Après sept jeux, dont le très chouette Pendragon et l'un de mes jeux préférés du monde Heaven’s Vault, Inkle revient avec Expelled!… et quand j’aurai fini cette critique, j’irai écrire une petite lettre d’amour à Inkle, parce que vous savez quoi ? J’aime bien les jeux narratifs réussis.
Tôt le matin, quelque part au cours de l’année scolaire 1922, vous êtes tranquillement dans votre pensionnat chic pour jeunes filles talentueuses. Il pleut, on vous méprise à cause de votre origine sociale, vous allez devoir assister à l’office, on est bien en 1922 en Angleterre dans un pensionnat. Vous êtes pauvre et déjà on vous éduque, vous voulez quoi en plus, du respect ? Un peu de sérieux. Bref, la fin du trimestre devait être banale, mais il n’en est rien, car la capitaine de l’équipe de hockey a visiblement décidé de se prendre pour une feuille morte et de s’écraser sur le terrain de sport, cassant dans sa chute le magnifique vitrail de la bibliothèque. Quel manque de savoir-vivre. Voilà qu’en plus on vous accuse de l’avoir poussée, sous prétexte que votre crosse de hockey se trouve dans la bibliothèque. Vous n’y êtes pour rien, vous, vous n’avez même jamais raté un cours, ni même menti. C’est gonflé quand même. Bref, vous voilà renvoyée séance tenante. Votre père, à qui vous racontez ça, vous demande si vous êtes bien sûre que c’est ce qui s’est passé. Bon, vous avez oublié un ou deux détails, c'est vrai, mais quand vous allez lui raconter, vraiment, il verra que c’est injuste. Vous recommencez donc le récit de votre journée et… ben, vous êtes renvoyée de l’établissement quand même.
Mais dites donc, miss Verity Amersham, êtes-vous bien sûre que vous dites la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ?
Oh, euh…
C'est pas vous qui me virez… ah si
Vous allez donc recommencer cette journée, encore et encore, et vous faire virer un nombre incalculable de fois (19 dans mon cas) pour diverses raisons. Bien sûr, cette répétition va vous amener à tester différents choix, différentes réponses et sans doute à arrêter d’être une jeune fille parfaite, après tout, comme le dit le dicton, les filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent et vous n’avez pas particulièrement le projet d’aller au paradis prochainement. De tentative en tentative, vous allez réussir à ne pas vous faire virer immédiatement, vous laissant un peu plus de latitude pour explorer. Vous allez découvrir des trucs, des passages, vous allez aussi découvrir comment vous rappeler ce que vous saviez à la tentative précédente et éventuellement peut-être même comment ne pas vous faire virer du tout. Qui sait.



Verity Amersham ne sera pas restée une fille sage très longtemps… elle est toujours virée par contre.
Évidemment, vous connaissez la chanson pour les jeux narratifs de ce genre, on ne peut pas en dire trop pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. C’est dommage, car j’aimerais vous partager tout ce que j’ai tenté et les scènes que je n’ai découvertes qu’au bout de ma douzième tentative, mais au fond, ça ne vous apporterait rien comme ça. Je vais toutefois noter, avant de passer à l’aspect plus structurel du jeu, que les thèmes abordés sont surprenamment assez sombres (au regard du ton des dialogues) et pas très souvent évoqués (selon moi et le panel de jeux auxquels j’ai joué, c’est donc un avis biaisé), surtout de manière frontale. On peut évoquer pêle-mêle et sans ordre particulier le colonialisme britannique, la religion et la foi, les problèmes inhérents aux systèmes de pensionnats, surtout religieux, le mépris des pauvres, etc. Ce n'est en aucun cas un jeu lugubre, le ton est plutôt léger et tendant sur l'humour, mais ces thèmes plus sombres trouvent tout à fait leur place, sans paraitre tomber comme des préfètes par les fenêtres (ou un cheveu sur la soupe, si vous préférez).

Le thé à toute heure
D’apparence très simple, Expelled! déplie rapidement ses arcs narratifs et ses possibilités, créant tout un monde qui bouge avec ou sans vous. Les autres élèves peuvent vous avoir vu quelque part, se déplacent, se rappellent ce que vous leur avez dit, multipliant ainsi les possibilités et les embranchements et donc les pistes à suivre ou les interactions à tenter. Si question gameplay, il n’y a rien de plus simple, on clique sur une salle et on choisit des options de dialogues (ou des actions à effectuer), il m’est arrivé de me sentir un peu perdue. Pas assez pour que ça amoindrisse le plaisir que j’ai eu à jouer, mais quand même, par moment, j'aurais apprécié avoir un système un peu similaire aux carnets de quêtes des RPG ou quelque chose qui permettrait de suivre les embranchements empruntés et savoir si j’avais découvert tout ce qu’il y avait à savoir sur un personnage.

Évidemment, un tel système enlèverait un peu au côté organique de la découverte et du plaisir de débloquer par hasard un pan de l’histoire qu’on n’avait pas vu jusque-là en choisissant d’autres options, mais au bout de plus d’une vingtaine de parties (qui durent entre 5 et 45 minutes), je sais que je n’ai pas tout découvert, mais je commence à manquer d’idées sur ce qui me reste à découvrir. Puisqu’on en est aux critiques, il m’est arrivé à quelques reprises de trouver que les options de dialogues ou les réactions n’étaient pas en accord avec ce que je savais des personnages à un moment donné. C’est parfois un tantinet frustrant, mais c'est très ponctuel et la structure n'en souffre pas trop. La narration réussit à entrecroiser les histoires et changer le déroulement des événements selon les options choisies et c’est vraiment très chouette de découvrir de toutes nouvelles interactions, rendant moins frustrant de retomber sur des scènes déjà vues ou de se faire encore virer.
Misant à fond sur la rejouabilité, le système propose à tout moment de recommencer la journée, un ajout très pratique quand on se rend compte qu’on est en train de refaire strictement la même chose qu’avant, ou de rejouer la scène en cours si celle-ci ne prend pas la direction voulue et une option pour passer rapidement les dialogues si nécessaire.
À moins d’être allergique à l’Angleterre, aux jeux narratifs ou à l’idée de recommencer encore et toujours la même partie pour obtenir des résultats différents, ce qu’on peut vraiment reprocher au fond à Expelled!, c’est peut-être d’avoir laissé tomber son titre d’origine Miss Mulligatawney's School for Promising Girls pour un titre plus simple et plus direct. Qui d’entre vous saurait prononcer Mulligatawney ? C’est bien ce que je pensais. Non, vraiment, c'est un chouette titre qui exploite à fond la possibilité qu’offrent les jeux vidéo de développer des histoires sur plusieurs niveaux et en parallèle et de les faire évoluer dans le temps. Et puis, il y a la question qui se pose, quel genre de personne va devenir Verity Amersham sous votre houlette ? Et, en fait, pouvez-vous vraiment vous faire confiance ?

Expelled! a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur iOS et Nintendo Switch.
Si la finalité d’Expelled!, c’est de ne pas se faire virer du pensionnat et garantir l’éducation de Verity Amersham, c’est surtout une invitation à explorer cette micro-communauté de l’Angleterre des années 20 et de découvrir l’histoire de chacune et quelques secrets pas très reluisants qui se cachent derrière l’image soignée de ce pensionnat religieux pour jeunes filles talentueuses. Si toutes les possibilités qu’il offre le rendent parfois un peu confus ou difficile à naviguer lorsqu’on a exploré les pistes les plus évidentes, il n’en est pas moins malin, généreux, et on se retrouve après au cours d’une partie à se dire "Alors là… la prochaine fois, je testerai ça comme ça parce que je vois bien qu’il y a un truc là à faire" et à relancer une partie de plus.
Les + | Les - |
- La narration qui évolue au fil des découvertes | - Quelques réactions et scènes pas très en phase avec le contexte |
- La grande liberté d'action | - Il manque une option pour mieux suivre les arcs narratifs |
- La très jolie DA | - Pas de version française |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
Articles similaires
Avowed - Je voue mes nuits à la med fantasy
mars 09, 2025
Two Point Museum - Art vivant
mars 09, 2025
Grimoire Groves - Capipoutalisme
mars 08, 2025