Signé par deux développeurs indépendants et par Arte France (dont la ludographie commence à être impressionnante), How to Say Goodbye est un puzzle game ayant pour thématique le deuil, avec pour principale originalité de nous le faire vivre du côté des défunts.
Dans les paragraphes qui vont suivre, j'aimerais vous dire beaucoup, beaucoup de bien de How to Say Goodbye. Parce que la thématique du deuil n'est à mon sens pas assez traitée dans le jeu vidéo et qu'elle l'est ici avec une certaine douceur et vraiment beaucoup d'intelligence. Hélas, il s'agit d'un titre qui à plus d'un égard me place face à un dilemme : tout devrait y fonctionner à merveille, mais le jeu tire un but contre son camp en livrant une version plutôt imparfaite, aux commandes gauches et plombées par des petits bugs qui forcent souvent à relancer des chapitres entiers. Généralement pas franchement ce qu'on a envie de faire dans un jeu qui se présente comme piloté par sa narration. C'est donc avec une certaine frustration que j'écris ces lignes.
Après la vie y'a de l'espoir
Pour être clair, il y a un peu deux How To Say Goodbye : celui qui essaye de vous raconter une histoire émouvante et poétique et celui qui essaye de vous faire résoudre des puzzles en vous faisant bouger des tuiles. Le premier est, à bien des égards, assez exemplaire. Long d'à peu près trois heures, le scénario du jeu est vraiment malin et assez original. On y incarne au début de l'aventure une personne récemment décédée qui se retrouve coincée dans des limbes mystérieux en compagnie de nombreux autres fantômes que l'on accompagnera tour à tour dans leur voyage post-mortem.
Chaque fantôme que l'on va incarner ou accompagner tout au long de l'aventure aura besoin de trouver ce qui le retient ici et ce qui pourrait le faire aller de l'avant et passer à l'étape suivante : l'au-delà, quel qu'il soit. Tout ce petit monde a une bonne raison de rester sur place. Des regrets laissés derrière soi, des inquiétudes, avoir manqué de temps pour réaliser une tâche précise avant de trépasser, etc. Le côté malin du jeu, c'est qu'il prend un malin plaisir à nous faire vivre le deuil non pas du côté des survivants, mais bien du côté de ceux qui sont déjà partis. Le récit, inspiré des livres d'enfant, est à la fois doux et rythmé et son style minimaliste n'est jamais un obstacle à la profondeur de ce qu'il cherche à narrer. On n'atteint jamais la profondeur d'un Spiritfarer, mais on s'en approche.
Tout ceci est par ailleurs servi par une direction artistique plutôt charmante : les fantômes y ont un délicieux style old school, drap sur la tête et trous pour les yeux, les décors ont des teintes agréables et le tout baigne dans une bienveillance assumée. Ne versant jamais dans trop de pathos, How to Say Goodbye arrive à jongler avec des thématiques complexes liées à la perte, à l'abandon et au deuil sans jamais devenir ni voyeuriste ni au contraire exagérément pudique. J'ai particulièrement apprécié le fait de pouvoir faire presque tout le jeu d'une traite, ce dernier ayant pile la bonne durée pour se prêter à cet exercice. Dommage donc que cette histoire assez douce et sensible soit percutée par un gameplay, disons, compliqué.
Fantôme Fâcheux
Parce qu'How to Say Goodbye n'est pas tant un jeu narratif à part entière qu'un puzzle game séquencé par une narration, certes ambitieuse, mais assez secondaire en termes de temps de jeu et le puzzle game en question me laisse pour le moins dubitatif. Non pas dans ses mécaniques ou son level design, classiques mais efficaces, mais plutôt dans son exécution qui laisse souvent, voire tout le temps, à désirer.
Découpé en seize séries d'énigmes, le jeu propose généralement d'essayer d'amener un ou plusieurs fantômes jusqu'à une porte de sortie. Ces derniers étant immobiles, ce sera à vous de faire bouger les pièces pour déplacer les clés, les personnages et d'autres éléments au bon endroit. Bref, une sorte de taquin assez simple à comprendre et (légèrement) difficile à maîtriser. Chaque chapitre complexifiant le level design ou ajoutant un petit élément de gameplay : ascenseurs, téléporteurs, etc. De ce point de vue, on ne s'ennuie pas, le design des énigmes est plutôt malin et se renouvelle jusque dans les tout derniers tableaux.
En pratique cependant, rien de très original, mais vu les autres qualités du jeu, on se serait très bien contenté de cela. Le problème, c'est qu'How to Say Goodbye a une expérience utilisateur que je qualifierai de franchement peu optimale pour rester aussi poli que possible. Outre une collection de bugs de collision confinant parfois au ridicule, il m'est arrivé de nombreuses fois de me retrouver face à des énigmes complètement bloquées parce que le jeu refusait avec obstination de me laisser déplacer les cases. Rien de gravissime dans l'absolu, relancer un puzzle depuis le début permettant généralement de débloquer la situation. Sauf que relancer un puzzle est loin d'être aussi simple que l'on pourrait s'y attendre.
Il s'agit d'un jeu dont on a l'impression qu'il est un peu passé à côté de toutes les innovations en matière d'interface proposées par les autres puzzles games majeurs de ces dernières années (on pense à Room to Grow ou au formidable Patrick's Parabox). Par exemple, il est ici impossible de rembobiner ses coups ou même de relancer un puzzle depuis le début d'un clic, comme c'est désormais presque la norme dans le genre. Pire : le jeu ne propose aucun système de sauvegarde intermédiaire. Si vous quittez un chapitre en cours, par exemple à la faveur d'un tableau bloqué par un bug, vous devez recommencer l'intégralité du chapitre depuis sa première énigme. Certes, ces derniers ne sont pas bien longs, mais il aurait fallu, pour qu'on puisse apprécier pleinement l'expérience, faire un choix plus tranché : livrer un jeu absolument dépourvu de bugs et de problèmes d'interface ou le livrer en l'état, avec au minimum un moyen rapide de recommencer un puzzle bloqué.
How to Say Goodbye a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Est-ce que, dans quelques semaines, How to Say Goodbye aura reçu les correctifs nécessaires à le rendre totalement jouable ? Vraiment, on espère très très fort. Car au-delà de ses imperfections et de ses bugs bloquants en pagaille, il s'agit d'un jeu profondément humain et intelligent qui fouille, sans en avoir l'air, la thématique du deuil. On quitte à regret notre bande de fantômes errants et on aimerait que beaucoup d'autres jeux aient le cran de travailler ce genre de thématiques. Et malgré tout ce que j'ai pu dire plus haut, difficile de ne pas vous le recommander. Attendez peut-être quelques jours ou quelques semaines que tout ceci ait été patché en bonne et due forme.
Les + | Les - |
- Histoire simple, mais touchante | - Pour le moment, trop de bugs |
- Thématiques peu abordées par le jeu vidéo | - Manque de fonctionnalités pratiques (rembobinage, etc.) |
- Direction artistique et sonore admirable |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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