J'ai toujours eu le vertige. Pire que ça, j'ai ce que j'appelle le double vertige. Quand je suis en hauteur, j'ai peur de tomber et quand je suis en bas de quelque chose de haut (la tour Eiffel, une grue de chantier, Victor Wembanyama), j'ai peur que ça me tombe dessus. Et vraiment ça ne s'arrange pas avec les années. ALORS POURQUOI J'AI VOULU JOUER À JUSANT ?!!!
Il faut dire que Don't Nod (à qui on doit déjà cette année l'imparfait Harmony: the Fall of Reverie) m'a bien eu lors de l'annonce du jeu : de jolis graphismes, des décors naturels et épurés et une mignonne petite bestiole bleue, un Ballast, que l'on va appeler Kiki (parce que c'est le nom que lui a donné mon fils quand il m'a regardé jouer et que je n'ai donc plus le choix maintenant). Du coup, je n'ai même pas fait attention au fait que j'allais me retrouver à grimper une tour dont on ne voit même pas le sommet…
Boy, you escalated quickly
Les développeurs de Jusant ont dû voir l'éternel débat sur le jeu vidéo avec la meilleure animation de l'eau et ils ont décidé de régler ce problème en nous mettant sur des terres où il n'y a plus aucune goutte. Vous vous retrouvez donc sur un monde devenu aride suite au retrait mystérieux de l'eau, dans la peau d'un personnage sans nom et sans voix (à quelques cris d'effort près) face à une tour, elle aussi sans nom, mais qui ne demande qu'à être gravie. Et ça tombe bien, c'est exactement ce que vous allez faire... et c'est tout. L'objectif est clair, grimper tout là-haut, étape par étape, avec l'espoir de trouver cette fameuse eau qui manque.
Pour cela, vous aurez à votre disposition… vos petits bras (bon d'accord et vos petites jambes aussi). Le gameplay est d'une simplicité extrême : vous attrapez une prise dans le mur de la main droite avec la gâchette droite et une prise de la main gauche avec le bouton select… roh ça va, je déconne avec la gâchette gauche. Je dis que le gameplay est simple, mais cela ne m'a pas empêché d'avoir, à plusieurs reprises, les réflexes d'années passées sur Assassin's Creed et autres Zelda en monde ouvert, et de juste appuyer de longues secondes vers le haut en pensant que mon personnage allait grimper tout seul en trouvant les bonnes prises.
Bon, il est vrai que vous aurez aussi à disposition votre corde, un élément essentiel au jeu. C'est elle qui vous empêchera de mourir dans d'atroces souffrances si vous chutez. Oui, Jusant n'a pas de game over. En cas de chute, vous perdrez juste les quelques derniers mètres que vous veniez de gagner. Et c'est une… très bonne idée ! Savoir que je ne risquais pas d'entrainer la mort de mon héros (et de Kiki) à cause d'un mauvais geste m'a enlevé un vrai poids, me permettant de profiter plus du jeu et ce qu'il avait à offrir (alors qu'au fond, chuter dans le vide ou accroché à cette corde, cela n'empêche pas de devoir recommencer au pied du mur la plupart du temps).
Cette corde, qui va s'accrocher automatiquement à un mur quand vous allez commencer à le grimper, va aussi vous permettre de vous balancer dans le vide (ou en courant contre un mur) pour atteindre à l'aide d'un saut bien placé des prises un peu trop éloignées. Et elle est accompagnée de 3 pitons, que vous pourrez poser à l'envi durant une phase d'escalade, qui vont vous permettre de descendre légèrement en rappel pour pouvoir vous balancer, mais qui serviront surtout de checkpoints physiques en cas de saut raté.
Pour corser un peu les choses quand même, notre héros a une jauge de stamina (mina eh eh, waka waka eh eh) qui diminue au fur et à mesure de ses efforts. Cette jauge, qui peut remonter pour peu que vous fassiez une pause, voit tout de même son niveau maximum baisser petit à petit (un peu plus rapidement si vous enchaînez des sauts) nécessitant à terme de trouver un endroit où poser les pieds au sol.
Mais honnêtement, à moins de faire n'importe quoi ou de tenter un speedrun, vous ne serez presque jamais pris à court de stamina. Jusant est un jeu facile, sans doute un poil trop. Mais le vrai problème, c'est qu'on se retrouve très souvent avec l'impression d'évoluer sur des rails. Il y a un point de départ au pied du mur, une arrivée en haut et la grande majorité du temps un chemin à prendre. Il y a bien quelques moments, sur des parois plus imposantes, où on devine un deuxième chemin. Mais cela ne dure que le temps d'une section de la paroi, le temps de passer plutôt à gauche ou à droite d'un gros rocher sortant d'un mur.
Quant à l'escalade en elle-même, si le jeu se diversifie un peu avec quelques ajouts comme un vent violent qui permet de sauter plus loin, un soleil de plomb qui fatigue plus rapidement ou la possibilité de faire pousser des plantes pour s'ouvrir des chemins (je vais y revenir), on reste le plus souvent sur un enchainement frénétique de gâchettes gauche et droite, au point qu'on en vient à un moment à marteler les gâchettes en faisant confiance au pathfinding du personnage pour trouver la prochaine prise et avancer.
Et c'est dommage, parce que parfois, pourtant, ça marche. On se retrouve à grimper un mur, pas nécessairement plus difficile que les autres, mais il se passe comme un déclic. On va plus vite comme si on arrivait à courir dessus, la musique très souvent en retrait se fait entendre, on entend les bruits de l'effort en cours, les mains qui s'accrochent, les pieds qui trouvent une prise, on voit la stamina qui descend, mais on ne prend pas le temps de faire une pause parce que le haut du mur n'est plus très loin, à portée de doigts…
Histoire d'eau
Jusant nous raconte trois histoires. La première, la principale, est malheureusement surement la moins intéressante. C'est celle de ce héros mutique que l'on incarne, qui cherche à grimper en haut de cette tour, accompagné de Kiki son Ballast. On comprend ce qu'il cherche à faire, que le Ballast lui permet, à l'aide de ses pouvoirs, de redonner vie à la flore de la tour, mais on peine un peu à s'attacher à eux (bon ok, je l'ai quand même pet régulièrement, Kiki est très mignon).
La seconde histoire, c'est celle des anciens habitants de la tour, celles et ceux qui ont vécu sur celle-ci pendant des années, avec des métiers différents, mais qui ont dû petit à petit se décider à la quitter, parce que l'eau n'était plus là et que leur seul espoir était de parcourir le désert au sol à la recherche d'une oasis. Cette histoire, on la découvre avec les quelques écrits que l'on peut trouver pendant notre ascension, mais aussi avec les quelques coquillages que l'on peut coller à notre oreille pour redécouvrir ces lieux abandonnés grâce aux sons des gens qui vivaient là autrefois. Une nouvelle fois, s'il y a bien une chose qu'on ne pourra pas reprocher à Jusant, c'est son sound design et sa musique, toujours impeccables, et souvent en retrait pour avoir plus de force aux moments importants.
La troisième histoire, et sans doute ma préférée, c'est celle de Bianca. Elle aussi a décidé de grimper la tour à la recherche d'eau tout en haut. Et au fil de ses lettres laissées, on peut se rendre compte de ses découvertes, des belles rencontres qu'elle a pu faire, de ses doutes, de ses joies et de ses désillusions. Je n'en dirai pas plus, mais cette histoire est sans doute la plus intéressante du lore de Jusant.
Le problème, c'est que tout ce lore, que ce soit celui des anciens habitants ou de Bianca, ne se découvre qu'en cherchant des écrits optionnels, parfois bien cachés et du coup pouvant être facilement ratés. Rien n'est réellement intégré dans la trame principale du jeu et vous pouvez passer tout à fait à côté sans que cela change quoique ce soit à votre aventure.
Pro tip : vous ne pourrez pas toujours revenir en arrière si vous avez raté un document. Attendez la fin du jeu, vous pourrez alors refaire les différents chapitres et chercher ce que vous n'avez pas eu la première fois (même si du coup, vous risquez de découvrir l'évolution de certaines histoires, notamment de Bianca, dans le désordre...)
De la même manière, le jeu contient quelques objets annexes à récupérer ou découvrir comme les coquillages déjà cités, mais aussi des cairns ou encore des fresques cachées. Si ces moments sont l'occasion de faire une petite pause et admirer le paysage, ils n'apportent rien de plus si ce n'est du temps de jeu artificiel supplémentaire à une aventure pouvant être bouclée en 4/5 h en ligne droite.
Jusant a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur PlayStation 5 et Xbox Series.
Je dois l'avouer, Jusant est une vraie déception pour moi. Il n'atteint pas les sommets que j'espérais pour lui et ça me chagrine vraiment. Alors, quand il me faudra me rappeler de ce titre, je tâcherai de me souvenir du meilleur : ses beaux décors, l'histoire de Bianca et son ambiance sonore. Des éléments assez réussis pour que j'en oublie pendant quelques heures de regarder en bas et d'avoir peur.
Les + | Les - |
- C'est beau | - L'impression d'être souvent sur des rails |
- Toute l'ambiance sonore du jeu | - Le manque d'attachement au personnage principal et sa quête |
- L'histoire de Bianca | - Certains collectibles dignes d'un jeu Ubisoft |
- Le déclic sur certaines montées | - Quelques bugs de collision surprenants |
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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