Étrange projet que cet Exo One. Expérience aux allures contemplatives, aventure de science-fiction poussée ou encore walking simulator futuriste, on peut le décrire un peu comme on veut. Le fait est qu’on est loin de ce qui se fait d’habitude et, si c’est toujours rafraichissant, ça en a fait forcément un jeu difficile à traiter.
Exo One est le fruit du travail de Jay Weston, développeur indépendant au sein d’Exbleative, même s’il n’est pas le seul à avoir créé le jeu. On retrouve à ses côtés David Cazi pour du soutien au niveau du code (le mec a bossé sur Hollow Knight, pas dégueu niveau CV) et Rhys Lindsay pour la partie soundtrack très qualitative. On est sur une très petite équipe dont Jay Weston reste le principal acteur, le tout publié et mis en avant par Future Friends Games. C’est aussi pour cela que, suite à la sortie du jeu, ce dernier est revenu sur ce qui a motivé sa création dans un thread twitter assez intéressant. On y apprend par exemple les éléments principaux à l’origine du lore et son état d’esprit personnel.
Clairement, on sent qu’il y avait une volonté de proposer autre chose que ce qui se fait d’habitude. C’est ce qui a plu aux gens dès le départ, tout en restant forcément quelque chose de niche, comme en témoigne la réussite modeste de la campagne Kickstarter (40 103 dollars australiens sur les 35 000 demandés). Une somme d’ailleurs pas très élevée quand on sait ce que peut demander en ressources la conception d’un jeu vidéo. C’est donc encore plus impressionnant de constater le résultat final.
La boule magique
Après une ouverture qui se passe presque sans distinction entre phase cinématique et gameplay, on débute Exo One. Va alors se mouvoir sous nos yeux une étrange sphère dont on va découvrir les contrôles. Habilement, cette phase va faire office d’introduction aux commandes simplissimes du jeu. Si la sphère que l’on déplace est, on l’apprend vite, en réalité un vaisseau à la technologie avancée, cela ne va pas se ressentir pour ce qui est de le faire bouger : gâchette gauche pour que le vaisseau se détache de la gravité de la planète et se mette à planer, gâchette droite pour s’en rapprocher rapidement et gagner en vitesse. À cela s’ajoute la possibilité d’effectuer un saut et double-saut, et c’est tout. Voilà, simple, basique. Une facilité de prise en main qui fait qu’en quelques minutes on comprend la mécanique principale : profiter des dénivelés du sol pour prendre un maximum de vitesse et rester en l’air le plus longtemps possible. La finalité de tout ça étant d’arriver à une sorte de propulseur stellaire, capable d’expulser le vaisseau vers une autre planète, ouvrant la voie à un nouveau niveau.
La gestion de la gravité comme mécanique de déplacement est vraiment intéressante et nous pousse à optimiser au mieux l’alternance entre « forme plate » et « forme ronde ». On pourra aussi tenter de récupérer des améliorations, légèrement éloignées de la “route principale”, et permettant d’augmenter la capacité de planeur du vaisseau. Et ça, c’est sans compter sur les différents environnements des planètes sur lesquelles on va évoluer. Certains vont être contraignants et nous ralentir, là où d’autres vont au contraire nous accélérer. Ça sera le cas, par exemple, de structures monolithiques qui propulseront la sphère à une vitesse énorme, permettant de rester plus longtemps dans les airs. Mis à part un ou deux moments de l’aventure où il faudra la parfaite maitrise des contrôles, alliée à une bonne compréhension des trajectoires (et un peu de chance aussi parfois), la maniabilité du vaisseau reste excellente, ce qui laisse du temps pour profiter du véritable cœur d’Exo One : son aspect d’expérience sensorielle.
Des étoiles dans les yeux
Dur de ne pas être impressionné par le boulot abattu sur l’esthétique du jeu. Au-delà des graphismes en général, c’est la maîtrise des paysages qui est le premier point marquant. Je ne parle pas ici de détails incroyables ou de modélisation ultra précise, mais bien de la sensation d’immensité qui nous est offerte. Comme indiqué plus haut, l’environnement et principalement les aspérités du sol possèdent une grande importance dans le gameplay. Et pour en profiter, il faudra bien analyser la topographie des planètes où l’on évolue. Une faculté donc largement facilitée par le rendu de ces dernières. Si c’est vaste, c’est aussi parce qu’aucune forme de vie consciente n’est perceptible. Pas de zone grouillante, de villages clairsemés ou autres cités futuristes : seules d’étranges et gigantesques structures métalliques seront décelables sur quelques-uns des astres visités. Le reste est constitué de mers, sols et montagnes, et évidemment du ciel.
Cette liberté totale, elle est renforcée par deux éléments. Le premier, c’est l’ambiance sonore et musicale. Puisque les environnements nous mettent souvent aux prises avec une météo extrême, le rendu audio devait être de qualité et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est réussi. Exo One offre une grande diversité d’effets, qu’il s’agisse de mettre en valeur le crash d’une météorite à la surface d’un immense océan, de retranscrire le bruit du sol neigeux qui s’enfonce sous le poids de la sphère ou même le frottement de l’air contre le vaisseau lorsqu’on quitte l’infinité de l’espace pour aller caresser la surface d’un cratère.
Le second, c’est la variété des effets visuels. En effet, ceux-ci viennent ajouter une touche d’immersion supplémentaire et participent à notre voyage spatial. Les rayons d’un soleil lointain, les gouttes d’une pluie torrentielle, l’opacité de nuages aux reflets colorés, tout cela offre une densité à un univers dans lequel on s’immerge rapidement.
L’espace d’un instant
À de nombreux moments, Exo One réussit à créer des instants d’évasion, où on se laisse porter par le jeu, en admirant les courbes des objets stellaires que l’on parcourt ou survole. Toutefois, à la différence d’autres titres aux élans contemplatifs, il manque un petit quelque chose pour créer de l’attachement. Cela vient peut-être de la narration. Celle-ci, très évasive, ne se dévoile qu’à coups de phrases dont on peine à saisir le sens tout au long de l’aventure. C’est même encore un peu le cas une fois Exo One terminé : l’interprétation de ce qu’on a vécu et ce qui s’est passé reste assez ouverte.
Il y a clairement un manque au niveau de notre implication dans la narration, et l’environnement ne suffit pas à nous donner des éléments capables de répondre à nos questions. C’est pourquoi lorsqu’on finit le jeu, on peut être un peu déçu. La durée courte d’Exo One (entre deux et trois heures) ne suffit pas à créer un lien. Or, si je n’ai pas de problèmes d’habitude avec ça, ici, je suis resté sur ma faim. C’était sûrement, toutefois, aussi le fruit d’une décision artistique du développeur principal : une expérience sensorielle puissante qui, derrière son gameplay simple et efficace, veut garder une grande part d’énigmatique.
Exo One a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Xbox One et Xbox Series.
Au final, l’intensité des prises de vitesse et l’ambiance visuelle et sonore exceptionnelle auraient mérité une narration moins cryptique et un peu plus de renouvellement de gameplay. Exo One est quoiqu’il en soit une création vidéoludique à part. Un mélange pas toujours optimal de Journey et 2001, l’Odyssée de l’Espace, ou de Flowers et Interstellar, une expérience avant tout artistique, qui mérite au moins le coup d’œil (surtout tant qu’il est disponible sur le Game Pass). Et pour celles et ceux qui auraient déjà fait le jeu et qui passeraient par là : une scène speedrun se met déjà en place et c’est impressionnant.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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