Après des années de développement, de vidéos des coulisses, de promesses flamboyantes, Kerbal Space Program 2 est enfin sorti en accès anticipé il y a quelques semaines. Retour sur un early access qui explose sur le pas de tir.
Kerbal Space Program 2 a, normalement, tout pour faire mieux que son prédécesseur : une équipe de professionnels du développement de jeu vidéo (contrairement à Squad qui est, à la base, une boite de marketing mexicaine sans aucune expérience dans le jeu vidéo), un éditeur (Private Division, la branche "indé" de Take Two) et une vision (là où Kerbal Space Program était développé en flux tendu, sans vraiment de ligne directrice mis à part "on aime la conquête spatiale, les fusées et les explosions"). Sur le papier, le jeu est ambitieux : plus beau, plus réaliste, plus accessible, plus grand (avec l'introduction du voyage interstellaire et de la colonisation). Mais on n'est pas là pour discuter de la feuille de route, mais de cet accès anticipé, et de l'état actuel du jeu. Et je n'irai pas par quatre chemins : c'est compliqué de trouver quelque chose à défendre sur cette sortie.
La Mune de miel
Au début, tout va bien. Le jeu réussit son objectif principal d'être plus joli et plus engageant. Les vétérans ne seront pas dépaysés : le VAB (Vehicule Assembly Building), l'interface, tout est suffisamment similaire pour ne pas avoir à tout réapprendre, mais aussi plus agréable à l'œil. Les informations sont présentées de manière plus claire, plus compacte. À l'inverse, les nouveaux joueurs, eux, seront accueillis par P.A.I.G.E., le tutoriel interactif qui les guidera dans leur début de conquête spatiale. Parlons un peu des tutoriels : là où le premier ne vous expliquait quasi rien et vous laissait vous débrouiller avec des ressources en ligne et des missions d'apprentissage vaguement interactives, Kerbal Space Program 2 propose un système complet de tutoriel jouable, introduit par d'adorables petites vidéos, vous expliquant les bases de la fuséologie. Orbite, trajectoire, poussée, types de moteurs, objectif, ces tutoriels jouables, sans conséquence sur votre partie, sont probablement les meilleurs points du jeu. Même des personnes qui ont passé des heures sur Kerbal Space Program y trouveront leur compte pour se rappeler un peu des bases. Pour l'instant, toutes les mécaniques ne sont pas développées (par exemple, il n'y a pas de tuto pour les rendez-vous orbitaux), mais comme le système solaire et la physique sont les mêmes que dans le premier, toute ressource que vous trouverez concernant son aîné sera applicable dans la suite.
Que vous soyez vétéran ou débutant, la prochaine étape, c'est de construire votre fusée. Pour l'instant, il n'y a pas de mode carrière, toutes les pièces sont débloquées, et il n'y a pas de progression. Dans le VAB, vous trouverez donc une sélection quelque peu décevante de pièces pour commencer votre aventure. Si l'éditeur est plus intuitif, le manque de contenu commence déjà à se faire ressentir. Les pièces sont organisées par taille, par type de carburant et par utilité. Là où dans le premier, il fallait tâtonner pour trouver le moteur qui correspondait au réservoir que vous veniez de poser, dans Kerbal Space Program 2, il suffit de trouver la taille correspondante qui est indiquée très clairement sur la sélection de pièces. Les pièces d'avion et de fusées utilisent plus ou moins les mêmes ressources, mais l'hydrogène fait son apparition pour les moteurs nucléaires. Probable précurseur du système de ressources et de colonie promis dans la feuille de route, il faut alors faire relativement attention au choix de carburant. L'éditeur du premier jeu était un bonheur pour construire des vaisseaux et des fusées, mais par contre, je n'ai jamais réussi à faire des avions corrects. Il fallait clipper des ailes de manière peu naturelle et visuellement, les avions me paraissaient toujours moches et mal fichus. Fort heureusement, Intercept Games a introduit un système d'ailes procédural vous permettant d'ajuster la taille et la forme de toutes les ailes. Ce système est merveilleux et vous permet de produire des aéronefs fonctionnels et jolis en quelques clics. J'ai par exemple réussi à faire une reproduction de la navette spatiale en quelques minutes, et elle fonctionnait.
Ensuite vient le moment de lancer votre première mission. Généralement, vous choisissez quelque chose de simple : vol suborbital, orbite basse, satellite. Quelque chose pour vous mettre en jambes. Premier constat : le jeu est beau. On est loin du premier et sa version d'Unity plus que vieillissante (vu qu'elle était déjà vieillissante au lancement). C'est chatoyant, les alentours du Kerbal Space Center sont détaillés, bourrés de petits arbres et de bâtiments adorables. En vol, c'est pareil : les gaz des moteurs, les reflets sur la coque, les effets de l'atmosphère, les nuages, tout s'allie pour donner un des simulateurs spatiaux les plus beaux du marché. Et le son n'est pas en reste. Les moteurs ont tous des bruitages différents (enregistrés pour certains lors de vrais lancements), vos Kerbals font des bruits de pas différents en fonction des surfaces, pareil pour les roues de rover. Il y a des échanges entre votre vaisseau et la base, accompagnés des célèbres bips de l'ère Apollo de la NASA (qui, pour la petite histoire, ne sont plus d'actualité depuis la fin du programme Apollo, mais c'est devenu un cliché).
Le Kraken attaque
Il ne vous aura pas échappé que pour l'instant, c'est positif. Je semble très enthousiaste. Et je le suis. Mais voilà : le jeu est bourré de bugs. C'est un accès anticipé, je m'attends à des bugs et des problèmes divers. Mais là, on frise l'injouable, et certains bugs sont absolument ahurissants. Si ahurissants qu'il est parfois difficile de discerner le bug de la feature manquante. Par exemple, prenons les manœuvres. Comme dans Kerbal Space Program, vous devez bien sûr planifier vos manœuvres avec précision. Et comme dans le premier, vous avez un outil pour planifier votre poussée selon les six axes possibles. Je n'irais pas dans les détails, mais avec cet outil, vous pouvez planifier très précisément la direction et la durée d'un allumage des moteurs pour obtenir l'orbite exacte que vous voulez. L'outil est pratique, et comme dans le premier, c'est plus une indication, vu que votre orbite finale dépendra de votre précision d'allumage (et à ce propos, on aime que désormais "0" corresponde au moment où il faut allumer les moteurs et non plus au milieu de la durée d'allumage calculée par le jeu). Mais voilà : vous ne voyez pas votre trajectoire lorsque vous changez de sphère d'influence. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas anticiper, par exemple, si vous serez dans l'atmosphère d'Eve (l'équivalent de Vénus) ou pas. Enfin si, vous pouvez, mais seulement en passant la souris sur le marqueur de périastre (le point le plus proche de l'objet). Ce qui vous force à faire des allers-retours entre votre marqueur de manœuvre et celui d'altitude minimale (que vous ne pouvez pas épingler). Est-ce que la feature est cassée ou juste pas implémentée ? Impossible de le savoir. Dans les faits, ça rend certaines missions très difficiles.
Mais ce n'est pas tout : vaisseaux qui explosent sans raison au chargement ou en sortie d'accélération temporelle ? Check. Orbite qui change on ne sait pourquoi quand on bouge le vaisseau ? Check. Moteurs qui drainent les réservoirs d'un étage supérieur ? Check. Disparition pure et simple de votre orbite sur la carte ? Check. Jouer à Kerbal Space Program 2, c'est jouer à la roulette russe, on ne sait jamais quel bug va ruiner une mission. Ou si votre vaisseau explosera sur le pas de tir. Ou si la caméra ne décidera pas d'aller vivre sa petite vie lors d'une séparation d'étage. Kerbal Space Program 2 n'est pas facile de base et par-dessus ça, le jeu vous rajoute des bugs qui rendent l'expérience au mieux désagréable, au pire absolument enrageante quand, par exemple, après deux heures de jeu, vous avez réussi à faire une mission un petit peu plus complexe que ce que le jeu accepte de faire sans exploser en plein vol, juste pour que les parachutes de votre capsule refusent de se déployer lors de la rentrée atmosphérique. Son aîné a toujours été un peu bancal, la faute à une équipe non professionnelle qui travaillait sur un moteur vieillot absolument pas prévu pour ce genre de jeu, ce n'est pas pour rien que la communauté a trouvé un surnom mignon aux bugs : le Kraken. Mais certains bugs de Kerbal Space Program 2 ont été éradiqués lors de l'alpha du premier, il y a 5 ans. Ces problèmes ne devraient simplement pas exister, considérant le temps de développement, le fait que l'équipe soit, cette fois, professionnelle, et l'ambition affichée du jeu, sans même évoquer le prix de 50 € de cet accès anticipé.
L'autre énorme point noir du jeu, ce sont ses performances catastrophiques. Quoi que je fasse : minimum, maximum, désactiver tous les effets, le jeu ne dépassait pas les 25 FPS et tombait régulièrement à 10, voire moins, sur des missions plus complexes qu'une capsule avec trois parachutes. Le jeu est beau, ça, c'est sûr. Mais le souci est que pour en profiter, il faut donc ne pas y jouer, ou enregistrer sa partie et la passer en vitesse x3 sur la télé. Évoquons également le manque de contenu de cette première version. Par exemple, il n'y a pas encore de système de chaleur lors de la rentrée atmosphérique, du coup les boucliers thermiques ne sont que cosmétiques et vous pouvez juste rentrer comme un bourrin de vos missions directement dans l'atmosphère sans même prendre en compte la chaleur et les effets aérodynamiques. C'est un accès anticipé, on se doute bien qu'il n'y aura pas l'intégralité du contenu à la sortie, mais il manque des fonctionnalités de base d'une simulation spatiale. Et comme je disais plus haut, il est parfois impossible de savoir si une fonctionnalité manque ou est juste cassée. Par contre, ce qu'il manque bien en ce début d'accès anticipé, c'est un mode carrière, ou certaines pièces, ou même les fonctionnalités de réseau de communication. Nul doute que tout ceci sera ajouté à l'avenir, et encore une fois ça ne serait pas grave si à côté le jeu n'était pas cassé, il y aurait quand même de quoi s'amuser. Mais là, en l'état, il n'y a pas assez de contenu pour accepter de passer des heures à se battre contre les bugs dans un PowerPoint à 8 FPS.
Kerbal Space Program 2 a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur
Cette première version de Kerbal Space Program 2 est ratée. Les performances sont abyssales, les bugs sont enrageants et rendent le jeu quasi injouable, et le contenu est famélique pour un jeu vendu 50 €. La bonne nouvelle, c'est que l'équipe n'a pas la tête dans le sable et reconnaît les problèmes, un premier patch devrait arriver dans les jours qui viennent et il semble s'attaquer directement aux problèmes de performances et à certains bugs majeurs. Si la feuille de route est ambitieuse, on espère qu'Intercept Games a les épaules nécessaires pour la mener à bien, tout en réparant une base qui est particulièrement bancale. Il y a du travail, mais j'ai bon espoir que le jeu finisse par être, a minima, aussi bien que son aîné, et au mieux le dépasser. Je ne crois pas aux théories du complot que lancent les membres les plus amers de la communauté (par exemple que "Private Division va prendre votre argent et abandonner le jeu dans six mois"), mais leur colère est quelque peu légitime. Sortir un accès anticipé à 50 € aussi cassé est une erreur, et il va vraiment falloir travailler (sans cruncher si possible) pour récupérer la confiance des joueurs.
Les + | Les - |
- Beau | - Mais c'est un diaporama |
- Bien plus accessible | - Mais des bugs qui rendent le jeu trop difficile |
- Un design sonore excellent | - Gros manque de contenu |
- Un prix bien trop élevé pour ce qui est proposé |
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