Nantucket a mis un peu de temps à se développer (le premier « devblog » date de fin 2014) mais rien d’étonnant puisque Picaresque, le studio italien à son origine, se compose de trois personnes. Le jeu, enfin disponible sur GoG et autres plateformes, nous permet de vivre la suite des aventures après « Moby Dick », le fameux livre d’Herman Melville se déroulant au XIXème siècle, avec un but simple : arriver à se construire un équipage digne de ce nom pour retrouver le cachalot blanc et enfin mettre fin à son règne de terreur.
Pour ceux qui n’ont pas lu « Moby Dick », spoiler alert, tout le monde meurt à la fin sauf un homme, Ishmaël, le narrateur de l’histoire. Le récit du titre se déroule donc quelques années après la fin du livre, quand le fameux Ishmaël prend la tête d’un baleinier afin d’accomplir la vengeance d’Achab, son ancien capitaine : tuer Moby Dick. Comme dans le livre, on part du petit port de Nantucket afin d’aller explorer le monde à la recherche de baleines à massacrer pour l’argent et d’indices sur le cachalot. A noter, car c’est important, que Picaresque n’encourage pas du tout la chasse illégale à la baleine et redirige vers un site expliquant les méfaits de celle-ci.
Un long voyage
Pour ceux qui ont joué à Sunless Sea, le principe est un peu similaire : il s’agit de faire des quêtes pour gagner de l’argent, qui vous permet d’acheter des denrées afin de faire survivre votre équipage pendant vos explorations. Bon, le côté Lovecraftien en moins bien sûr et sans les touches directionnelles, votre vaisseau se déplaçant d’un simple clic sur la carte du monde. Avec également une autre différence : la mort d’Ishmaël signifie la fin de votre aventure, le capitaine ne se remplace pas aussi facilement que ses compagnons de voyage. Nantucket n’est pas facile à prendre en main, la faute à un tutoriel trompeur qui vous fait acheter quantité de provisions, ce qui ne vous conduira qu’à la ruine si vous imitez cette façon de faire par la suite. Il s’agit de trouver le bon équilibre par rapport à votre temps de voyage, le nombre de compagnons et le fait que des mésaventures peuvent arriver, ce qui peut conduire à la perte de précieuses denrées.
Une fois que vous avez assimilé ça, vous voilà parti à l’aventure. Et je vous préviens, ça va être long. Très long. Votre bateau est lent car votre marin du début est un peu nul et le vent, capricieux. Gardez votre smartphone à côté, il vous sera bien utile pour vous distraire entre deux voyages interminables. L’avantage, c’est que vous vous sentez tout de suite dans l’ambiance : après tout, c’est long de se déplacer en bateau, surtout à l’époque et ça finit par s’arranger par la suite, au fur et à mesure des améliorations apportées à votre moyen de transport et à votre équipage. Quelques événements permettent d’apporter un peu de rythme à tout ça ainsi que des chansons de marins, bien trop rares malheureusement.
Très long voyage
Les premières heures du jeu seront passées à accumuler des richesses en chassant des baleines et en faisant des quêtes, pour par exemple retrouver un bateau qui n’est pas arrivé à bon port ou transporter des marchandises d’une ville à l’autre. Tout cela vous fera également gagner en niveau et en prestige. Les niveaux permettent de choisir des améliorations pour votre capitaine et votre équipage et le prestige permet de recruter des gens un peu plus expérimentés. Mais attention, virer quelqu’un pour en prendre un autre vous fait perdre du prestige parce que c’est pas très sympa et pas très digne d’un bon capitaine. Je vous conseille plutôt la technique du « oups bah alors t’es mort face à une baleine, oh bah c’est balot ça, tant pis je vais aller recruter un niveau 10 pour te remplacer maintenant, pas le choix hein ».
D’ailleurs, le combat est aussi long que le reste. Et bien plus insupportable. Le principe est simple : du tour par tour et des jets de dés qui permettent de déterminer quelle capacité sera ou pas utilisée, selon les compétences des membres de votre équipage : les scientifiques permettent de healer, les harponneurs bah harponnent, les marins permettent de naviguer afin d’éviter les attaques etc. Pour mon plus grand désespoir, aucune option de combat rapide n’est disponible alors attendez-vous à avoir droit à chaque fois aux mêmes animations pas très recherchées de cartes qui clignotent. Quand vous êtes spécialiste comme moi de la technique dite de « je recharge ma sauvegarde parce que je voulais pas que mon capitaine meure », ça devient rapidement un calvaire.
Un hommage
On voit que ce titre a été fait avec amour. Amour du jeu déjà mais surtout, amour pour l’oeuvre d’Herman Melville, qui donne son nom à votre tout premier bateau. Pour les connaisseurs de « Moby Dick », plusieurs clins d’oeil sont faits, comme le nom des marins à embaucher et des bateaux à sauver. On retrouve le côté religieux et superstitions dans la quête principale du jeu, où Ishmaël maudit sans arrêt son ancien capitaine pour l’avoir ensorcelé avec cette histoire de vengeance qui ne lui permet pas de connaître le repos et qui a conduit tous ses anciens camarades à leur perte. Malgré une certaine simplicité et une direction artistique tout en douceur, il se dégage quelque chose de sombre des cinématiques dessinées et des actions d’Ishmaël, condamné à verser le sang sans répit juste pour arriver à son but final, quitte à se consumer de l’intérieur.
Mais même si vous ne connaissez pas l’oeuvre de base, le fait de pouvoir améliorer ses marins et de les voir « grandir » grâce au système des niveaux crée malgré tout un attachement à ces personnages. Quelle ne fut pas mon horreur lorsque, pensant rendre service à l’un de mes hommes, je fis un détour par chez lui, tout ça pour qu’il finisse dans une mare de sang, tué par l’amant de sa femme. Avoir vos hommes louer vos compétences de capitaine, prendre exemple sur vous pour corriger leurs défauts, tout ça fait de Nantucket une expérience bizarrement satisfaisante pour le joueur. D’autres apprécieront les nouvelles apportées par le journal, qui permettent de donner un peu plus de contexte autour des endroits que vous êtes amené à visiter lors de votre périple.
Encore une fois, j’ai pu paraître un peu négative mais en vérité, j’ai beaucoup aimé Nantucket. En partie parce que j’ai toujours besoin d’au moins un jeu un peu lent et tranquille pour m’occuper en écoutant un podcast/regardant une série et le rythme du titre est parfait pour ça. Ce n’est pas le jeu de gestion et de stratégie du siècle, il n’apporte rien de nouveau, sa seule originalité résidant dans son contexte. Mais il est beau, agréable bien qu’un peu court et malgré ses petits défauts, j’étais fort triste d’arriver à la fin. Si vous voulez un jeu d’action ou sur lequel vous pouvez rester concentré sans rien faire d’autre pendant des heures, Nantucket n’est pas fait pour vous. L’hommage à « Moby Dick » est assez subtil pour ne pas rebuter ceux qui n’apprécient pas l’oeuvre, comme moi. Si vous l’aimez, foncez, je pense que vous serez ravi des petites références éparpillées ici et là.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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