se retrouve un peu trop souvent à devoir faire des allers-retours pas passionnants entre les différents tableaux parce qu'il nous manque tel ou tel truc d'un pixel de large caché au fond d'un tiroir semi-invisible. Plus irritants encore, les nombreux bugs qui demeurent au moment de la sortie du jeu qui vont parfois vous faire perdre de précieuses minutes, voire vous pousser à recharger une sauvegarde précédente. J'en ai eu plusieurs : freeze pendant une phase d'assemblage de rouages, impossibilité de cliquer sur les dialogues et même un bon vieux retour Windows avec sauvegarde corrompue à la clé. Un problème pas forcément irrémédiable (et qui sera sans doute corrigé), mais qu'il faut tout de même signaler, une petite partie du fun étant tout de même affectée par le fait de devoir recharger de vieilles sauvegardes pour refaire exactement les mêmes trucs trois fois de suite.
Nine Noir Lives a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Nine Noir Lives est un jeu dont on devine à chaque instant les bonnes intentions : moderniser le propos des point & click à l'ancienne en faisant le pari de ne pas du tout moderniser le gameplay. Dans l'ensemble, ça fonctionne. L'univers est attachant, les rebondissements sont convenus, mais bien amenés, et le système d'énigmes à deux niveaux de difficulté est chouette comme tout. Mais c'est aussi un jeu qui témoigne de plusieurs défauts de jeunesse, avec un humour pas toujours très bien équilibré, quelques puzzles un peu longuets et quelques bugs frustrants. Ce premier jeu du studio Silvernode est cependant très prometteur et on a très, très hâte de voir ce que cette équipe pourra proposer suite aux retours de cette première tentative.
Les + | Les - |
- Univers attachant | - Quelques moments un peu laborieux |
- Le système de carnet de notes | - Plusieurs bugs frustrants |
- Humour qui fonctionne dans l'ensemble | - Graphiquement inégal |
- Quelques belles surprises dans le scénario | - Le classicisme absolu du gameplay pourra lasser |
- Pas de version française |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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