Après avoir planché sur les deux Dungeon Crawlers Legend of Grimrock acclamés par les quelques milliers de personnes attachées à ce genre très spécial, une partie des développeurs finlandais d’Almost Human a fondé le studio Ctrl Alt Ninja pour proposer une expérience relativement différente : un Tactical RPG au tour par tour, dans la veine des récents XCOM ou encore de Mutant Year Zero. Avec une approche très orientée puzzle, Druidstone: The Secret of the Menhir Forest débarque sur PC pour le meilleur et pour le pire.
Et au moins, les développeurs de Druidstone n’ont pas fait semblant de présenter leur titre comme une grande fresque épique qui va révolutionner la narration telle que nous l’avons connue jusqu’ici : avec son aspect austère en diable et son histoire ultra minimaliste et inintéressante, il est très rapidement évident que nous sommes là avant tout pour faire évoluer une poignée de personnages complémentaires dans une série de missions vaguement liées les unes aux autres et construites pour nous creuser les méninges. Est-ce à dire que nous sommes simplement partis pour enchaîner les missions comme on enchaînerait les résolutions de problèmes dans un cahier de vacances dans une maison de vacances dans le Finistère ? Hélas, et malgré les qualités de l’ensemble, il y a un peu de cela, saupoudré d’une couche de mauvaise foi.
Comment Suer dans les Bois
Druidstone vous place dans la peau d’une bande de personnages liés à un cercle druidique, chargés de protéger une forêt millénaire d’une mystérieuse corruption qui transforme les animaux en monstres et fait se relever les morts de leur tombe. Pour arriver à vos fins, vous enchaînez les missions dans un ordre semi-linéaire (chaque épreuve réussie vous offre une ou plusieurs nouvelles maps) bien pratique pour ne pas rester scotché trop longtemps sur une même difficulté.
Les missions se composent soit d’une situation de combat au tour par tour, soit de puzzles à résoudre, en poussant par exemple une série de blocs dans le bon ordre ou en désactivant des séries de rayons mortels. Dans les deux cas, le niveau de difficulté est assez relevé et la courbe d’apprentissage assez raide. On comprend rapidement, après quelques échecs, que ce ne sont pas réellement vos talents de tacticien qui sont mis à rude épreuve, mais plutôt ceux de logisticien. Chaque mission de Druidstone ne consiste souvent qu’à un certain nombre de scripts créant des situations à résoudre. L’Intelligence Artificielle ne s’adapte pas réellement à vos stratégies, vous devez comprendre comment les développeurs ont souhaité que vous résolviez chaque confrontation.
Quand vous débarquez avec votre petite escouade sur le champ de bataille, toute la panoplie habituelle du TRPG à l’occidental est là : points d’action, positions à couvert, gestion des pouvoirs, complémentarité des personnages. Ce qui varie, c’est ce côté très die and retry des missions qui sont toutes parsemées d’événements imprévisibles de type « quand je passe sur cette case, la carte change » ou encore « au huitième tour, ma retraite est coupée par des renforts ennemis ». L’absence quasi systématique de messages préalables à ces événements ont pour conséquence de systématiquement vous faire échouer aux premiers essais passés sur une carte, votre marge de manœuvre étant souvent trop serrée pour vous permettre de vous adapter. Vous devez donc connaître par cœur l’enchaînement des difficultés proposées par une situation donnée avant de la résoudre. Ou alors, et c’est là où la proposition commence à se fragiliser, vous pouvez toujours faire du leveling forcené comme un idiot.
Il est tombé dans le grinding quand il était petit.
Le côté peu équilibré et peu prévisible des affrontements de Druidstone, souvent assez longs, peut être largement contourné par la possibilité qui arrive tôt dans le jeu de refaire les missions déjà bouclées en échange d’un peu d’expérience. Ce faisant, le joueur peut tenter de boucler les objectifs annexes liés aux missions principales de chaque carte : finir en un certain nombre de tours, ouvrir tous les coffres, tuer un ennemi en particulier… Des objectifs quasiment impossibles à accomplir la première fois qu’on aborde une map.
Problème : ces objectifs annexes sont étroitement liés à la capacité du joueur à progresser, l’équipement et les points d’aptitude ne se débloquant à un rythme acceptable que si vous complétez une carte à 100%. Vous l’aurez compris : si vous voulez progresser normalement dans le jeu, vous devez faire de l’XP. Et faire de l’XP, c’est refaire encore et encore les mêmes cartes dans l’espoir de décrocher le Graal de l’accomplissement d’objectifs secondaires un peu pétés. Et malgré cela, le rythme de progression reste lent, l’impression de montée en puissance des personnages est inexistante.
Il ressort très vite de Druidstone une impression de généricité et d’ennui. Le jeu fourmille de petites idées : la concentration des magies pour leur donner une forme supérieure, les altérations d’état, l’arbre des compétences et la répartition des rôles au sein de l’escouade, tout cela a été bien pensé, et si on est loin du génie d’un XCOM 2 ou dans un autre registre de Mario & les Lapins Crétins, on obtient tout de même un jeu structurellement assez solide, plombé par son rythme et son absence de progression naturelle. Oh, et aussi : c’est moche.
Embarrassé sous le gui
Bien sûr, on est pas vraiment là pour se prendre la baffe graphique du siècle ou les dialogues les mieux ciselés depuis les fictions textuelles des années 70, mais tout de même, à part une sympathique bande-son qui n’est pas sans rappeler les belles heures des épisodes tactiques de Final Fantasy, on peine un peu à s’attacher à cet univers désespérément grisâtre, maronnasse et pâlot, ces personnages grossièrement modélisés et sans charisme, et le peu de charme qui se détache de l’ensemble.
Ne nous y trompons pas, malgré les défauts que je lui trouve, Druidstone est un jeu qui propose un beau contenu et des idées ambitieuses, et un changement de genre intéressant pour les anciens de la série Grimrock. On aurait cependant été plus indulgents si l’aspect général de l’ensemble ne ressemblait pas à un shareware de recherche d’objets cachés distribué derrière un paquet de céréales.
De même, on aurait souhaité se sentir un peu plus concernés par les aventures de notre petite troupe, dont je peine à retenir le moindre nom : à peine quelque jours après avoir reposé le jeu, je ne suis plus capable de citer le moindre détail précis de l’intrigue ni désigner les héros autrement que par « la fille avec un arc » « le costaud » ou « le petit magicien à capuche, là ». On ne prête pas attention aux dialogues qui essayent visiblement de reproduire un ton goguenard à la Magicka sans y parvenir tout à fait, et on répète les mêmes missions en boucle en se demandant bien pourquoi on doit encore et encore purifier le même bosquet pour obtenir un point d’aptitude qui sera dépensé de manière décevante dans l’amélioration d’une compétence secondaire. Druidstone: The Secret of the Menhir Forest, c’est un paquet cadeau bien moche qui contient une boîte un peu cabossée à l’intérieur duquel un jouet certes assemblé avec cœur refuse un peu de tenir debout, et en plus ils ont oublié de fournir les piles. C’est gentil mémé, mais j’aurais quand même préféré une licorne.
Druidstone: The Secret of the Menhir Forest a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur
On a un peu de mal à le conseiller, ce Druidstone: The Secret of the Menhir Forest. Avec sa dimension tactique qui se résume vite à un ensemble de puzzles parfois malhonnêtes, son casting anecdotique et son univers insignifiant, on peine beaucoup à s’attacher à la proposition de Ctrl Alt Ninja. Malgré ses bonnes idées qui foisonnent, on se noie assez vite dans un cycle ennuyeux d’échecs et de leveling destiné à refaire encore et encore les mêmes missions pour obtenir le run parfait qui nous permettra d’avancer un peu jusqu’au prochain problème. Si c’est le genre de fun très particulier que vous cherchez, vous l’aurez. Sinon, passez votre chemin.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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