Événement qui semble presque mineur au regard des espoirs portés sur le projet de remake sous forme de trilogie de Final Fantasy VII, le nouvel épisode principal de la série phare de Square Enix est pourtant bel et bien sorti. En soulevant les habituelles avalanches de hype et de déception de la part des fans. Il faut dire que le changement de direction par rapport aux épisodes précédents est plutôt radical.
Tous les héros ne portent pas de cape. Clive, le héros de Final Fantasy XVI, est tellement edgy qu'il pourrait porter une cape dans une cape. Clive, dont il faut signaler qu'on ne se souviendra probablement pas de son nom dans quelques années. Pas plus que l'on ne se souvient de celui de tous les TPS violents où l'on incarne des bruns taciturnes qui communiquent par monosyllabes, par la violence ou par les deux. Et l'on ne se souviendra sans doute pas trop non plus du nom de Jill, la sidekick qui passe les dix premières heures de l'aventure dans le coma ou de Barnabas, un des antagonistes du jeu qui a tellement la même tronche que Clive que je dois toujours faire une pause dans les cutscenes pour vérifier que c'est bien lui. Je sais que ce n'est pas une entrée en matière très réjouissante pour parler d'une des superproductions japonaises de l'année, d'autant plus que, je vais y revenir, il me semble que Final Fantasy XVI est par certains aspects un excellent jeu. Un excellent jeu particulièrement mal écrit, particulièrement malhabile à mettre en avant ses points forts, bourré de quêtes secondaires grotesques et de retournements de situation nullissimes. Mais un jeu qui arrive miraculeusement à exceller dans beaucoup d'autres domaines, à commencer par un système de combat et un sens de la mise en scène qui confinent au meilleur de ce qu'a produit Square Enix depuis plus de vingt ans.
Est-ce que Final Fantasy XVI avait sa chance ?
Final Fantasy XVI a déclenché des centaines et des centaines de débats stériles à base de "c'est quoi un bon FF", voire "c'est quoi un FF" tout court. J'y reviendrai, mais je ne suis pas certain que quoi que ce soit de très pertinent puisse vraiment sortir de ces questions très chargées en affect et en vécu personnel : tous les amateurs de RPG japonais ont "leur" vision de ce qu'est la série Final Fantasy. Si vous voulez la mienne, histoire de savoir d'où je vous parle, eh bien il me semble qu'avant tout, un Final Fantasy c'est un vaisseau amiral. Une sorte de mastodonte technique, marketing, conceptuel et artistique qui se veut être un état de l'art de Square Enix à un moment donné. Final Fantasy XVI se pose donc, selon moi, ainsi : voici tout ce que Square Enix est capable de faire de plus impressionnant et de plus flamboyant en interne, avec des potards budgétaires poussés au maximum.
Je mettrai tout de même une petite nuance là-dedans : contrairement aux autres épisodes majeurs numérotés de la série, ce Final Fantasy XVI nous arrive avec un boulet au pied, à savoir être en concurrence interne directe avec un autre béhémoth signé Square, encore plus cher, long et ambitieux : tout le gloubiboulga de remake / remaster / demake / spin-offs de Final Fantasy VII. Au regard de ce projet pharaonique (et jusqu'ici plutôt réussi, au moins pour son épisode principal), le seizième épisode de la série apparaît étrangement presque mineur. Il ne l'est pas. Mais il arrive dans cette période étrange durant laquelle les yeux sont déjà tournés vers Final Fantasy VII Rebirth et où le portefeuille de Square Enix est lui toujours tourné vers un Final Fantasy XIV qui continue à imprimer de l'argent comme s'il n'y avait ni lendemain ni inflation.
Il me semble aussi que dans ce contexte, la proposition de Final Fantasy XVI avait des chances d'être accueillie avec des sourcils levés de la part d'une communauté de fans de jeu de rôle comportant pas mal de gatekeepers faciles à énerver. Tous les FF ont eu droit à ce traitement. Le passage à la 3D du 7 est une trahison, le côté romantique du 8 est une trahison, le côté conte de fées (trop linéaire) du 9 est une trahison, le côté tropical (et trop linéaire) du 10 est une trahison, le système de combat (et la linéarité) du 12 est une trahison, le côté linéaire (puis le côté non linéaire) du 13 est une trahison, le côté boy's band (pas assez puis trop linéaire) du 15 est une trahison. Les fans d'une série basée sur la rupture davantage que sur la continuité ont toujours préféré leurs souvenirs à ce qu'on leur a concrètement fichu entre les mains. Sauf que la rupture imposée par Final Fantasy XVI est un peu plus sèche.
Fini la science-fiction, l'humour, la gestion d'équipe, les courses de chocobos ou même la moindre notion de combat au tour par tour, de management d'inventaire ou de je ne sais quoi qui fait ou "ferait" l'essence d'un jeu de la série. Ici, la proposition se tourne vers un beat them all à grand spectacle, mâtiné de combat de kaijus façon Godzilla vs Mecha Godzilla dans un monde opérant une fusion improbable entre The Witcher, Game of Thrones et Devil May Cry. C'est en partie, je crois, autant une bénédiction qu'un échec assez lamentable.
Clivemari no Suzoki
Une partie des critiques m'ont semblé un peu dures avec le scénario de Final Fantasy XVI. Tout n'est pas à jeter là-dedans, mais il me semble qu'il faut, en la matière, distinguer le lore, la mise en scène, la narration et les dialogues : tout y est très inégal, et visiblement déchiré entre les visions de ses différents créateurs. Créditer Kazutoyo Maehiro (le scénariste qui a notamment "sauvé" Final Fantasy XIV) comme seul coupable de ce fatras serait un peu court, tant le jeu est également empreint de la patte du producteur Naoki Yoshida ou du co-réalisateur Hiroshi Takai, un ancien de la série SaGa amateur de dark fantasy occidentale. Ce qui unit tout ce beau monde, c'est qu'il s'agit clairement d'une équipe davantage orientée sur la mise en scène que sur l'écriture. Créer un univers, l'animer et y faire évoluer des personnages, ce sont des choses très différentes. Et contrairement à un Final Fantasy XV dont la vision finale avait été sacrifiée sur des problématiques de production pendant dix ans et dont il manquait, à la sortie, une bonne moitié du jeu, je veux croire que ce nouvel épisode est exactement ce que cette équipe entendait proposer.
Et le résultat est pour le moins inhabituel. Le contexte proposé par Final Fantasy XVI est classique, mais efficace pour qui s'est déjà frotté à un récit de dark fantasy : dans un monde torturé par des conflits géopolitiques majeurs, au bord d'une apocalypse causée par l'épuisement inexpliqué des terres arables, un jeune noble, Clive, est victime d'une trahison atroce. Il perd sa famille, est séparé de son amie d'enfance, se retrouve réduit en esclavage, et quand il est devenu un beau brun adulte, musculeux et ténébreux, il va se rebeller contre tout ça et sauver le monde de nobles corrompus. Oh, et bien sûr, dans cet univers, les principaux personnages peuvent se transformer en gros esprits géants liés à des cristaux, ce qui promet de belles confrontations pour savoir qui est le plus fort entre le kaiju de glace et le kaiju de la foudre. Ce n'est vraiment pas très original, mais ça fonctionne. On ne peut pas enlever ça à FFXVI.
Ce qu'on ne peut pas non plus lui ôter, c'est un certain sens du spectaculaire, façon gothique flamboyant. Il ne se passe pas une demi-heure de ce jeu sans qu'on soit agoni d'explosions, de monstres géants, de duels fratricides monumentaux et de combats contre des boss (parfois des boss robots, bien sûr, tant qu'on y est) avec plusieurs phases et transformations sur fond de chœurs angéliques. Oui, c'est de l'art pompier comme on en voit rarement, mais la maîtrise est là, on sent la team FFXIV à la rescousse : tout ceci est mis en scène de manière époustouflante. C'est ce qu'ils savent faire : c'est ce qu'ils font.
Et puis il y a le reste : les personnages, les dialogues, la narration, qui n'ont visiblement été ni la priorité ni la spécialité de l'équipe dirigeante du projet. Et il faut quand même bien le dire, c'est assez lamentable. Le personnage principal est monolithique et insipide, grognant de rares lignes de dialogues pour, généralement, ne rien dire de pertinent ou commenter une action que l'on a déjà très bien comprise. Une sorte de silent protagonist parlant, en quelque sorte. Ses compagnons sont eux profondément unidimensionnels, et les antagonistes sont presque tous aussi caricaturaux que des méchants secondaires d'un épisode filler de Ken le Survivant. Tout le monde cabotine, grimace, débite des idioties incohérentes sans qu'on comprenne bien où tout cela veut en venir.
Mention spéciale aux personnages féminins, réduit à des potiches amoureuses ou à des prostituées. Des prostituées telles qu'imaginées par un enfant de treize ans en pleine puberté. N'allez pas chercher dans le bordel de Madame Apolline le côté spectaculaire et rococo du chapitre du cabaret de Final Fantasy VII remake ni son propos pas si bête sur le travail du sexe. Non, dans FFXVI, les femmes sont soit des amoureuses transies du héros, soit des succubes dont on sent que les traducteurs français ont presque eu du mal à ne pas utiliser le mot "prostipute" dans les sous-titres parce qu'on est précisément à ce niveau de maturité d'écriture. Mention spéciale à Benedikta, une antagoniste qui aurait pu être iconique et dont les apparitions sont systématiquement gâchées par une écriture lamentable ne lui donnant que deux traits de caractère notables : folle du cul et folle tout court. Entendons-nous bien : je suis ravi qu'un JRPG essaye (enfin ?) de parler de problématiques plus variées, et nous présente (enfin ?) des personnages adultes avec une vie sexuelle et un passé qui ne se résume pas à "j'ai quinze ans et mon village a brûlé et je suis amnésique". Mais si c'est pour avoir l'impression que tout ceci est traité de la manière dont le ferait Vincent Adultman en ricanant bêtement "pfrrrr le sexxx j'ai pas raison ?" en écrivant les dialogues, je ne suis pas certain que c'était la bonne manière de l'aborder en 2023.
Ce récit extrêmement emo et puéril se paye en plus le luxe de multiplier les impasses narratives et les incohérences. Au bout d'une dizaine d'heures, on renonce lentement à comprendre. Pourquoi Clive pense-t-il qu'il sera plus discret pour s'infiltrer chez l'ennemi une fois LITTÉRALEMENT vêtu des fringues de son père assassiné par eux ? Comment fonctionne le lien entre les invocateurs de bestioles et la magie, puisque le jeu a l'air de changer les règles toutes les deux heures ? Pourquoi le statut des esclaves a l'air de varier tous les deux cents mètres en fonction de ce que le jeu a besoin de raconter ? Pourquoi un espion peut-il se cacher derrière une caisse, à cinq mètres des personnages, en se frottant les mains à l'idée de la trahison à venir, et ce avec un premier degré qui confine au grotesque ? Et qui, qui dans l'équipe, d'auteurs et de game designers qui se sont succédé sur le projet, a pensé qu'il était utile de consacrer une demi-heure de combat mental où Clive, se battant contre son double maléfique, doit faire des QTE pour "s'accepter" ? Presque chaque moment essayant de faire vivre cet univers (par ailleurs fort joli) est un moment de grotesque indigne d'une production de ce calibre. Et puis, il y a le reste.
De Cape et The Crow
Déjà, il me semble important de le signaler : Final Fantasy XVI, c'est beau. Et c'est d'autant plus remarquable que Square Enix a été assez incapable de présenter de manière complète et cohérente son nouvel univers. Tous les trailers et les démos présentaient un ensemble de ruines marron et grises, promettant une épopée aussi terne que la Costa del Sol de FFVII était lumineuse. C'est étrangement trompeur, car oui, vous allez errer dans des bois morts et des donjons caca d'oie. Mais vous allez aussi voyager dans de sublimes déserts lumineux, des forêts verdoyantes, des contrées lacustres, et visiter des villes sublimes. Loin d'être "50 nuances de Farum Azula", FFXVI est un jeu qui ménage aussi bien ses effets d'ombre que ses effets de lumière. N'enlevons pas à Square ce qu'ils ont toujours su et sauront sans doute toujours faire : utiliser les machines d'une génération donnée pour pousser les potards graphiques à leur maximum. Voici un jeu qui va vous proposer parmi les plus beaux couchers de soleil sur une mer aux reflets mordorés de votre année de gaming.
Bien sûr, tout ceci baigne dans une ambiance particulière, à mi-chemin entre les âges sombres du Sorceleur et les envolées d'orgue lyriques et baroques d'un Symphony of the Night : une fois vêtu de sa tenue définitive, Clive ressemble carrément à Alucard, avec sa cape, ses épaulettes et son attitude de fan de Linkin Park se prenant un peu trop au sérieux. On peut ne pas aimer cette esthétique, mais je veux croire que c'est, au moins, exactement le résultat que recherchait l'équipe artistique, et que sa vision est ici pleinement aboutie. Contrairement, donc, à un Final Fantasy XV qui ne savait jamais s'il voulait être Star Wars, Fast and Furious ou le Guide du Routard édition Californie et qui ne parvenait pas à concrétiser ses idées par un second acte amputée d'une grosse partie de son contenu et un chapitre final qui n'était tout simplement pas livré avec le jeu, à l'exception de son poussif dernier combat. Au moins, FFXVI vous montre ce qu'il veut, et ne vous fait pas traverser la map en camionnette en vous disant "bah là ça a l'air intéressant, mais t'iras pas parce qu'on a pas eu le temps de le faire".
Tout ceci étant dit, il faut encore considérer que ces aspects narratifs mis à part, Final Fantasy XVI se doit d'être un jeu vidéo. Et là aussi, on ne peut pas ôter à Square Enix une certaine vision, profondément différente de ce que la série a proposé jusque-là. Le côté linéaire, comme je le disais, on est habitués : à quelques exceptions près, les FF ont toujours été assez directifs, même quand ils donnaient l'illusion du contraire. Final Fantasy VII, souvent loué pour la grandeur de son univers, vous met sur des rails (parfois littéralement) pendant 95 % de son intrigue, ne vous laissant que quelques quêtes annexes à effectuer une fois que vous avez un bateau et un avion. FFXVI reprend plus ou moins la structure habituelle, mais de manière plus transparente : tunnel narratif, arènes de bagarre, moment où on fait des quêtes annexes, et rebelote. Difficile en revanche de trouver un précédent (dans un épisode principal) ayant aussi explicitement réduit son côté "jeu de rôle" pour lui substituer un impressionnant système de combat basé sur un bourrinage de touches en rythme à la Devil May Cry, une des autres influences criantes du projet.
Du RPG au beat them all, c'est toujours un Final Fantasy
J'ai vu des gens tenter de "défendre" Final Fantasy en argumentant que oui "il s'agit toujours d'un jeu de rôle" parce que le jeu a "plus de compétences à débloquer que Diablo 4" et que "The Witcher 3 n'a presque pas d'élément RPG", des jeux à qui personne n'oserait pourtant contester ce qualificatif rôlistique. Il me semble que cela est surtout révélateur d'une incapacité de notre part à envisager le jeu vidéo sous un angle qui ne tire pas vers le pur test de produit, réduit à un ensemble de taxons rassurants basés sur leur genre, leur durée de vie, leur parenté ou éventuellement leur écurie de départ. Bien sûr, tout ceci est intéressant, mais conduit aussi à produire des absurdités comme le fait qu'un jeu serait trop ou pas assez un "JRPG" en fonction de son nombre de sous-menus, de son rapport aux épisodes précédents, du nombre de sous-quêtes ou de compagnons managés. Si vous voulez mon avis : quel ennui.
Il faut, je crois, évacuer cette question à laquelle je n'ai que des réponses peu pertinentes au regard du jeu que j'ai entre les mains : qu'est-ce qu'un Final Fantasy ? Parce qu'à mon sens, un Final Fantasy, c'est surtout ce qui est écrit sur la boîte du jeu et qu'un éditeur a choisi d'étiqueter Final Fantasy pour des raisons d'identification de marque et parce que c'est mieux que "la belle aventure de Clive au pays des personnages féminins écrits comme des balais à chiotte". Plus sérieusement, c'est un FF parce que c'est un FF, et ce n'est pas très important. Si vous y tenez absolument, il y a des doudous rassurants : le thème musical à la harpe, les chocobos, un mog qui se promène pour vous faire plaisir, et des cristaux partout, dans tous les sens, tout le temps, une vraie orgie dans une usine de jouets pour adultes à Baccarat. Ceci me semble moins important que le fait que Final Fantasy XVI soit formellement un jeu qui, indépendamment de ses autres épisodes, possède une idée très aboutie de son gameplay, et que ce dernier soit parfaitement efficace dans ce qu'il essaye de produire.
Je suis (surtout) venu ici pour me battre
Profondément bicéphale, Final Fantasy XVI va diviser votre temps de cerveau disponible en deux : d'une part regarder de longues, très longues, cinématiques, y compris pendant des quêtes annexes insipides impliquant généralement de livrer des plats de nouilles à des paysans, et d'autre part des combats. Nombreux, et même omniprésents, même si leur fréquence n'a rien à envier à ceux de la moyenne de la série. La principale différence, c'est que davantage que les anciens systèmes de bagarre, celui-ci va exiger de vous un peu d'implication et de coordination. C'était attendu : depuis Final Fantasy XII, la série abandonne lentement, mais sûrement le combat au tour par tour pour virer de plus en plus loin dans l'action pure et dure. Ce nouveau titre va juste beaucoup plus vite et beaucoup plus loin dans cette idée.
Devil May Cry, donc, mais aussi Bayonetta, God of War et même Bloodborne sont ostensiblement passés par-là. Chaque affrontement (où vous ne contrôlez que Clive, ses compagnons vivent leur propre vie) va vous demander d'alterner un mélange d'attaques à distance, d'attaques de proximité avec coups faibles et coups forts, et de pouvoirs spéciaux à jauge de recharge. Ces derniers, liés à des éléments, peuvent être modulés en choisissant d'autres créatures débloquées plus tard dans le jeu. Légèrement vertigineux dans ses premières minutes, le système de combat de Final Fantasy XVI est en fait particulièrement instinctif, avec pile le bon niveau de complexité pour qu'on arrive à la fois à s'amuser, à sortir des combos spectaculaires et à rencontrer (un peu) de challenge lors des combats contre les boss les plus redoutables.
Il faut par ailleurs signaler qu'un effort vraiment significatif a été effectué sur les possibilités (nombreuses et originales) de modifier la difficulté. Il est non seulement possible de passer à tout moment le jeu en "mode histoire" rendant les combats anecdotiques pour celleux qui souhaitent juste une grosse série Netflix entrecoupée de scènes d'action, mais aussi d'ajuster les combats du "mode normal" de manière assez fine. Vous pouvez par exemple automatiser les esquives, faire en sorte que les commandes liées à Torgal (le compagnon canin de Clive) soient gérées par l'IA ou encore ajouter des QTE vous donnant une chance de passer au travers d'un coup mortel. Après quelques ajustements, il est très facile de trouver un compromis qui conviendra à peu près à tout le monde. Si vous êtes hostile à l'idée même de tuer des trucs dans un Final Fantasy, le jeu peut concrètement prendre ça en charge à votre place. C'est, de ce point de vue, un système exemplaire. Et ce n'est pas le seul point que l'équipe a réussi à transformer et à améliorer en profondeur par rapport aux standards habituels des RPG signés Square Enix, voire des JRPG dans leur ensemble.
Une interface épurée et avant-gardiste
À l'exception notable de la série Persona et de rares autres bons élèves, les jeux de rôles fabriqués au Japon ont tout de même la fâcheuse habitude d'être un immense foutoir, embrouillamini de sous-menus de sous-menus, avec des inventaires interminables et des catégories entières inutiles, où trouver la moindre information est un cauchemar. Final Fantasy XVI, et c'est probablement une de ses ruptures les plus radicales, a choisi une approche complètement inverse, et le résultat est merveilleux.
Quelques onglets, tous pertinents, un inventaire limité, mais clair, un arbre de compétences à débloquer ultra lisible, un système d'équipement et de craft très simple et peu envahissant : tout concourt à vous laisser tranquille et à ne pas vous faire perdre de temps dans des tableaux redondants et inutiles. Vous ne serez assailli ni de centaines de chiffres abscons, ni de pourcentages à gogo, ni de problématiques de micro-management de votre stock de consommables, ce qui accélère grandement le rythme d'un jeu résolument tourné vers l'action.
Dans le même ordre d'idée, FFXVI est exemplaire dans sa manière de vous signaler via des indicateurs clairs quand une boutique vend de nouveaux objets, quels endroits déjà visités proposent des points d'intérêt, ou si vous risquez de rater quelque chose en changeant de chapitre. Tout est donc fluide, et contribue à faire de cet épisode un des plus rythmés de la série. Certes, redisons-le, c'est pour raconter n'importe quoi. Mais peu importe, l'effort est bel et bien là.
Mention spéciale à ce qui, je pense, est la plus grande idée de game design apportée par un JRPG depuis des années : le lore dynamique. À chaque instant du jeu, vous pouvez presser une simple touche vous permettant d'afficher les articles du codex interne qui résument qui est qui et qui fait quoi dans le moment scénaristique actuel. Vous avez lâché le jeu et vous ne savez plus qui est Gab, dans quelle province vous vous trouvez ou qui était ce type dont on vous raconte la mort treize ans plus tôt ? Pas de problème, en deux clics, vous avez un résumé succinct. Une fonctionnalité complétée par un codex exhaustif dans votre camp de base : chaque élément développé par le jeu (personnages, monstres, lieux, sociologie, histoire…) bénéficie de plusieurs fiches correspondant à l'état de vos connaissances à chaque chapitre. C'est absolument limpide, et si vous avez lâché le jeu quelques jours, cela vous permet en quelques secondes de retracer les méandres du scénario. Je veux que tous les jeux narratifs possèdent un système similaire et j'espère sincèrement que, de ce point de vue au moins, Final Fantasy XVI aura des héritiers et inspirera en profondeur des générations de game designers.
Final Fantasy XVI a été testé sur PlayStation 5 via une clé fournie par l'éditeur.
De manière assez décevante, mais néanmoins peu surprenante, il me semble évident que ce Final Fantasy XVI aura du mal à être le préféré de qui que ce soit. Un petit peu à la manière du douzième épisode, il propose une rupture tellement nette dans ce que le public imagine que devrait être un Final Fantasy qu'il ne peut que dérouter. Et il déroute d'autant plus qu'une partie non négligeable de cette rupture est franchement ratée : vous n'avez, hélas, probablement pas envie d'incarner Clive en train de parler à deux personnages insignifiants dans une maison close tandis que la bande-son vous envoie des hanhan.wav pour vous signaler que c'est un jeu mature et que maintenant FF c'est pour les adultes. Par contre, pour peu que vous puissiez avaler cette grosse pilule et que vous ne soyez pas hostile à l'idée de toucher à un jeu scénaristiquement décérébré, mais fonctionnellement exemplaire, beau et spectaculaire avec un système de combat parfaitement équilibré entre fun et exigence, il se peut que vous passiez une cinquantaine d'heures assez satisfaisantes et que, pourquoi pas, Final Fantasy XVI vous reste en tête pour des années et des années. Et même si c'est davantage pour l'ergonomie de ses menus et le côté bluffant de ses combats débiles de monstres géants que pour les choses profondément stupides qu'il entend raconter, c'est déjà mieux qu'une bonne partie de la production actuelle. Et c'est un excellent passe-temps en attendant Final Fantasy VII Reborn. S'il y a d'ailleurs quelque chose à retenir de tout ceci, c'est qu'il est désormais assez clair que Square Enix mise bien davantage sur le gargantuesque projet de revival de FFVII que sur ce seizième épisode, dont on ne peut pas nier qu'il laisse quand même, sous ses tonnes de qualités et de défauts, l'impression d'un jeu certes abouti, mais sacrifié sur l'autel d'intérêts plus grands.
Les + | Les - |
- La mise en scène assez époustouflante | - Scénario et dialogues particulièrement stupides |
- Système de combat ultra efficace | - Les personnages masculins sont sous-écrits, les personnages féminins sont une honte |
- Probablement le FF le plus ergonomique | - Structure du jeu qui finit par être très répétitive |
- Beaucoup plus beau et rythmé que les previews ne le suggéraient | - Quêtes annexes indignes |
- Quelques vraies belles idées dans le lore | - Doublage français étrangement à côté de la plaque |
- Les zones semi-ouvertes sont un plaisir à explorer | |
- Les ajustements de la difficulté, très fins et malins |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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