Jeune papa depuis maintenant un mois, je vis dans la peur. Non pas la peur de voir mon fils, ma bataille être kidnappé ou encore de découvrir un sachet de cocaïne 2.0 dans sa table de nuit. Je parle d’une peur plus profonde : celle du jour où il va me dépasser à Mario Kart, où il va m’éjecter de l’arène dans Smash Bros, enchaîner les headshots sur mon avatar ou encore m’écraser à Fifa. D’ici ce jour tragique, je sais que j’aurai la chance de pouvoir lui proposer une éducation vidéoludique la plus complète qui soit. Et, avec la sortie de Luna The Shadow Dust, un nouveau jeu vient de s’ajouter à une liste déjà longue.
Difficile pour moi, le jour où je vais devoir lui parler de mes jeux préférés, de passer à côté des point’n’click, sans doute le type de jeu que j’affectionne le plus. J’en tire mon pseudo, 2 des trois personnages qui composent ma PP et on peut voir chez moi une affiche avec dessus un pirate émérite qui peut retenir sa respiration 10 minutes sous l’eau. Le problème du point’n’click, c’est qu’il s’agit, notamment dans ses classiques, d’un genre exigeant qui demande, en plus d’une bonne réflexion, parfois beaucoup de patience (je vous laisse imaginer laisser un enfant devant Grim Fandango, voir comment il se débrouille et combien de temps il tient). Heureusement pour moi les membres de Lantern Studio m’ont offert une porte d’entrée parfaite au genre.
Héros de la Luna
En parlant de porte d’entrée, ça tombe bien, le jeu commence comme ça, avec une belle porte perdue en plein désert. Bizarre vous allez me dire, mais en réalité pas plus que les quelques secondes précédentes qui voient un jeune enfant, le personnage principal que vous allez incarner, tomber dans le vide et être sauvé in extremis par une bulle d’énergie d’origine inconnue. Mais revenons à la porte qui cache en réalité derrière elle une tour qui semble s’élever jusqu’aux cieux et dont l’ascension va constituer l’objectif principal du jeu.
C’est ainsi que salle par salle, étage après étage, vous allez devoir gravir cette tour perdue au milieu du désert. Le principe est on ne peut plus simple, chaque étage comporte, le plus généralement, une seule et unique salle, qui contient une énigme qu’il vous faudra résoudre et vous permettant d’ouvrir une porte et pour accéder à la suite. Comme je vous le disais, nous sommes face à un point’n’click. Mais j’ai peut-être oublié de dire qu’il est ici dans sa plus pure forme puisqu’il vous faudra simplement pointer et cliquer. Pas d’inventaire à trimballer partout et combiner, ni de manteau ou de pantalon extensible où planquer une corde de 5 mètres récupérée au début et à n’utiliser qu’à la toute fin. Il vous suffit de cliquer au bon endroit au bon moment. Pas non plus de personnages avec qui interagir pendant de longues minutes puisque, chose rare, Luna est entièrement muet et ne comporte pas la moindre ligne de texte.
Heureusement pour nous, notre héros va rapidement se faire un ami dans sa quête. Difficile de décrire cet ami autrement que par une boule de poil avec un visage, ce qui ressemble à des épines et des oreilles de Yoda, ou de manière plus courte « Roger » comme j’ai décidé de l’appeler. C’est donc avec Roger que vous allez pouvoir résoudre les énigmes de chaque salle, alternant d’un simple clic (ou par la pression de la barre espace) d’un personnage à l’autre, le jeune garçon pouvant appuyer sur les boutons, tirer des leviers et pousser des caisses, tandis que Roger peut lui se faufiler dans des petits espaces et profiter d’une capacité spéciale lui permettant de se balader dans les ombres du décor et ainsi d’atteindre certaines zones hors de portée autrement.
Faisons une petite pause sur l’histoire et les énigmes pour parler un peu des graphismes. Pour résumer, je dirai que ma première réaction fut un très poétique « putain c’est beau sa mère ! ». L’intégralité du jeu a été animé à l’ancienne à la main, image par image, pour un rendu magnifique et d’autant plus impressionnant quand on sait que Lantern Studio ne comprend que 4 membres.
Je dis 4 membres mais l’une d’entre eux, Wang Qian, est dédiée à la musique. Et autant vous dire qu’elle n’a pas chômé non plus. Quand on décide de faire un jeu muet, il est nécessaire d’avoir une musique forte pour accompagner le joueur dans ses moments de réflexion (sans pour autant l’énerver) et lors des quelques scènes cinématiques. Un défi relevé avec brio par Wang Qian qui fait des merveilles avec un piano mais a aussi trouvé un thème principal qui s’écoute en boucle sans aucun problème, et qui a d’ores et déjà rejoint ma playlist.
Graphismes et musiques font de ce jeu un très joli conte qu’on prend plaisir à visiter. Ne manque plus qu’une belle histoire et tout est parfait. Malheureusement c’est ici que le jeu et ses choix montrent leurs limites.
Une ombre au tableau
Le problème quand on fait un jeu non seulement muet mais aussi avec aucune explication écrite, c’est qu’il faut pourtant réussir à se faire comprendre. Si Luna y arrive très bien concernant ses énigmes qui sont très claires, notamment grâce à des jeux de symboles et autres bonnes idées du genre, son histoire est, elle, beaucoup plus obscure. Pourquoi le personnage principal, qui n’a d’ailleurs pas de nom, souhaite grimper en haut de cette tour ? A quoi d’ailleurs correspond cet édifice apparu soudainement devant nos yeux et quel est ce monde où l’on trouve une sorte de magie ? Ces questions et beaucoup d’autres restent sans réponses jusqu’à quasiment le dernier tiers du jeu (et même après subsiste encore quelques mystères), il m’est donc difficile de vous parler plus dans le détail de l’histoire du titre sans risquer un divulgâchage important.
Et c’est bien dommage, d’autant plus qu’existe un artbook numérique du jeu qui permet d’approfondir l’histoire, de comprendre les influences des développeurs et les logiques derrière les énigmes de la tour (du coup je vous invite à ne pas le lire avant d’avoir fait le jeu). Ah et au passage, cela m’a permis de découvrir que le héros s’appelle Uri et Roger s’appelle en réalité Layh (mais je vais continuer à l’appeler Roger). Dévoiler la mythologie du monde du jeu par des dessins sur les murs de la tour est une chose, ne pas poser des bases plus solides concernant notamment les motivations du personnage principal en est une autre.
Mais pourtant difficile d’en vouloir au jeu pour cela tant le reste fonctionne. Concernant la durée de vie du titre (entre 3 et 4 heures), si elle semble un peu courte, les développeurs ont pris le parti de ne pas répéter les énigmes d’une salle à l’autre et de varier le plus possible l’aventure. Alors oui, cela donne un jeu plus court, mais au moins il n’est pas rempli de backtracking ou d’une mécanique répétée jusqu’à la nausée. Concernant enfin la difficulté du titre, si les énigmes ne vont pas vous faire griller des neurones, elles ont le mérite, en plus d’être variées pour ne pas ennuyer le joueur, de mettre ce dernier face à une belle courbe de progression sans à-coup, me confortant ainsi dans l’idée qu’il s’agit bien là d’une très belle porte d’entrée pour un public plus jeune, sans pour autant qu’un public plus adulte ne trouve à s’y ennuyer.
Luna The Shadow Dust a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Non content d’être un très beau jeu accompagné d’une musique elle aussi splendide, Luna The Shadow Dust arrive à être un point’n’click réussi sans la moindre parole, ni le moindre texte. Si on peut lui reprocher une histoire développée que très tardivement, ses énigmes, amusantes sans être insolubles, permettent au joueur, jeune comme plus âgé, de passer un très bon moment.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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