Développé par Pirita Studio, composé de Beatriz Gascón au scénario, game design, art, animation et marketing et de Juan Pablo González à la programmation, au son et en tant que concept artiste, et édité par Application Systems Heidelberg, Mutropolis est un point’n click surprenant et agréable, malgré des défauts agaçants.
Malgré leur concept qui ne pourrait que me plaire en théorie, je ne suis pas une grande amatrice de point’n click et ce pour une raison simple : je n’ai pas grandi avec, je n’ai donc pas acquis la logique tordue qui va souvent de pair avec ce style de jeu et j’ai un ego beaucoup trop gros pour accepter d’avoir besoin d’un guide pour finir. Malheureusement pour moi, il m’a fallu ravaler ma fierté car Mutropolis l’a piétinée sans aucun état d’âme.
Une narration agréable qui manque d’équilibre
Nous sommes l’an 5000 et la Terre a été abandonnée il y a maintenant presque 3000 ans suite à un cataclysme qui a forcé les survivants à trouver refuge sur Mars. Mais il est temps pour les scientifiques et les archéologues de retourner sur la planète de leurs origines afin d’étudier ce qui n’a pas été totalement détruit et d’essayer de comprendre la vie de leurs ancêtres. Parmi eux, un petit groupe d’archéologues recherche désespérément la légendaire cité de Mutropolis dont l’existence n’est pas attestée mais à laquelle croit dur comme fer leur chef, Totel. Alors qu’ils trouvent enfin un indice à propos de Mutropolis, Totel se fait enlever par une silhouette mystérieuse et il revient aux archéologues de le retrouver, la police ayant totalement renoncé à être d’une quelconque utilité, sommes-nous surpris ? Dirigés maintenant par Henry Dijon, notre Indiana Jones du futur qui aurait troqué son fouet pour une truelle (et qui est régulièrement moqué pour, la truelle étant un outil archaïque dans le futur), notre petit groupe doit trouver un moyen de retourner sur Terre pour continuer leur enquête, autant pour retrouver Totel que pour peut-être enfin percer le secret de Mutropolis.
Ce qui se remarque dès les premiers instants de Mutropolis, c’est la finesse de l’écriture. Avec un tel scénario, où des archéologues du futur se retrouvent à analyser notre époque, les références répétées à notre pop culture auraient pu vite prendre le pas sur tout le reste et devenir excessives, une erreur qui reste monnaie courante. Cependant, Pirita Studio a choisi une voie plus subtile pour les introduire, majoritairement au détour d’éléments de décors et d’interactions optionnelles et, quand ce n’est pas le cas, les personnages se contentent d’une ligne pour dérouler leur blague. On se surprend à donc plutôt sourire de façon attendrie à ces références connues là où l’exaspération aurait pu vite prendre le pas. Mais surtout, l’humour général du titre dépasse largement ce cadre facile et se révèle dans les interactions entre les personnages, les situations dans lesquelles ils se trouvent et des gags visuels, profitant de toute la panoplie de ce que le jeu vidéo a à offrir. Une retenue appréciable là où d’autres seraient vite tombés dans la facilité. Sans vouloir trop en dire, Mutropolis a une proposition intéressante, mélangeant des archéologues qui s’intéressent aux dernières années de la Terre, les nôtres donc, et des mystères de l’Egypte antique, loin de passionner nos personnages qui sont totalement ignorants en la matière, que la culture populaire a tendance à associer avec nos archéologues modernes. Une proposition qui risquera de diviser cependant, le titre tirant carrément vers le fantastique avec une fin burlesque, mais que j’ai trouvé personnellement assez plaisante.
Malheureusement, malgré toute la qualité de l’écriture, l’aventure souffre d’un gros problème de rythme. Celle-ci est découpée en trois actes, le premier étant très court puisqu’il s’agit de l’intro/tutoriel où l’on assiste à l’enlèvement de Totel, le deuxième se concentre sur la préparation de l’expédition pour retourner sur Terre et le troisième est l’expédition en elle-même et la fin de l’histoire. Normalement vous voyez déjà le problème : une préparation n’est pas censée prendre autant de temps ou être mise au même niveau qu’une expédition complète où le but est de résoudre deux mystères dont l’un concerne carrément l’existence d’une ville légendaire. Non pas que l’acte 2 ne fasse pas avancer l’histoire : il possède son lot de révélations et de retournements de situation essentiels à la suite mais tout est un peu terni par le fait que l’objectif principal est globalement de réunir un kit de survie et trouver un vaisseau pour aller sur Terre, qui n’est pas un voyage particulièrement difficile puisque nos archéologues en reviennent tout juste. Un gros problème de construction de l’histoire donc, qui ne gâche pas spécialement le plaisir mais laisse tout de même assez perplexe quand on se rend compte que les péripéties et la résolution s’enchainent très rapidement dans un seul acte après avoir passé l’acte précédent à arpenter une université.
Un gameplay trop classique
Mais dans un point’n click il n’y a pas que l’histoire, il y a également le gameplay et ici, on reste sur du classique, dans la pure tradition du genre : trouver des objets dans différents tableaux, les mettre dans notre sac à dos qui contient en plus plusieurs objets présents de façon permanente comme par exemple la fameuse truelle, les combiner entre eux pour en créer un nouveau, essayer de les faire agir sur l’environnement ou sur des personnages pour débloquer de nouvelles possibilités… Du classique donc, mais qui souffre du même défaut que tous les jeux qui se content de reproduire ce qui a déjà été fait : si les qualités sont présentes, par exemple le fait que c’est un gameplay familier qui permettra à la plupart des joueurs de s’y retrouver immédiatement, les défauts aussi.
Comme souligné précédemment, les point’n click ont une tendance à être d’une difficulté absurde, créée par une logique souvent discutable dans la résolution des puzzles. Mutropolis ne fait pas exception à la règle : quelques fois il suffira de se creuser un peu les méninges, grâce à des indications dans les phrases prononcées par Henry lors d’interactions avec l’environnement, pour trouver la solution plus ou moins rapidement mais souvent, il s’agira de chance après avoir essayé des combinaisons et interactions farfelues. Sans oublier une volonté manifeste de la part des développeurs de rendre les objets sur lesquels on peut agir très discrets dans le décor du jeu, certains se trouvant parfois au bord de l’écran et pouvant être manqués sans mal, d’autres se fondant tellement bien dans le reste qu’on peut ne pas se rendre compte qu’ils sont récupérables, créant une certaine frustration lorsque l’on se rend compte qu’on a été bloqué pendant de longues minutes uniquement à cause de ça.
Personnellement, c’est toujours ce qui m’a repoussée dans les point’n click. Ce choix d’énigmes nébuleuses, peut-être pour donner l’impression au joueur qu’il en a pour son argent en augmentant le temps de jeu ou lui procurer ce sentiment de joie et de fierté que l’on éprouve lorsque l’on finit une épreuve qui paraissait insurmontable, est incompréhensible pour moi. Il n’y a rien de pire qu’une de vos connaissances qui vous recommande un point’n click et qui doit rajouter juste après : « Par contre, ça se fait avec un guide sur les genoux ». Je ne veux pas finir un jeu avec un guide, je veux y jouer et avoir au moins une petite chance de réussir avant d’utiliser éventuellement une aide si je suis bloquée. Mais la plupart des point’n click ôtent ce choix au joueur, d’autant plus dans le cas de Mutropolis où aucun système d’indices en jeu n’a été implanté. Alors me voici devenir tout ce que je déteste : « Mutropolis ? Oh oui je recommande, par contre, garde un guide dans un coin, tu en auras sûrement besoin. ».
Mutropolis a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Mutropolis est un point’n click réussi, avec une direction artistique très sympathique, des dialogues agréables et une histoire surprenante. Même la construction bancale de son arc narratif et les défauts inhérents au genre n’auront pas réussi à me faire penser le contraire. Il faut cependant être conscient que ces défauts sont présents et j’espère que Pirita Studio s’autorisera à sortir des sentiers battus s’ils se relancent un jour dans la création d’un point’n click. A faire absolument si l’utilisation d’un guide et un peu de fantasy dans votre science-fiction ne vous défrisent pas.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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