Existe-t-il une joie plus immédiate que de jouer dans la gadoue ? Ne le niez pas, vous rêveriez d'être à nouveau gamin pour avoir le droit de passer des heures à trifouiller cette substance à la viscosité indéfinie. Moi-même, je ne compte plus le temps passé à embourber de nombreux camions dans la boue de SpinTires (2014), puis MudRunner (2017) et enfin SnowRunner (2020, et ses très nombreux DLCs). Alors quand Saber Interactive m'a proposé de replonger, je n'ai pas hésité très longtemps.
Si vous avez raté les épisodes précédents, rassurez-vous, le concept n'est pas bien compliqué. Prenez de bons gros camions et faites-leur traverser des espaces dont la simple évocation ferait frémir votre C3 Picasso : rivières en crue, gigantesques flaques de boues, forêts et autres pierriers. Voilà, c'est tout, c'est le jeu. Le but n'est absolument pas d'aller vite, simplement de rester sur ses quatre roues et parvenir à son objectif avant d'avoir cramé toute sa réserve de carburant.
Là où on va, on n'a pas besoin de route
Autant vous prévenir, il va être difficile de ne pas parler de SnowRunner, tant ce nouvel épisode en est le prolongement immédiat. À quelques détails près, il aurait presque pu être un DLC supplémentaire… mais n'anticipons pas et commençons par nous débarrasser du superflu. Exit les supertrucks et autres monstres d'acier noyés dans un nuage de gasoil : Expeditions met en lumière les "petits" véhicules, les 4x4 et quelques camions légers. Terminées, les monstrueuses caravanes de marchandises à livrer sur toute la carte ; d'ailleurs, dites adieu également aux pistes cabossées, car les étendues sauvages que vous affrontez sont pour l'instant totalement vierges de toute trace de roue. Nous sommes censés venir en paix dans ce royaume naturel — ce qui n'exclut pas de rouler sur quelques arbrisseaux çà et là.
Sortis de la zone tutorielle, nous voilà partis pour deux environnements, l'Arizona et les Carpates. Le premier nous oppose son relief en escalier et des fonds de vallées boueux, le deuxième des murailles de sapins et de vastes torrents. Surprise : dans cet épisode, l'enlisement dans la boue n'est pas le danger le plus fréquent. Toujours pas de sable non plus, pourtant bien présent dans le Dakar Desert Rally développé par la branche sœur de Saber Porto. Par contre, il faudra affronter des pentes rocailleuses et sauter de roche en roche au risque de basculer à tout instant.
Mètre après mètre, on progresse en activant les différentes options au fur et à mesure des difficultés : passage aux 4 roues motrices (qui consomment plus), blocage du différentiel (forçant les roues gauches et droites à tourner à la même vitesse) ; lorsque cela ne suffit pas, accrocher le treuil ou tenter quelques autres nouveautés, comme la possibilité de régler le gonflage des pneus pour une meilleure adhérence, au risque d'endommager les roues. Loin d'être des gadgets, certains ajouts comme les jumelles et le drone deviennent des compagnons utiles, voire indispensables pour repérer son chemin à l'avance. D'autres sont plus anecdotiques, comme le recrutement de coéquipiers (qui n'apparaissent même pas dans la cabine : quel dommage !).
Attention les secousses
Prudence : la version testée n'était visiblement pas finale et contenait un certain nombre de bugs ou de fonctionnalités manquantes. Problèmes mineurs pour la plupart, une caméra temporairement coincée ou ce genre de choses ; parfois plus embêtants comme l'impossibilité de changer pour une voiture garée sur une autre carte. De nombreux véhicules étaient déjà débloqués, ce qui permet certes de les tester, mais rend la progression initiale plus futile. Tout cela n'est pas étonnant pour une preview, mais la quantité de couacs fait penser qu'il en restera probablement quelques-uns à la sortie.
Ce qui risque de ne pas changer tout de suite, c'est l'impression de foutoir général. Pour un jeu dont le gameplay est littéralement d'aller du point A au point B, Expeditions est particulièrement peu clair. On a du mal à retrouver des objectifs semblables, rangés dans des catégories différentes. Les véhicules transportent de l'équipement et/ou du chargement, ce qui n'est pas la même chose ; il m'est arrivé de réaliser que j'avais mal validé l'un ou l'autre après avoir lancé l'expédition. Rien d'insurmontable, mais on peut se demander pourquoi ce genre de choses, parfois mal importées des précédents jeux, n'ont pas été mises à plat.
Tant qu'on est dans les doléances : parlons des mini-jeux qui émaillent la progression. C'est une véritable ode à la préhistoire des mini-jeux, avec le fameux "appuyer sur le bouton quand la barre est dans le bon segment", mais aussi "cliquer partout sur l'étang boueux jusqu'à trouver quelque chose" ou "balayer tout l'écran jusqu'à ce que le focus devienne vert pour comprendre ce qu'il fallait photographier". On comprend bien que Saber ait voulu ajouter un changement de rythme… mais cette partie manque cruellement d'inspiration.
J'ai encore rêvé diesel
Malgré tous ces moments à pester, je dois l'avouer : la magie MudRunner fonctionne toujours. Oui, ok, on parle tout de même d'un jeu de 4x4 extra-lents qui ne parlera pas à tout le monde. Ce qui me fait y retourner encore et encore, c'est que j'y trouve un rythme à la fois zen et stressant. Un peu comme construire un château de cartes : zen, parce que rouuuuler touuuut douuucement serait pratiquement une expérience ASMR — si le son des moteurs de 4x4 était mieux réussi, ce qui est malheureusement loin d'être le cas. Très stressant, car le moindre cahot peut retourner la bécane comme une tortue et possiblement réduire à néant les dernières heures de progression. À moins de lancer un autre engin dans une mission de sauvetage désespérée, d'où l'intérêt de bien garnir son expédition pour parer à ce genre d'éventualités.
Car comme son titre l'indique, le jeu est maintenant haché en expéditions à la place de la progression continue des précédents épisodes. On commence donc par choisir jusqu'à quatre tacots et un objectif principal, ce qui revient à peu près toujours à cartographier une nouvelle zone. Quelles que soient les difficultés rencontrées, il faudra se débrouiller avec cette flotte limitée, sous peine de tout recommencer.
On peut certes regretter le manque de stratégie à long terme de SnowRunner, où l'on pouvait disposer des réserves de carburant sur la carte en vue de futurs périples. En pratique, ce changement de rythme s'avère assez rafraîchissant. Lorsque les itinéraires minutieusement planifiés dérapent, il faut alors se débrouiller avec ce que l'on a sous la main pour récupérer la jeep tombée à l'eau, ou se résoudre à engager des frais supplémentaires de récupération. Dans ces moments-là, le jeu parvient à se dégager de ses problèmes techniques et devient véritablement palpitant. Rien que pour le plaisir de vivre une course haletante à 5km/h contre un réservoir d'essence quasi vide, je suis prêt à pardonner beaucoup.
Il y a de quoi manger son volant lorsque l'on coince son véhicule pour la énième fois. Pour éviter cette dégustation, déblayons tous les paradoxes de la conduite tout-terrain.
- Lorsque le véhicule commence à pencher sérieusement, ayez le réflexe de tourner les roues dans la direction de la chute (si vous penchez à gauche, tourner à gauche). C'est contre-intuitif au début, mais ça marche.
- Le trajet le plus court n'est généralement pas la ligne droite. Ce "raccourci par la forêt" vous fera probablement perdre beaucoup de temps, Petit Chaperon rouge.
- Aller moins vite permet (parfois) d'aller plus vite. Certaines boîtes de vitesses permettent d'attaquer une flaque vaseuse avec une vitesse très basse, ce qui retarde l'enlisement.
- À l'inverse, activer toutes les roues motrices permet parfois un gain de vitesse considérable : même si la consommation à la minute augmente, elle diminue à distance égale.
Expeditions: A MudRunner Game a été testé sur PC via une clef fournie par l'éditeur.
Avec un rythme plus cadré et plus accessible, Expeditions: A MudRunner Game prend le risque de perdre une partie de ses fans camionneurs habitués à tracter de lourdes charges. Il embarque pourtant un certain nombre d'atouts susceptibles de faire pencher la balance… à condition de se débarrasser de quelques casseroles qui gênent la progression.
Les + | Les - |
- C'est toujours MudRunner | - Bugs plus ou moins gênants |
- Variante souvent bien exploitée | - Interface toujours mal pensée |
- La tension au bout des roues | - Ces mini-jeux... |
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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