Marble’s Nest, DLC de Pathologic 2, est sorti le 28 octobre dernier. Et cette courte aventure a tout d’une tentative désespérée du studio Ice-Pick Lodge d’avoir les financements pour poursuivre le projet Pathologic 2. C’est en tout cas, je trouve, l’occasion parfaite de décrypter un peu pourquoi Pathologic 2 est un des meilleurs représentants de ce qu’est un jeu de niche.
Sachez déjà que Pathologic 2, sorti en mai dernier, est un quasi remake de Pathologic, jeu d’aventure à l’ambiance inquiétante. Et Pathologic premier du nom était sorti en 2004 (mais n’est arrivé en Europe qu’en 2006, le jeu étant le fruit du travail d’un studio russe de petite taille, la localisation n’était pas simple). Aujourd’hui, on se retrouve donc face au DLC, Marble’s Nest, gratuit. Enfin, si vous aviez acheté le jeu avant le 28 octobre. Sinon c’est un peu moins de 10 euros. Mais avant d’aller plus loin sur le spin-off, peut-être que vous voulez que je vous parle un peu de Pathologic d’abord ? On va dire que oui.
Pathologic 2 : le projet
Comme je l’ai dit auparavant, Pathologic 2 est donc un remake de Pathologic. Celui-ci avait réuni un assez large cercle de fans grâce à une ambiance morbide et dépressive unique, notamment grâce à son écriture. Et surtout en dépit de sérieux défauts. Je pense notamment à son interface vieillotte, à sa difficulté dépassant le simple défi, ou encore des bugs visuels récurrents.
Cette communauté de joueurs passionnés par Pathologic a joué un grand rôle dans la campagne Kickstarter qui a permis à Pathologic 2 de voir le jour. Il fallait donc pour Ice-Pick Lodge réfléchir aux perspectives en termes de public cible. Le compromis entre satisfaire des fans tout en s’ouvrant à un public qui n’était pas celui de niche que vise à la base le jeu.
Parce que oui, Pathologic n’est pas un jeu d’aventure facile d’accès. Il est excessivement difficile, punitif et le récit qu’il propose est un enchevêtrement de dialogues mystiques et de constats existentiels. En plus il demande un investissement important puisqu’il faut entre 20 et 40 heures pour terminer la quête principale. Mais il faut croire que le projet a séduit puisque l’éditeur tinyBuild s’est mis sur l’affaire.
Pourtant, selon moi, dès le départ, le projet de Pathologic 2 ne paraît pas hyper solide en termes financiers. Pris en otage par les promesses faites aux fans sans qui tout le projet n’existerait pas, et le besoin d’assurer la rentabilité du jeu et la survie du studio, Ice-Pick Lodge n’avait qu’une faible marge de manœuvre.
Marbles Nest, démo et DLC
Ce qui nous amène à la sortie de Pathologic 2, sans localisation autre que Anglais et Russe. Restreignant à nouveau le public. Mais bon, ça aurait été un investissement important pour un studio qui ne roule pas sur l’or, c’est donc finalement compréhensible.
Comme prévu, il n’est pas un grand succès commercial. Niveau critiques, beaucoup lui accordent de dépoussiérer le Pathologic original (qui avait entre temps reçu une remise à jour HD), saluent le travail d’ambiance et le soin apporté à l’écriture. Mais ils rappellent que de nombreux défauts initiaux persistent dans ce remake. Ça explique un peu la sortie de Marble’s Nest, vendu comme une sorte de spin-off de Pathologic 2, mais qui est plus ou moins la démo sortie avant Pathologic 2 pour filer un aperçu aux fans. Et à un peu plus de 8€ (9,99$), sans compter le jeu de base nécessaire à 30€, ça commence à faire beaucoup.
Ce prix s’explique toutefois : les développeurs sont financièrement au bord du gouffre. Ils ont même annoncé qu’ils ne pouvaient pour le moment apporter les deux autres fils narratifs, constitués par le point de vue de 2 autres personnages, à cause de ça. Pas mal de membres de l’équipe de développement sont partis et Ice-Pick Lodge espère se relever via un jeu mobile de commande. C’est pas la folie en gros.
Bref, si je me suis autant attardé sur Pathologic 2, c’est à la fois parce que Marble’s Nest en était un temps la démo, mais aussi parce que le gameplay, le ton, l’environnement, tout y est similaire. Et il serait donc temps que j’aborde un peu le jeu lui-même.
Et sinon le jeu ?
Dans Marble’s Nest, on joue Daniil Dankovsky, un médecin qui tente de sauver la Ville de la peste. Au passage, l’intrigue se déroule au même moment que celle de Pathologic 2. Toute la Ville semble condamnée mais la Mort en personne vous explique que vous avez la possibilité de revenir en arrière et de voir si vous auriez pu changer les choses. Et là hop, retour dans le passé avec une idée en tête : sauver la population de la Ville de son funeste destin. Ou, au moins, tenter de le faire.
Le gameplay est donc identique comme je le disais plus haut. Un inventaire, des trucs à ramasser, des PNJ à qui parler pour obtenir des quêtes et des informations, du classique. Niveau environnement, on est restreint à 2 quartiers de la Ville, et il faudra veiller à approcher les bonnes personnes pour avancer dans l’intrigue principale.
Dans Pathologic 2, on subissait sans cesse la pression du temps qui passe trop vite. Un problème important puisqu’il conditionne notre mission en tant que médecin : sauver la population de la peste qui la décime. Marble’s Nest vient corriger cela mais involontairement. Le DLC ne faisant qu’entre 2 et 3 heures, on peut se permettre de jouer plus libéré, car on aura forcément investi moins de temps que dans une aventure de 20 à 40 heures.
Reste le souci de combler nos besoins vitaux, faim et soif, qui empiète sur le temps qui devrait être consacré à l’avancement de la quête principale. On m’opposera que c’est là tout le but de la survie. Un argument qui serait recevable si cela n’était pas plombé par une interface datée et peu ergonomique. Le problème a plus ou moins été écarté par Marble’s Nest qui est moins contraignant que Pathologic 2 sur l’aspect survie. Quant à l’interface par contre, on y retrouve hélas la même austérité.
Lyncher Lynch
Reste finalement l’ambiance. Errer dans les rues de la Ville. Prendre le pouls d’une population suspicieuse et désemparée. Être témoin de phénomènes incompréhensibles au départ mais qui peu à peu prennent forme. Jouer à Pathologic 2, et donc aussi à Marble’s Nest, c’est entrer dans un univers à part. Une zone d’inconfort où règnent le bizarre, le morbide et une forme d’esthétisme théâtralisée. En fait, Pathologic 2 et Marble’s Nest ont tout d’un film de David Lynch.
D’ailleurs le problème que j’ai avec le réalisateur est le même que celui que j’ai avec le jeu et son DLC. A force de se complaire dans le non-dit, dans l’évocation vague et dans le mystico-philosophique, le fond n’est jamais abordé. Et les non-initiés ignorés. C’est évidemment un parti pris qu’on pourra admirer ou rejeter en bloc. Pour Pathologic 2, et pour Marble’s Nest, ce fond sacrifié sur l’autel de la rêverie et de l’étrange, c’est celui du gameplay et de l’accessibilité. L’excellent Control, qu’on peut aussi esthétiquement classer comme « lynchien », a réussi à éviter cet écueil.
Vous avez adoré Pathologic 2 ? Alors il y a fort à parier que ce DLC vous ravira. Vous avez détesté ? Les chances sont maigres pour que vous vous laissiez convaincre par Marble’s Nest. Et pour celles et ceux qui voudraient découvrir, pour toutes les raisons décrites avant, difficile de vous aiguiller. Tout ce que je peux vous dire c’est que c’est quelque chose que vous ne trouverez dans aucun autre jeu.
Marble’s Nest (et Pathologic 2) ont été testés via des clés fournies par l’éditeur.
Ice-Pick Lodge tente d’étoffer un peu artificiellement le contenu de son jeu avec cette aventure courte provenant d’une démo. Et potentiellement de remettre un peu de lumière médiatique dessus. Pathologic 2 et Marble’s Nest sont si étranges qu’ils doivent être joués pour pouvoir être compris. Mais même lorsque c’est le cas, ils peuvent encore repousser le joueur par leur forme d’élitisme. Cela reste donc une expérience unique, qui mériterait de pouvoir être vécue en français.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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