Développé en solo par le Philippin Adrian Corpuz, Hatchwell est une tentative de revisite de Zelda minimaliste à ambiance colorée et joyeuse comme on en voit de temps en temps. Sauf que cette fois-ci, vous avez un animal de compagnie en guise d’arme secondaire. Que demander de plus ?
Saperlipopette ! Alors que la ville d’Hatchwell se préparait pour son grand festival annuel, une série d’événements terribles (éboulements, vignes devenues folles, monstres errants, etc.) vient perturber la tranquillité locale ! Ni une ni deux, les habitants se tournent vers vous, le⸱a joueur⸱euse et son animal de compagnie (au choix un chien, un chat ou une poule) pour aller réparer tout ça. Hatchwell vous propose une aventure qui se déploie sur une bonne dizaine d’heures et qui ne manque pas de bonnes idées, hélas fragilisées par un level design un peu bancal, une réalisation qui alterne le pire et le meilleur et une ergonomie à retravailler.
Des problèmes au menu
Commençons par les sujets qui fâchent : Hatchwell, c’est avant tout un rythme particulièrement mollasson qui vous poussera souvent dans la voie du découragement. Depuis le hub central constitué par le cœur de la ville dont on suivra l’évolution tout au long de la journée du festival, vous allez devoir résoudre une série de petits problèmes rencontrés par les habitants, et distribués sous forme de dialogues un peu poussifs, assez peu caractérisés, et vous donnant souvent des indications assez vagues sur ce qui est attendu de vous. Il est dommage qu’au bout de dix heures de jeu, on peine encore à se souvenir du nom du moindre personnage secondaire de l’aventure. Si l’univers est tout de même attachant et qu’on se plait à réparer les malheurs du village, tout est un poil désincarné.
De plus, si la quête principale se suit sans aucune difficulté (on sait toujours où se situe le prochain gros donjon du jeu), le contenu annexe et les trésors cachés sont distillés avec une parcimonie un poil frustrante dans la première moitié de l’aventure. Hatchwell met en effet une bonne demi-douzaine d’heures à vous distribuer les items nécessaires à une exploration un peu poussée de la ville. Dommage, cette dernière révèle pas mal de secrets généralement plus intéressants à dénicher que ceux des donjons principaux. Une ambiance de flottement et d’errance s’installe vite, un peu aggravée par le fond musical assez raté du jeu, particulièrement dans le village central : des boucles de cuivres synthétiques cheap d’environ 30 secondes qui vous rendront assez vite marteau. Fort heureusement, ces pouêt-pouêt agressifs sont plus rares dans les donjons du jeu, qui proposent des mélodies tout aussi faiblardes et répétitives, mais moins irritantes. On en ressort avec l’idée que les environs d’Hatchwell ne sont pas très agréables à explorer. Heureusement, tout est en partie sauvé par le pixel art assez minimaliste mais très expressif du jeu.
Hélas, ce rythme légèrement cassé ne s’améliore pas vraiment dans les fameux donjons : relativement longs et labyrinthiques, ces derniers proposent des énigmes souvent assez fastidieuses à défaut d’être difficiles : attendez-vous à multiplier les allers-retours, à tuer les mêmes monstres dans les mêmes salles en boucle et à recommencer des puzzles déjà terminés si par malheur vous vous faites tuer, seuls les objets ramassés en route étant conservés après un échec. Bref, Hatchwell est un jeu qui manque étrangement de fluidité, et dont l’ergonomie douteuse n’aide pas : impossible par exemple de changer d’objet secondaire à la volée, ce qui pousse à faire de nombreux allers-retours dans les menus quand une énigme nécessite, par exemple, d’utiliser une pelle et une lanterne. À l’époque d’un Zelda version console portable, c’était un choix compréhensible : il n’y avait que deux boutons. En 2022, on n’a peut-être pas de pétrole, mais on a des gâchettes et des raccourcis clavier pour nous faciliter la vie. Heureusement, malgré ces limites irritantes, Hatchwell est aussi un jeu qui ne manque pas de cœur, ni de bonne volonté.
Doggos et Dragons
Malgré ses donjons un peu cabossés, ses musiques irritantes et son rythme flingué, Hatchwell est finalement un jeu assez attachant, avec une ambiance d’aventure douce qui transpire l’amour des modèles revendiqués par son auteur : les épopées naïves des premiers épisodes de la série The Legend of Zelda (particulièrement Link’s Awakening), et la relation symbiotique d’un dresseur et de son animal vue dans la série Pokémon.
De Zelda, Hatchwell garde la logique de la vue du dessus, des cœurs à collectionner, de la panoplie d’objets étendant petit à petit et rythmant l’aventure. Il garde aussi sa science des boss à patterns, chaque gros donjon étant ponctué par un gardien avec sa propre logique et son propre point faible. Enfin, il garde le côté (un tout petit peu) non linéaire vous proposant de sortir des sentiers battus pour aller dénicher quelques bonus dans les recoins de la carte. On notera même quelques citations ultra directes, à l’image de ces poules placides devenant subitement les ennemis les plus redoutables du jeu une fois perturbées.
De Pokémon, Hatchwell tire sa meilleure idée, qui résume assez bien l’ensemble de la proposition du jeu : c’est Zelda avec un animal en sidekick. En gros, vous êtes en permanence accompagné⸱e d’une bestiole qui gravite autour de vous, possède sa propre barre de vie, et va vous aider à vivre vos aventures. Tout le jeu baigne d’ailleurs dans un évident amour des animaux (sauf ceux que vous zigouillez dans les donjons) : plusieurs quêtes impliquent par exemple de faire des câlins aux matous du village. Le problème, c’est qu’à part pour son côté mignon, Hatchwell exploite assez peu cette idée de jeu d’aventure avec un familier qui n’a en fait que deux uniques comportements (que vous pouvez changer à la volée) : attaquer et défendre.
En mode attaque, votre compagnon se rue sur les ennemis et va ramasser l’argent et les cœurs qui traînent, et accessoirement se faire dégommer assez vite. En mode défense, il va plutôt ramasser les coups à votre place comme une sorte de bouclier mobile… Et se faire dégommer assez vite aussi. Pas de panique ni de cruauté animale ici : privé de cœurs, votre petit pote se contente de vous suivre en attendant que vous lui remettiez de la vie. Mais on touche très, très vite à la limite du système : la mécanique de compagnon animal aurait pu être utilisée de mille manières, par exemple pour activer des pièges, résoudre des énigmes, battre les boss de telle ou telle manière, etc. Mais il n’en est rien : on se retrouve simplement avec une sorte d’épée autonome avec l’IA d’une cuillère, à peine plus utile qu’un item bonus dans un shoot them up. Le système reste attachant, j’ai d’ailleurs beaucoup aimé parcourir la map avec mon petit chien qui sautait partout pour ramasser du loot, mais hélas, ça ne va pas beaucoup plus loin.
Hatchwell a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Avant de jouer à Hatchwell, il faut se souvenir qu’il s’agit d’un projet à petit budget, réalisé par une seule personne, avec une ambition modeste : revisiter les premiers épisodes de The Legend of Zelda en y ajoutant un compagnon animal. Une donnée qui aide à oublier les défauts plutôt nombreux du jeu : son rythme étrange, son ergonomie pas très optimale, son système de sauvegarde frustrant, et j’en passe. On recommandera ainsi de se concentrer davantage sur tout ce que Hatchwell réussit : son ambiance bienveillante, son hub plein de petits secrets, la simplicité de son concept ou encore son monster design plutôt malin et surprenant. Si on ne tient pas, et loin s’en faut, le jeu du siècle, il s’agit d’un action-RPG très prometteur qui nous donne vraiment envie de voir ce qu’Adrian Corpuz entend nous proposer par la suite.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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