Vous aimez les mécaniques simples au service de puzzles complexes ? C'est exactement la proposition faite par Invercity, un petit jeu qui vous propose de retourner le décor et de vous accrocher au plafond pour avancer.
Signe de la vitalité croissante de la scène du développement indépendant au Japon, le petit éditeur Flyhigh Works étend de plus en plus son catalogue et lui fait bénéficier de portages internationaux. Leur dernier jeu en date, Invercity, est une proposition du prolifique micro-studio Marudice, spécialisé dans les casse-têtes vidéoludiques en tous genres. Un jeu qui fait le pari d'être aussi court qu'intense, et de proposer un challenge qui, à défaut de ne pas révolutionner le genre, mélange parfaitement exigence et accessibilité.
La tête à l'envers
La ville dans laquelle se déroule Invercity fait face à un petit problème : depuis quelque temps, la gravité s'inverse brutalement, et tout le monde se retrouve cul par-dessus tête à tout bout de champ. Le sol devient le plafond, les caisses et les ascenseurs se retournent et tout tourne à la pagaille. Tout le monde panique, sauf la jeune reporter Uhrara, qui trouve tout ceci très amusant. Envoyée par la télévision locale pour faire des interviews aux quatre coins de la ville, elle va… Eh bien en réalité, je ne sais pas trop ce qu'elle va faire, la version du jeu dont nous disposons ne bénéficiant pas encore d'une traduction anglaise complète. La plupart des dialogues du jeu s'avèrent pour le moment être des carrés blancs, ce qui, rassurez-vous, ne vous fera pas rater grand-chose. Le scénario d'Invecity tient en quelques lignes, ne propose pas de rebondissement majeur et le jeu parie davantage sur son ambiance que sur ses punchlines.
Et en matière d'ambiance, justement, on est servi·e·s : le pixel art est très mignon, tout est très coloré, l'étalonnage et la musique évoquent une jpop insouciante et les mimiques de l'héroïne finissent d'ajouter une bonne dose de joie à tout ça. La petite ville que l'on va parcourir dans tous les sens (rues, usines, bureaux…) fourmille de détails et de petits gags visuels absurdes, au point d'être parfois un peu surchargée. Non pas que je n'aime pas les bidules qui clignotent et les PNJ rigolos, bien au contraire, mais quand les énigmes se font plus retorses dans la seconde partie du jeu, ce côté un peu chargé peut devenir un petit frein à la lisibilité du jeu. Rien de bien grave, cependant, tant Invercity est surtout une œuvre qui veut vous mettre à l'aise et vous plonger dans un bain de joie mâtiné de casse-têtes.
Littéralement l'envers du décor
Justement, parlons-en. Invercity n'est pas le genre de puzzle game à multiplier les artifices et à changer de gameplay à chaque biome. Au contraire : vous apprenez quasiment tout ce que vous avez à savoir dans les premières secondes du jeu, quelques petites strates de complexité venant simplement progressivement s'ajouter à une formule simplissime.
D'une pression sur un bouton, vous pouvez inverser la gravité. Les objets du bas « tombent vers le haut », créant de nouveaux passages, modifiant le décor, etc. Évidemment, tout ceci se retrouve rapidement complété par des systèmes de téléporteurs vous permettant de naviguer dans ces décors chaotiques. Votre objectif à chaque série de tableaux ne varie presque pas : vous arrivez par la gauche et il faut repartir par la droite, jusqu'à atteindre la fin du niveau. La vraie petite subtilité qui vient rendre l'affaire très intéressante, c'est que l'héroïne possède la capacité de marcher sur les mains. Et donc, quand elle se retrouve dans un décor inversé, de s'accrocher au plafond qui constituait jusque-là le sol.
Une fois ces bases posées, Invercity va faire varier les plaisirs à l'envi dans une courte série de tableaux thématiques ajoutant progressivement différents éléments pour jouer avec cette idée de s'accrocher au plafond : des caisses à pousser, des décors cachés ou encore des ascenseurs à actionner. Mais sans jamais varier de cette règle toute simple consistant à avoir un bouton pour inverser la gravité et un autre pour s'agripper aux surfaces. Le résultat est un jeu qui ne propose finalement qu'une seule idée et qui l'exploite jusqu'au bout. C'est forcément assez court (comptez 3 petites heures pour voir le générique de fin) mais largement compensé par la possibilité de se confronter à la vraie réussite du jeu : ses niveaux bonus et sa gestion plutôt fine de la difficulté.
Des niveaux renversants
Chaque biome d'Invercity ne vous prendra que quelques dizaines de minutes à parcourir, avec une montée graduelle assez bien gérée de la difficulté des énigmes. J'ai particulièrement apprécié la possibilité de zapper une énigme en particulier pour y revenir plus tard de manière assez fluide et instinctive. Une approche vue dans de plus en plus de puzzle games qui est un bon compromis entre proposer des puzzles complexes et ne pas bêtement vous bloquer sur un tableau précis.
Cependant, c'est bien une fois chaque ensemble de niveaux terminé que le jeu se montre le plus retors : à la manière des Face B et C qui constituaient les niveaux cachés de Celeste, Invercity vous propose de revisiter chaque environnement via deux séries de challenges bonus beaucoup, beaucoup plus compliquées. Pour boucler le moindre de ces niveaux, il faudra non seulement avoir parfaitement compris la logique de gravité inversée proposée par le jeu, mais aussi arriver à décomposer des puzzles semblant a priori insolubles.
Si la plupart des énigmes du jeu principal sont assez logiques et ne combinent généralement qu'une ou deux mécaniques, par exemple une caisse à pousser et un ascenseur à débloquer, ces niveaux bonus vont mélanger tout un tas de problèmes à décomposer. Ils vous conduiront souvent à devoir recommencer un tableau à la moindre erreur, et proposent une formidable collection de problèmes à résoudre qui devrait faire le bonheur de celles et ceux qui cherchent un challenge corsé. D'autant que pour ajouter une pointe de perversité à tout ça, ces niveaux bonus peuvent être complétés de manière simple, ou en faisant une sorte de « perfect » nécessitant d'aller récupérer une télécommande cachée au milieu du niveau. Il va sans dire que je suis moi-même bien trop bête pour arriver à comprendre la logique de la moitié, voire des trois quarts de ces niveaux, mais si c'est votre truc, allez-y, vous ne serez pas déçu·e.
Invercity a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Invercity, c'est tout ce que j'aime dans un puzzle game : clair, efficace, pas trop long et appliquant une modulation subtile de la difficulté pour ne pas me bloquer sur une énigme trop tarabiscotée. Certes, on aurait pu apprécier un jeu un poil plus rigoureux sur son emballage, mais essayons de nous concentrer sur le fond et de célébrer cette vraie petite réussite dont certains niveaux bonus continueront à me hanter pendant des mois.
Les + | Les - |
- Concept super efficace et bien utilisé | - Quelques puzzles manquent de lisibilité |
- Les niveaux bonus, vraiment retors | - Version anglaise incomplète sur notre version |
- Court, mais super efficace | |
- La possibilité de sauter une énigme |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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