Au risque d'en surprendre quelques-uns, figurez-vous qu'être mort, en fait, ça n'est pas très rigolo. Pour commencer, j'ai perdu tout souvenir de ma vie passée – j'ai oublié jusqu'à mon nom. D'accord, j'ai récupéré en échange une chouette mitraillette à essence spectrale, mais j'ai comme l'impression de m'être fait avoir dans la transaction.
Et puis surtout, je croyais que lorsqu'on était mort, c'était pour la vie. Mais pas du tout ! L'au-delà est fourré de dangers de toutes sortes, à commencer par les ténèbres qui m'entourent et dont les yeux innombrables me menacent dès que je sors d'un chemin éclairé. D'ailleurs, même celui-ci est fréquenté par d'autres ectoplasmes qui ne nous veulent pas que du bien, à ma fiancée et moi. Quoi, je ne vous ai pas encore parlé d'elle ? Ah, je dois avouer que je ne sais pas bien qui c'est. Ça ne nous empêche pas de passer de bons moments ensemble. Heureusement qu'elle est là, finalement.
Après parution de cet article, il est apparu que le développeur principal de Hauntii partage sur X/Twitter des opinions abjectes. Notre opinion tient toujours, Hauntii est en soi un titre plaisant, mais nous ne pouvons plus le recommander.
Hantise système
Difficile de classer Hauntii dans le grand bazar des jeux vidéo. Lui-même se définit comme un twin-stick shooter, ce qui n'est objectivement pas faux puisque la seule action disponible consiste effectivement à tirer à la manette sur tout ce qui bouge (et même parfois sur ce qui ne bouge pas). Mais déjà la définition déraille un peu, car le résultat diffère selon la cible. Tirer sur la plupart des ennemis, notamment ceux repérés par une couleur rouge, permet de s'en débarrasser : jusque-là, rien d'étonnant. Mais viser d'autres éléments – qu'ils soient agressifs ou non, voire même certains éléments de décor : à vous de deviner ce qui réagit – peut donner un résultat totalement différent… car une bonne rasade de flux spectral permet d'en prendre possession.
Cette mécanique ouvre à son tour énormément de possibilités, car emprunter le corps de vos cibles permet à son tour des actions variées. Prendre possession d'un démon muni d'un gros tromblon fournit par exemple un avantage évident, et le jeu vous en laissera d'ailleurs la possibilité aux alentours des gros combats. Mais que se passe-t-il si vous décidez de hanter une coccinelle ? Eh bien, vous pouvez en profiter pour voleter ceci-delà. Hanter un arbre ? C'est possible, vous pouvez alors le secouer pour illuminer un peu plus les environs, repoussant ainsi les ténèbres qui limitent l'espace de jeu (et permettant donc de s'aventurer un peu plus loin sans danger). Je vais m'arrêter là dans les exemples, car la découverte de toutes les mécaniques de hantise fait clairement partie du plaisir du jeu.
Le Fantôme de l'Apéro
Difficile également de vous raconter ce qu'on fait dans cet univers onirique. Volontairement ou non, le scénario de Hauntii n'est pas envahissant. Tout ce que l'on peut saisir, c'est que notre petit fantôme est vaguement amoureux d'une entité de lumière – une "Éternienne", nous dit-on sans plus de précision. De temps en temps, la demoiselle en détresse est capturée par tel ou tel mystérieux antagoniste ; là, c'est clair, il faut aller la libérer. Mais la plupart du temps, elle se contente de flotter à nos côtés. Alors, on fait comme tous les amoureux, on se promène, on va à la fête foraine, on explose des sorciers malfaisants, ce genre de choses. Une relation platonique standard, quoi.
Du coup, la trame se réduit alors à… flâner à travers une série de niveaux. C'est un peu Alice au pays des Fantômes, passant d'un tableau un peu absurde à l'autre. La promenade est loin d'être désagréable, tant la direction artistique est formidable et portée par une bande-son de qualité. Les screenshots ne rendent pas justice à ce petit monde dessiné avec amour, qui fourmille de détails et d'interactions. L'utilisation intelligente des sprites et noir et blanc rappelle d'autres titres qui favorisent l'observation, notamment l'excellent TOEM.
Comparaison d'autant plus justifiée que Hauntii pousse à fureter un peu partout pour dénicher de nombreuses étoiles cachées dans les niveaux à la façon d'un Super Mario, et qui sont autant de mini-jeux ou simplement de découvertes à faire. L'une va être cachée en haut d'un arbre, l'autre est la récompense d'une attraction foraine, une troisième s'obtient après une victoire sur une vague de coriaces adversaires. La chasse aux étoiles est vraiment le cœur du jeu ; et même si certaines se répètent un peu, on se prend très vite au jeu de la collection, qui n'est jamais pesant. De toute façon, tout est prévu pour pouvoir avancer sans avoir tout récupéré.
En visitant un observatoire, on rassemble ces étoiles en constellations qui font remonter des bribes du passé de notre petit fantôme. Si le procédé est relativement classique, ces souvenirs sont souvent quelque chose de touchant, puisqu'ils racontent la vie d'avant la mort. Cette mémoire retrouvée rend également notre héros plus fort, ce qui s'exprime ludiquement par un petit bonus classique : un cœur de plus, une augmentation de la capacité de tir ou de déplacement.
Who you gonna call ?
S'il est donc extrêmement mignon, Hauntii n'échappe pas à quelques faiblesses. Le rythme général est un poil bancal ; il arrive que l'on traverse une série de niveaux à grappiller des étoiles sans pouvoir les dépenser, ce qui fait qu'on rattrape d'un coup plusieurs souvenirs en vrac. Des tableaux plutôt calmes alternent avec une série de difficultés à la maniabilité parfois perfectible, selon le mécanisme de hantise requis.
La gestion des ressources est également un peu étrange : pour utiliser les pouvoirs des créatures possédées, il faut souvent consommer de petites flammes que l'on glane ici et là. La plupart du temps, il n'y a pas lieu de s'en préoccuper… jusqu'à ce que l'on tombe sur un passage un peu plus délicat qui nous fait consommer une bonne partie du stock – et provoque alors quelques sueurs. Cela n'est pas forcément un défaut pour tout le monde, mais autant être prévenu : Hauntii connaît parfois quelques soubresauts. Toutes ces petites imperfections font partie du revers de la médaille : on a là un jeu artisanal, qui tente beaucoup de choses sans perdre de sa cohérence. Cela aurait pu mal finir, mais la tartine tombe ce coup-ci du bon côté. Au final, Hauntii n'est pas loin d'être le coup de cœur de ce début 2024.
Hauntii a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Flâner à travers des tableaux, en dénichant des étoiles cachées un peu partout : on a déjà vu plus original, mais difficile de rester insensible quand c'est aussi bien amené. Avec son univers travaillé et son système de hantise que l'on a perpétuellement plaisir à redécouvrir, Hauntii peut compter sur un énorme capital de sympathie qui permet d'éponger quelques maladresses.
Les + | Les - |
- L'univers riche et détaillé à la main | - Des problèmes de rythme |
- Une bande-son grandiose | - Quelques passages peu maniables |
- La mécanique de hantise toujours renouvelée | - Pas toujours lisible |
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