Le studio allemand indépendant Fizbin s’est lancé dans une toute nouvelle expérience en 2021 avec Minute of Islands, quelque peu différente de ses précédentes productions. Ne vous fiez pourtant pas à l’apparence trompeuse de ce puzzle platformer narratif à l’air enfantin. Derrière son apparence cartoon et ses couleurs très vives, le message global du jeu s’annonce pourtant très sombre et poignant.
J’ai donc lancé Minute of Islands, bercée dès les premières secondes par la musique onirique du menu du jeu qui annonçait clairement la couleur. Ce dernier nous averti dès le départ : il traite de sujets sensibles et difficiles, en particulier de l’impact d’événements traumatisants, des troubles de l’anxiété ou encore des comportements autodestructeurs (à quoi vous vous attendiez ? C’est un jeu indé). J’ai donc décidé de me munir d’une boîte de mouchoirs, me préparant psychologiquement à découvrir une aventure… déprimante. Et j’ai eu raison.
Pas une minute à perdre
Le jeu débute en nous mettant dans la peau de Mo, une jeune fille qui se réveille au fond d’un souterrain glauque où elle semble travailler tous les jours. On apprend que suite à un événement appelé « l’Exodus », l’air est infesté de particules fongiques, toxiques pour toute forme vivante sur l’archipel où vit notre héroïne et sa famille. Pour sauver les humains, quatre géants qui semblent exister depuis une éternité se sont unis, afin de construire un mécanisme pour purifier l’air extérieur. Ils sont donc isolés sous terre, travaillant sans relâche. Cependant, voilà, les quatre entités se sont soudainement endormies. Pour éviter l’extinction des îles, Mo devra aller les réveiller grâce à son « Omni-switch », un gadget permettant de faire fonctionner les machines. En effet, les colosses, épuisés par des centaines d’années de travail, ont besoin de l’énergie de l’Omni-switch pour perpétuer leur labeur afin de sauver l’écosystème.
On découvre alors une île désertée, où Mo vit quasiment seule avec sa famille (son oncle, sa grande sœur et sa grand-mère). Nous ne saurons jamais ce qui a provoqué l’Exodus : il n’est pas utile de le découvrir. Le jeu souhaite se concentrer principalement sur les émotions et souvenirs de Mo, sur ses relations familiales, sollicitant très souvent l’empathie du joueur. On apprend plus tard que le devoir de Mo est titanesque, qu’elle peine à le faire seule, mais s’entête à refuser une quelconque aide.
Un gameplay tristement pauvre
Votre tâche sera donc de vous balader sur les îles, brandissant votre omni-clé à la recherche des différents géants endormis dans le but de ne pas laisser les îles natales de Mo dépérir. Le gameplay est très basique, il vous suffira de sauter de plateformes en plateformes pour les atteindre. Et les plateformes, il faut en parler. Si le jeu possède son charme avec sa patte graphique en 2D, les déplacements et les sauts peuvent devenir assez agaçants. Pour cause, il devient parfois compliqué de différencier les endroits sur lesquels on peut grimper ou non avec Mo. Sans rendre le jeu compliqué, on se sent simplement ralenti par ce souci de lisibilité lorsqu’il n’y a pas de tache de peinture blanche pour indiquer si l’on peut monter ou non.
Outre ce petit problème de plateformes dans ce platformer (oui j’insiste lourdement sur le terme platformer, vous avez remarqué ?), le jeu tente parfois d’alterner entre des moments très calmes et beaucoup trop lents, et des phases d’énigmes. Ce qui aurait pu être ma foi intéressant, si un enfant de 8 ans n’était pas capable de les résoudre en 5 minutes, montre en main. Je n’ai rien contre les jeux narratifs, et si l’absence de gameplay est assumée, je suis prête à l’accepter. Cependant, on sent que les développeurs ont souhaité tenter des choses, qui s’essoufflent malheureusement assez rapidement. Finalement, le tout s’avérera être bien trop répétitif et prévisible. Et même si l’expérience est agréable, car le gameplay est fluide, on se retrouvera très vite à s’ennuyer, tandis que le jeu ne nous tiendra pas assez en haleine (réveiller un géant, s’engueuler un peu avec sa famille, phase de bateau très lente et longue, réveiller un géant, s’engueuler avec sa famille, phase de…).
Tout n’est cependant pas à blâmer : le jeu nous propose quelques passages oniriques (ou cauchemardesques, libre à l’interprétation du joueur) où Mo se déplace soit sous la mer, soit sur l’eau. On retrouve dans ces phases un côté artistique et flou très intéressant, où l’on doit par exemple passer par des phases de plateforme avec l’ombre de notre héroïne. Encore une fois, la DA et la petite moue de Mo ajoutent une touche très poétique à ces phases de flottement où le temps ne semble pas s’écouler.
Une ambiance et une narration très réussies
Vous l’aurez compris, la force de Minute of Islands ne se situe pas vraiment dans son gameplay. C’est l’ambiance générale qui frappe le plus le joueur : la direction artistique légère se heurte sans cesse au caractère post-apocalyptique du jeu. Cette dernière est enfantine, et pourtant vous croiserez des baleines échouées et déchiquetées par des mouettes à qui il manque parfois une patte. Tout meurt dans ce jeu : les particules fongiques rongent constamment la petite faune mignonne des îles, la sœur de Mo, qui a l’air adorable, a un bras manquant rongé par les toxines causées par l’Exodus. Sa grand-mère peine à respirer sous son masque à gaz, et à tout cela se mêle, timidement, une bande-son discrète qui ajoutera une ambiance très maussade à l’aventure. Vous pourrez également avoir le loisir de rechercher les collectibles du jeu, qui ne sont rien d’autre que les souvenirs de Mo. Ceux-ci sont contés par la narratrice, qui rapportera les anciennes anecdotes de l’île, abandonnée par les habitants qui ont laissé là tous leurs biens matériels et le restant de leur vie.
Finalement, le point le plus important dans Minute of Islands reste le mal-être de Mo, sa solitude, et ses relations avec sa famille, particulièrement avec sa sœur Mirri, vraiment émouvante. Les deux sœurs s’aiment mais n’arrivent ni à se comprendre, ni à s’entendre : Mo est trop dure avec elle-même à cause du poids qu’elle porte sur ses épaules, et Mirri en souffre, tandis qu’elle aimerait se rapprocher de sa cadette. Les pensées de Mo se font entendre à certains moments de l’histoire et ce sont sans doute les moments qui m’auront plus marqué au cours du jeu : l’angoisse et les doutes de Mo sont très émouvants, et on a du mal à rester détaché et distant. Elle en arrive parfois à haïr sa famille, s’en éloigne, les accuse de se servir d’elle et de ne pas la comprendre.
Minutes of Islands a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
J’ai à la fois envie de taper sur Minute of Islands, mais pourtant de le conseiller. Lui taper dessus, car je me suis parfois ennuyée, eu envie de jeter la manette et de trouver quelque chose de moins déprimant à faire, mais de le conseiller, parce qu’il a réussi à m’émouvoir et que le sujet dont il traite est tout de même bien narré et maîtrisé. Beaucoup d’instants m’ont rappelé GRIS, que ce soit au niveau de la narration ou du gameplay (si si, quand on tombe, Mo flotte avec sa cape). Cependant à mon sens, GRIS a mieux réussi à faire évoluer son histoire et son personnage, tandis que la morale de Minute of Islands n’arrive qu’à la toute fin, laissant le joueur dans une ambiance très glauque et déprimante pendant une dizaine d’heures. Une expérience douce-amère, que je vous conseille tout de même si vous êtes sensibles à ce genre de thématiques.
Elitchu
Après un passé trop sombre composé de MMORPG et de MOBAs, je me repens désormais en essayant plein de types de jeux, et en chassant leurs trophées/succès.
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