Quelque part à mi-chemin entre un Bloodborne et un Zelda 2D à l'ancienne, le studio espagnol Moonlight Games entend nous faire explorer avec Hunt the Night un labyrinthe ténébreux où les horreurs indicibles se mêlent aux énigmes retorses.
Il n'est pas étonnant que l'on retrouve ce titre au catalogue de Dangen, un éditeur qui s'est spécialisé depuis quelque temps dans la publication de titres en pixel-art plus ou moins inspirés de l'imaginaire des jeux vidéo japonais. Décor à la Castlevania, gameplay à la Dark Souls et sprites pixelisés vus du dessus quelque part entre Ys I & II et Alundra : Hunt the Night est leur client parfait. Presque trop, à vrai dire : le mélange me semblait si opportuniste que j'avais un peu peur que le résultat tienne davantage de la posture un peu facile que d'un jeu véritablement intéressant. Et même si tout n'est pas rose au royaume des églises putréfiées ravagées par du lichen plein d'yeux répugnants, force est de constater que ça ne fonctionne pas si mal.
C'est à moi que tu stalkes ?
Je pense que le tic le plus irritant des continuateurs de la série Dark Souls, c'est la tendance qu'ont tous les souls like, quasiment sans exception, à renoncer à toute forme de récit clair. Préférer un enchaînement de propos sibyllins grognés par des PNJ à moitié fous et expliquer les tenants et les aboutissants de son univers dans des sous-menus de description d'objets, pourquoi pas ? Encore faut-il que l'ambiance soit assez remarquable pour qu'on ait envie de percer la carapace d'un charabia mystérieusement mystérieux.
Et je dois dire que j'aurais sincèrement aimé que Hunt the Night ne sombre pas dans ce travers, dans la mesure où il s'agit d'un jeu qui fait de ce point de vue une fort mauvaise impression. Essayant tout à la fois de reproduire cette ambiance bizarre et taiseuse des jeux FromSoftware et de développer un univers très élaboré, il se complaît à vous noyer sous les pâtés de textes les plus touffus et les plus compacts possibles. Les dialogues semi-obscurs s'enchaînent, déclamés par des figures inquiétantes dans des décors de cauchemar sans qu'on en ait, hélas, grand-chose à faire.
Pour la postérité, notons tout de même qu'on y suit Vesper, de l'ordre des Stalkers. Ces derniers, ultimes remparts contre l'apocalypse, combattent la Nuit avec un grand N : les ténèbres indicibles et ineffables en train de livrer l'Humanité à une horde de monstres immondes. La plupart des survivants sont malades et corrompus, le moral n'est pas au top du top. Maudite parmi les maudits et rongée par sa face sombre, démon et copie ténébreuse d'elle-même, Vesper va devoir aller aux quatre coins de la contrée pour récupérer cinq bidules magiques dans des donjons horribles dans les entrailles de la terre. Une fois identifiés qui sont les donneurs de quête qui vous disent où aller dans toute cette logorrhée modérément palpitante, on finira par zapper l'essentiel du texte. Non sans réaliser, et c'est fort heureux, que l'on n'en a vraiment pas besoin pour apprécier le reste du voyage, quasiment exemplaire.
Maze il et fou
Ce qui distingue Hunt the Night de nombre de ses concurrents, c'est probablement sa nature labyrinthique. Dès le (très long et déjà bien corsé) niveau tutoriel, le ton est donné : vous allez vous paumer, et pas qu'un peu. Couloirs, précipices, pièges, portes ne débouchant pas à l'endroit attendu, passages cachés : la pauvre Vesper va en voir de toutes les couleurs. Si le level design n'est pas exemplaire, et le sentiment d'ouverture qui vous est laissé au début du jeu s'avère être rapidement un poil plus guidé qu'il n'y paraît, j'ai néanmoins apprécié de retrouver toute l'ambiance d'un Zelda s'amusant à nous faire crapahuter dans des dédales inextricables.
Structuré autour d'un hub faisant office de base où l'on récupère quêtes et améliorations, Hunt the Night va vous faire aller de plus en plus loin dans un monde rongé par une corruption irréversible, dans une ambiance oscillant entre Bloodborne et Castlevania. Les donjons alternent entre du body horror à la Clive Barker et les abominations vues dans les planches de Junji Ito ou au détour d'un sous-sol brumeux façon Silent Hill. Les boss et les ennemis spéciaux sont particulièrement réussis, poussant assez loin le délire graphique de l'horreur existentielle.
On ne reprochera à cette structure alambiquée, pleine de surprises et de secrets à dénicher, qu'un emplacement assez bizarre des points de respawn de notre héroïne. Une fois morte, c'est-à-dire souvent, Vesper est généralement ramenée à la dernière statue d'aigle visitée. Des monuments plutôt rares poussant à se retaper parfois trois, quatre ou dix fois la même portion de labyrinthe déjà explorée. Les morts étant fréquemment volontairement injustes (ennemis ou pièges cachés, manque de visibilité...), on aurait apprécié des points de réapparition un peu plus généreux. Idem pour les objets d'amélioration de Vesper, que l'on aurait souhaités un peu plus abordables : ils sont si chers qu'ils nécessitent de passer de longues heures à récolter la monnaie du jeu et auraient pu être délivrés à un rythme un peu plus rapide. À ces quelques défauts près, qui ralentissent parfois trop le rythme, l'aventure proposée par Hunt the Night est néanmoins palpitante, entièrement portée par un des meilleurs systèmes de combat du genre.
Complètement flingué
La plupart des souls like tentent de reproduire les mêmes mécaniques désormais bien éprouvées : des ennemis qui tapent très fort, dont vous devez apprendre la manière de bouger, un système d'esquive ou de contre... Et des affrontements dans l'ensemble axés sur la défense et l'endurance. Hunt the Night a une autre approche, qui tient davantage du modèle Bloodborne : pour survivre, il faut foncer, attaquer et prendre un maximum de risques.
Initialement très limitée, la palette de mouvements de Vesper va rapidement s'enrichir d'un arsenal conséquent : des grenades, des sorts (dont certains permettent d'absorber de la vie), des fioles de soin, et surtout trois armes à distance de portée et de calibre différents. Le revolver pour dézinguer rapidement les ennemis les plus lointains, le fusil à pompe pour faire un massacre de près, et l'arbalète pour toucher plusieurs cibles en tirant trois carreaux à la fois (les vraies arbalètes ne marchent pas comme ça, je sais).
La petite subtilité qui fait fonctionner l'ensemble comme un charme : pour récupérer des balles, rares, précieuses, mais beaucoup plus puissantes que votre arme blanche, il faut impérativement attaquer. Trois coups d'épée qui font mouche, c'est une balle récupérée dans votre chargeur. Trois balles récupérées, et c'est un coup de shotgun bien rude en pleine poire pour les monstres qui vous approchent de trop près.
Ce système de génération de balles force à tout le temps monter au corps à corps, à frapper avant d'esquiver, et à changer d'arme en permanence au gré des circonstances. Dès que l'on a commencé à débloquer des améliorations et des variantes, Vesper peut se transformer en véritable machine à rouler-bouler-flinguer capable d'infliger des montagnes de dégâts pour peu qu'on prenne le rythme. Les combats a priori impossibles deviennent alors de plaisantes formalités et s'enchaînent jusqu'au prochain pic de difficulté. Généralement un boss qui va d'abord vous éblouir par la qualité de son design, puis vous sécher en deux coups de cuiller à pot. Certes, Vesper est puissante. Mais ça reste un souls like.
Hunt the Night a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Il y a donc encore des choses à inventer dans le monde désormais extrêmement saturé du souls like en 2D ? Eh bien il semble que oui. Avec son système de combat ultra-nerveux et sa structure en donjons labyrinthiques cauchemardesques, Hunt the Night arrive à faire oublier ses défauts et à proposer une série d'explorations aussi anxiogènes que réjouissantes dans un monde au bord de l'abîme. On l'aurait aimé un peu moins disert et un peu mieux organisé, certes, mais rien qui ne vienne ternir ces longues heures de souffrance volontaire.
Les + | Les - |
- Ambiance très réussie | - Trop verbeux |
- Level design très malin | - Quelques bizarreries dans l'implantation des points de sauvegarde |
- Système de combat exemplaire |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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