Court jeu d'aventure au ton mélancolique, Mondealy prend la forme d'une fable étrange confrontant un monde souterrain en crise à l'arrivée d'un jeune chômeur nonchalant.
Un jeu développé en quasi solo par un·e inconnue·e avait toutes les chances de passer sous le radar de la torpeur estivale. Mais uglycoal, dont Mondealy est la première réalisation, a su faire monter la sauce avec une démo publiée il y a deux ans qui avait plutôt impressionné. On avait notamment retenu de Mondealy : Day One un pixel art très fin, une tonalité singulière et un sens de la mise en scène discret mais solide. Le bilan à l'heure de la sortie du titre dans sa version complète : si l'interactivité est finalement très limitée là-dedans, on ne peut que saluer un propos qui parvient à trouver une pertinence et une identité malgré le poids écrasant de ses modèles revendiqués (Undertale, Oneshot et Stardew Valley).
Éclaté au sous-sol
Mondealy se distingue de ses modèles en ce que contrairement à ces derniers, il n'a pas à proprement parler de gameplay très saillant, voire pas de gameplay du tout. Certes, on promène le protagoniste à droite et à gauche, on peut explorer un peu et ramasser quelques babioles pour remplir son inventaire. Mais pour l'essentiel, il s'agit avant tout ici d'un visual novel maquillé en jeu d'aventure. L'immense majorité de votre séjour dans le monde souterrain sera consacrée à lire, et à regarder une histoire se dérouler sous vos yeux pendant environ 5 heures.
Une histoire qui met donc en scène un certain Michael, sympathique loser qui vient (ENCORE) de perdre son job. Il coule des jours tranquilles dans une petite ville avec son amie Dary, à peine inquiété par le fait que le patelin soit régulièrement confronté à de légers phénomènes surnaturels. Un beau jour, alors qu'il glande dans une tour abandonnée dans le sous-bois près de chez lui, Michael passe au travers du plancher, et se retrouve bien vite propulsé à Mondealy, un royaume souterrain situé pile sous son pâté de maisons. Bien entendu, Mondealy est peuplé de sympathiques monstres-animaux anthropomorphes, et, bien entendu, l'arrivée de Michael va bouleverser la vie de ce petit monde.
Un humain taciturne qui tombe dans le royaume souterrain des monstres, se retrouve confronté à ses habitants (et à sa famille royale) et finira à coups de bienveillance par résoudre les problèmes du coin ? Oui. Il est heureux que Mondealy revendique explicitement l'influence du Undertale de Toby Fox tant les deux premières heures de jeu semblent davantage verser dans la fanfiction que dans l'hommage. Certaines scènes paraissent tout simplement décalquées d'Undertale, les musiques évoquent largement celles de leur modèle, on se demande un peu si tout ceci a la moindre chance d'acquérir la moindre identité propre. Par bonheur, ça s'arrange assez vite.
Même si tu as des problèmes, tu sais que je t'aime, ça t'aidera
Il faut dire que passé ce démarrage très "copier/coller", Mondealy commence à essayer de raconter sa propre histoire, et que cette histoire est, à bien des égards, assez touchante. Rapidement adopté par la jeune princesse locale, Riley, Michael se retrouve à devoir parcourir les différents districts de Mondealy pour résoudre l'énigme de la disparition d'un ancien employé du château. Au fil des chapitres, Michael va rencontrer les habitants du coin, comprendre l'histoire du royaume, et vivre pas mal d'aventures aussi étranges que... Bizarrement chill.
Le fond de Mondealy est parfois assez triste. Il y est notamment question de maladie, et de la manière dont une collectivité a vu ses rapports se tendre puis se dégrader. Mais il s'agit en pratique d'un jeu qui est à l'image de son protagoniste mollasson : plutôt détendu. On se promène, on trimballe des caisses en causant à des fermiers, on ramasse des champignons, on fait la sieste sur les genoux d'un cerf humanoïde à l'ombre d'un arbre... On peut même passer un peu de temps à regarder un marsupilami préparer des cocktails. Oui, oui. Pas vraiment de sentiment de panique ou d'urgence ici, on est avant tout à Mondealy pour résoudre des problèmes en discutant, en se promenant et en buvant des coups.
Mondealy trouve aussi son identité propre dans sa manière très douce de mettre en scène les relations humaines entre les différents personnages, souvent abîmés émotionnellement. Il s'agit d'un jeu mettant assez largement en scène l'importance des gestes d'affection : faire un câlin à quelqu'un en train de craquer, ne pas courir quand la personne qui vous accompagne est épuisée, passer du temps avec une personne timide qui a besoin de temps pour s'ouvrir. Si ce n'est pas la thématique centrale de l'aventure, l'expression des émotions et de l'amour en situation de frustration ou d'introversion est parfaitement retranscrite. Parfois un peu naïvement, certes, mais un peu de candeur n'a jamais fait de mal.
Voyage sans retour
S'il fallait objecter quelque chose à ce tableau assez idyllique (en plus d'être doux et bien écrit, Mondealy se paye le luxe d'être vraiment superbe), il faudrait tout de même souligner qu'il peine un peu à assumer sa nature de jeu purement narratif. Un jeu narratif dont la rejouabilité n'est pas très élevée, qui plus est, nos quelques choix n'ayant qu'une importance très marginale.
Vous lâchant régulièrement la bride pour vous laisser vous promener, comme s'il avait peur que vous ne le considériez pas comme un "vrai jeu", Mondealy ne vous offre hélas quasiment rien à faire de bien intéressant. Dès qu'on s'écarte de l'aventure principale, on tombe sur quelques quêtes annexes assez rachitiques, des bidules à collectionner, et un village à explorer dont on fait finalement assez vite le tour. Les quelques microscopiques énigmes à résoudre ici ou là ne font que rallonger l'aventure de quelques minutes et sont aussitôt oubliées.
Ces séquences de promenade ne sont pas désagréables, mais elles ralentissent pas mal le rythme d'un récit déjà assez tranquille, et ce sans offrir grand-chose en termes de lore ni d'easter eggs particulièrement intéressants. Vous l'aurez de toute façon sans doute déjà saisi : Mondealy ne s'adresse à vous que si vous aimez particulièrement les récits lents, posés, non-violents et centrés sur le care. Si vous avez besoin qu'un jeu d'aventure soit possédé par la frénésie d'un Danganronpa pour capter votre attention, vous risquez fort de beaucoup, beaucoup vous ennuyer.
Mondealy a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch
S'il fallait retenir quelque chose de Mondealy, je dirais que c'est sa grande sensibilité. Peu original sur le fond comme sur la forme, le récit proposé par uglycoal fait cependant parfaitement mouche dans sa manière de mettre en scène un casting resserré mais extrêmement attachant. J'en retiendrai surtout son illustration touchante du soutien et de l'affection entre des personnages situés pile à un carrefour de leur vie. Alors oui, la dépression, le soin, le passage à l'âge adulte, la gestion du deuil, ce sont des thématiques vues et revues de ce genre de jeu indépendant. Mais dans le cas de Mondealy, elles sont abordées avec une justesse et une bienveillance qui me resteront longtemps en mémoire. Et peut-être qu'il ne faut rien de plus, au fond, pour faire un bon jeu vidéo.
Les + | Les - |
- Pixel art splendide | - Impression de liberté assez fausse |
- Musique très attachante | - Quelques vilains bugs subsistent |
- Un chouette casting pour une chouette histoire | - La première heure peine à se distinguer d'Undertale |
- La mise en scène des gestes de soin et d'affection |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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