Aujourd’hui je vais vous parler d’un temps que les moins de 500 ans ne peuvent pas connaitre. En Bohème en ce temps-là, on se foutait sur la tronche avec des masses à ailettes et bien que miséreux, nous ne cessions de nous amuser. Kingdom Come : Deliverance vous propose de vivre la vie de pécore dans cette Bohème de 1403. Allons-y, ça vous changera.
Avant de commencer faisons un petit retour sur l’histoire, avec un petit h, de ce jeu. Issu d’un pitch par Daniel Vávra en 2009 après qu’il ait quitté 2K Czech, le jeu a lancé une campagne de financement participatif en 2014. Succès pour Warhorse Studio qui a levé 1 million de livres sterling sur les 300 000 demandées. Il faut dire que le projet avait de quoi plaire : un RPG, historiquement correct, dans une Bohème médiévale, sans magie ni dragon, proposant une histoire réaliste dans un contexte peu exploré. Disponible en Early dès 2014, le jeu est finalement sorti en version finale, non sans douleur et dans un contexte de polémique autour de son créateur. Allez, plongeons ensemble dans l’univers imparfait, mais diablement ambitieux, de Kingdom Come : Deliverance.
Il est difficile de parler de Kingdom Come sans ne serait-ce qu’évoquer la personnalité controversée de son créateur, Daniel Vávra. Ne cachant pas certaines de ses opinions quelque peu conservatrices, certains trouvent que le jeu a été influencé dans sa représentation de la Bohème de 1403. Je ne me prononcerai pas, n’étant moi-même pas expert sur le sujet, je me contenterai de vous inviter à lire deux liens qui exposent les deux points de vue : cet article de Numerama sur les positions de Vávra ainsi que ce thread d’un historien sur la Bohème de l’époque. A vous de vous faire un avis.
Henry, le fils du forgeron, est venu nous chercher
Si le jeu se veut réaliste, ça ne l’empêche pas de commencer comme l’intégralité des RPG de fantasy de l’histoire : vous êtes Henry, fils du forgeron local. Votre vie se passe bien entre beuveries avec les amis, drague de la tavernière et apprentissage avec votre papa. Jusqu’à ce que votre village se fasse attaquer et que vous voyez votre famille se faire massacrer devant vos yeux. Le coupable : l’armée de mercenaire de Sigismund, frère de l’actuel roi de Bohème et prétendant au titre de Saint Empereur Romain Germanique. Au fil de votre aventure, vous passerez de misérable fils d’artisan sans le sou à page du seigneur local, fidèle au roi, tandis que vous enquêterez sur les troubles de cette petite région de la Bohème. Pour être honnête : sans le contexte historique c’est une histoire des plus banales, que l’on pourrait trouver dans n’importe quel RPG occidental. Henry est un personnage attachant, ni super-héros, ni élu, simple gamin qui a grandi trop vite, compétent, mais pas plus intelligent que la moyenne, dont le seul objectif est de venger sa famille et qui se trouve mêlé à des choses qui le dépasse. Si la trame narrative n’est pas des plus originales, son traitement est assez frais : vous passerez plus de temps à enquêter qu’à taper. Votre travail au service de Sir Radzig est plus celui d’un flic que d’un mercenaire bourrin, et le jeu vous offrira de nombreuses solutions non violentes à certaines situations : ça sera parfois à vous de recoller les morceaux des indices, le jeu ne vous indiquant pas forcément le prochain objectif sur votre carte. Si le début est poussif, ne vous lâchant qu’au bout de 8h de jeu entrecoupées de longues cinématiques, on se prend finalement à se balader sur la carte en récoltant divers indices, et en utilisant un peu sa cervelle pour résoudre certaines situations.
Parlons-en de la carte. La reproduction de la Bohème est visuellement agréable. Se balader dans les champs fleuris, dans les sous-bois sombres, ou dans les villages est sympathique. Dommage que le jeu souffre d’un énorme problème de pop-in. Quand vous chevauchez au galop, ne vous étonnez pas si au bout de quelques minutes votre jeu ressemble à une version alpha d’un vieux RPG PS2 : c’est simple les textures, certains modèles, et parfois même la lumière, ne se chargent pas avant deux/trois minutes, en particulier dans la plus grande ville de la carte. Non seulement le jeu sera donc particulièrement moche pendant un certain temps, mais en plus il se permettra des énormes baisses de framerate le temps que le moteur (CryEngine, dont je me demande encore comment il se vend) charge les textures et les modèles. Au-delà de ça il faut reconnaître que Kingdom Come, relativement joli au niveau des décors, souffre quand même d’un certain manque d’âme. Cette Bohème, qui se veut réaliste, ne dépayse finalement que très peu, et tous les villages finissent par se ressembler. Mais parfois, je dis bien parfois, un sous-bois éclairé au petit matin, une cavalcade en haut d’une colline alors que le soleil se couche, vous offrira un petit moment de poésie qui finira par disparaître quand vous arriverez au prochain village, que vous n’arriverez même plus à distinguer du précédent.
Les armures c’est comme les oignons, y’a des couches
Mais Kingdom Come est avant tout un RPG, réaliste qui plus est. Bon je ne vais pas épiloguer sur « lol y’a des potions de soin, paye ton réalisme » on reste dans un jeu vidéo, et si on devait voir un médecin à chaque fois qu’on se foule la cheville, il nous ferait une saignée et on mourrait. Il est important de garder à l’esprit que, même s’il se veut fidèle à la réalité, un jeu vidéo se doit de faire des concessions pour qu’il soit agréable à jouer, et ça implique donc de faire deux trois entorses en rajoutant, dans ce cas, un système d’alchimie (absolument pas obligatoire au passage) qui se base, selon le studio, sur de l’herboristerie réelle. Niveau progression du personnage nous avons ici un système « à la Elder Scrolls » : vos stats augmenteront plus vous les utilisez. Tapez suffisamment à l’épée et votre compétence épée augmentera, en débloquant parfois un point à dépenser dans un perks (dans le cas de l’épée par exemple il s’agira d’enchaînements, pour d’autres ça sera des passifs). Sans être folle, la progression est organique et s’adaptera donc à votre style de jeu, sans que vous ayez à trop réfléchir sur quoi monter. Mentionnons vite fait qu’il y a également un système de « survie » où vous devrez manger de temps en temps sous peine de voir vos stats baisser, et finalement mourir (en 24h apparemment, je n’ai pas vérifié par moi-même, mon personnage aime trop manger). Idem avec le sommeil, puisque vous devrez dormir tous les jours quelques heures pour vous ressourcer et guérir de vos blessures. Si au début ça parait contraignant, on finit par prendre le pli et ça ne fait qu’augmenter l’immersion quand il est 23h et que vous regardez sur la carte où se trouve la prochaine auberge pour manger un petit coup et dormir dans un lit bien chaud.
L’autre gros point « réaliste ma gueule » de Kingdom Come c’est son système de combat. Et dieu qu’il est difficile. Basé sur de vrais arts martiaux à l’épée médiévaux, il ressemble un petit peu à ce qu’Ubisoft a tenté sur For Honor, en bien plus complexe. Il vous faudra orienter votre épée correctement pour passer la garde de vos ennemis, tout en contrant au bon moment et au bon endroit les attaques, pour profiter des ouvertures. Je dois avouer que je n’ai jamais réussi à briller au combat, et si je survis c’est uniquement car je suis désormais un vrai char d’assaut dans une armure lourde. Je pense que c’est assez réaliste : un gars en armure sera pratiquement invincible dans la vraie vie, tandis qu’un pécore en slip souffrira au premier coup d’épée, même s’il sait se battre. Venons-en d’ailleurs au système d’armure, mon point préféré vu que j’adore habiller mes personnages dans les RPG. Qu’il est complet ! 6 slots pour le corps, représentant diverses couches, qui apportent chacune une protection supplémentaire. 4 pour la tête, 4 pour les jambes. Votre armure ne se limite pas à « plastron, jambe, casque » et est un vrai élément à gérer, et analyser pour maximiser vos chances de survie. Et d’ailleurs porter une armure légère est obligatoire pour être discret, mais pas à cause d’un « bonus » à la dextérité comme dans tous les RPG de l’univers, mais tout bêtement car une armure de plate complète c’est SUPER BRUYANT et encombrant. D’où le fait que mon personnage, à chaque fois qu’il veut être discret, se balade littéralement en slip, je sais pas si c’est réaliste, mais c’est amusant.
Kingdom Come : Deliverance est probablement le RPG occidental le plus ambitieux du moment. Ses mécaniques austères, son ambiance un peu banale, cachent un jeu d’une profondeur surprenante. Le jeu n’est pas handicapé par des choix idiots au nom de ce sacro-saint réalisme, et sait reconnaître qu’une mécanique aussi peu « vraie » que l’alchimie ou le poids est nécessaire pour obtenir un jeu agréable à jouer. Dommage que le jeu souffre d’énormes problèmes techniques. Outre les gros soucis de pop-in mentionnés plus haut, Kingdom Come est perclus de bugs divers et variés. Du rigolo, comme les caméras qui font n’importe quoi pendant les cinématiques, au purement honteux, comme cette quête que je ne peux pas rendre parce que le jeu reste bloqué sur la fenêtre de dialogue, qui vont parfois jusqu’à vous empêcher de résoudre une quête de la manière que vous avez choisi. Les développeurs de chez Warhorse en ont bien conscience, et il est heureux que le jeu se soit bien vendu, le support étant donc désormais assuré. Je pense que d’ici 6 mois, avec un nombre conséquent de patchs, ce jeu sera un RPG qui marquera l’histoire du genre au moins par son parti pris de réalisme, à défaut de son histoire.
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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