Il aura fallu près de dix ans à Cygames pour accoucher de son RPG Granblue Fantasy: Relink, ce qui n'est jamais très rassurant. De manière surprenante, pourtant, le résultat est assez plaisant, en partie grâce à un développement qui a fait des choix radicaux, mais pertinents.
En réalité, le développement de ce jeu a été si long que l'univers Granblue a évolué sans lui dans de nombreux autres jeux. Initialement prévu pour 2018, il devait faire suite à un jeu mobile paru en 2014, avant de s'enfoncer dans un développement chaotique le mettant à l'écart de son propre projet transmédia. Entre-temps, Granblue est devenue une franchise de jeux de baston, un projet animé, un manga parodique et j'en passe. L'inquiétude était donc grande : comment un JRPG avec une bonne génération de retard sur la production actuelle pouvait-il à la fois raccrocher les wagons, ramener un nouveau public vers cet univers de niche et être dans le même temps un jeu vidéo intéressant ? La réponse repose en partie sur un système de combat et une mise en scène solides. Des éléments qui arrivent à faire passer la pilule d'une aventure dans laquelle tout n'est, en filigrane, qu'une histoire de chiffres, de jauges et de pourcentages à faire monter en boucle.
Ça plane pour moi
Le premier pari réussi de Granblue Fantasy: Relink consiste à parvenir à vous intéresser au scénario d'un jeu faisant directement suite à un jeu de 2014 auquel il est peu probable que vous ayez joué. La méthode est simple, et consiste à considérer que vous n'avez pas grand-chose à savoir. Les personnages se connaissent déjà, mais peu importe. On vous tape très vite sur l'épaule en mode "T'en fais pas, tout ce que tu dois comprendre c'est qu'on est des aventuriers dans un bateau volant et qu'on doit protéger cette zouz magique".
Au fil de mon voyage d'île flottante en donjon suspendu, j'ai bien vite compris le côté très astucieux de la démarche : les événements précédents de la licence sont distillés tout au long d'une série de brèves missions annexes permettant de reconstituer les aventures de Lyra et compagnie sans grande difficulté. Une narration faite à l'économie (en partie par des écrans fixes), mais jamais envahissante ni verbeuse, et systématiquement délivrée avec des bonus utilisables dans cette nouvelle aventure.
Et l'aventure en question, eh bien, à ma grande surprise, elle tient tout à fait la distance. La quête principale est étonnamment courte (comptez 15 heures en ligne droite, le triple avec les quêtes annexes), mais utilise cette concision pour raconter une histoire super efficace. Il est question de grosses bébêtes qui mettent le bazar dans le ciel, d'une secte et de gens à secourir, le tout sur fond de vaisseau pirate et d'aventuriers à l'amitié indéfectible. Les classiques du shônen sont là, et ils sont parfaitement fonctionnels. Granblue Fantasy: Relink ne s'éparpille jamais en considérations secondaires. Il propose même une mise en scène baroque, mais super efficace et spectaculaire dans la dizaine de grosses quêtes principales du jeu. Un jeu qui parvient aussi à surprendre dans sa fonctionnalité principale : son système de combat particulièrement bien foutu.
Mille milliards de mille sabords de points de dégâts
Granblue Fantasy: Relink ne me semble pas tout à fait être un seul jeu. Il y a clairement deux aventures très distinctes là-dedans. Celle, très plaisante, qui vous propose d'aller taper des kaijus dans le ciel, et celle constituée par les quêtes annexes, 100% focalisées sur le système de combat et de progression des personnages.
Les bases du combat sont assez simples : vous lockez un ennemi, vous alternez les coups forts et les coups faibles et vous balancez vos compétences quand elles sont prêtes pendant que vos compagnons se battent mieux que vous. De temps en temps, on vous propose de faire une attaque en binôme avec un pote, et, plus rarement, une super méga attaque enchaînée avec le giga turbo méga combo de tout le monde.
Ça fait des grosses explosions, badaboum pif paf, et le compteur de points de dégâts s'emballe au fur et à mesure que des effets pyrotechniques saturent l'écran. Rien qu'avec ça, vous pouvez traverser la quête principale sans trop d'encombres, en ne faisant qu'un tout petit peu de grinding de temps à autre pour récupérer de meilleures armes ou booster un peu vos stats.
Mais pour peu que vous souhaitiez un peu de challenge, Granblue Fantasy: Relink vous propose en parallèle des dizaines de missions annexes 100% centrées sur des affrontements nécessitant une pleine maîtrise du système de combat. Missions qui révèlent alors une sacrée profondeur dans le système de progression des personnages à mesure qu'elles vous octroient des éléments permettant de débloquer des armes et des compétences. Et c'est probablement le principal tour de force de Granblue Fantasy: Relink, ainsi que l'élément qui mettra, sans doute, pas mal de monde de côté.
Sobre, mais gourmand
Car ce que les missions annexes du jeu révèlent, c'est surtout une immense arborescence de compétences à débloquer, de personnages à recruter, de stats à optimiser et de combos à inventer. La structure de cet "autre" Granblue Fantasy: Relink, c'est un très vaste trou de lapin vers un univers constitué de pourcentages, de bouts de fragments, de micro récompenses et de jauges qui montent dans tous les sens. Le tout, bien sûr, avec une bonne dose de notation et de scoring pour vous inciter à débloquer encore et toujours plus de gros chiffres qui montent.
Et on ne va pas se mentir : il faut être client des mécaniques de type gacha (et des boîtes de Skinner en général) pour adhérer à cet aspect précis du jeu, qui n'est, au fond, qu'une immense perte de temps. Perte de temps certes destinée à taper des gobelins en boucle pour faire monter des chiffres dans un tableau, ce qui est satisfaisant, mais perte de temps quand même. Il s'avère que je suis moi-même client de l'expérience parce que ça me permet d'écouter des podcasts en même temps, mais il vaut mieux le savoir avant de se lancer dans l'aventure.
Et par je ne sais quel miracle d'équilibrage ou de game design, Granblue Fantasy: Relink arrive à ne jamais vous forcer à vous coltiner cet aspect du jeu si vous n'en ressentez pas le désir malsain. En ligne droite, il constitue un joli petit RPG qui brille par son économie de moyens et son côté compact très assumé. Mais il place en permanence des buffets à volonté de trucs gras et sucré sur les côtés de la route si vous souhaitez vous égarer. L'un ne prend jamais vraiment le pas sur l'autre. C'est admirable.
Granblue Fantasy: Relink a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et PlayStation 5.
Quelques semaines après sa sortie, Granblue Fantasy: Relink a déjà passé le million d'exemplaires écoulés. C'est assez remarquable pour un jeu qui aurait pu ne jamais voir le jour et dont la sortie a en elle-même constitué la fin d'un long calvaire. Et, j'en suis le premier surpris, ce succès critique et commercial est parfaitement mérité. Je ne suis pas certain que l'on se souvienne bien de ce jeu fin 2024 tant l'actualité du RPG japonais s'annonce dense dans les prochains mois. N'empêche que celui-ci mérite, au moins, un peu de votre attention.
Les + | Les - |
- Une économie de moyens au service de la mise en scène | - Si vous n'adhérez pas au système de grind, l'aventure est très courte |
- Scénario simple et efficace... | - ... mais il faut aimer les grosses ficelles classiques du JRPG |
- Super système de combat | - Quelques mécaniques de leveling sont parfois un peu obscures |
- Équilibrage assez remarquable |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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