Ce que j’aime avec les développeurs allemands comme Stillalive Studios, c’est leur capacité à passer du RPG austère à la simulation d’autobus au jeu de stratégie en temps réel, autant de styles maintenus bien en vie par le marché d’outre-Rhin. Drone Swarm est leur dernière production et mise sur l’originalité avant tout, en entendant vous faire contrôler une nuée de 32 000 drones entièrement dévoués à la défense d’un vaisseau en perdition.
La principale promesse de Drone Swarm est donc assez simple : une variation sur le thème du tower defense, où au lieu de poser des tours vous contrôlez des nuages de drones dans le vide spatial, avec l’argument « impressionnant » qui veut que la physique de chaque drone soit simulée. Autant le dire tout de suite, ne venez pas en espérant assister à un bond technologique qui marquera l’Histoire du jeu indé : l’effet des 32 000 petits bidules qui volent en essaim est graphiquement joli, mais c’est un pur gadget. Les atouts de Drone Swarm sont ailleurs, et résident davantage dans la manière qu’a le jeu de vous forcer à créer des tactiques très originales à partir de très peu de possibilités apparentes. Dommage que le résultat final ne soit pas un tout petit peu plus ambitieux, voire carrément chiche en contenu.
Drones de Drame
Le scénario de Drone Swarm est un prétexte comme un autre, même s’il se fait très, très rapidement oublier : à la suite d’une invasion extraterrestre, la Terre a été réduite à une ruine quasiment inhabitable. Le seul espoir de la race humaine réside dans un vaisseau volé aux envahisseurs et sa petite armée de drones pilotés par la seule force mentale d’un type qui passait dans le coin (oui, bon, je n’ai pas été assez attentif pendant l’incipit, mais en gros c’est l’idée). Le vaisseau et son équipage d’explorateurs se mettent alors en quête d’une nouvelle planète habitable… Et débarquent au beau milieu d’un coin de la galaxie déchiré par un conflit généralisé entre trois factions aliens pas spécialement enchantées de voir arriver un nouvel acteur dans le secteur. Simple prétexte à vous faire enchaîner les batailles, le scénario de Drone Swarm se laisse suivre, et possède une structure simplissime : un jour = un saut dans l’espace = une nouvelle planète = une nouvelle bataille, jusqu’à une plus grosse bataille qui marque la fin de chapitre, jusqu’à la fin du jeu (comptez une dizaine d’heures en y allant tranquillement).
Il sera donc question, pour l’essentiel, de débarquer avec votre gros vaisseau amiral entouré de dizaines de milliers de drones dans des fêtes auxquelles on ne vous a pas invité, et ensuite de régler la situation par la violence. Les variations sont nombreuses (récupérer un cargo, détruire des astéroïdes, protéger des bâtiments alliés…) mais pour l’essentiel, Drone Swarm, c’est des ennemis hostiles qui fondent sur vous, et vous qui devez par tous les moyens éviter d’exploser ou de perdre tous vos drones. Au début, le système a l’air assez simpliste : vous pouvez placer vos drones en défense (créer un mur) ou en attaque (vous tracez un trait sur la carte, et les drones suivent cette trajectoire en détruisant les objets sur leur passage)… Et c’est à peu près tout. À vrai dire, la première heure passée sur le jeu n’était pas très rassurante, et m’a semblé être le début d’une expérience ennuyeuse et limitée… avant que Drone Swarm se révèle être un petit jeu plein de brillantes idées tactiques.
Assez rapidement, et tout en gardant une étonnante simplicité de commandes (une souris et trois boutons de clavier servent à quasiment tout faire, avec une prise en main instantanée), vous aurez la possibilité de moduler la forme de vos attaques, de pousser des objets, de contourner des cibles, de varier la densité de votre réseau défensif ou encore de programmer des trajectoires de manière semi-automatique ou de provoquer des collisions chez vos adversaires. Chaque combat (généralement très court, cinq minutes maximum) est une sorte de petit puzzle à résoudre en utilisant une palette de mouvements qui se débloquent au fil de l’aventure et des améliorations de votre vaisseau-mère et de votre essaim de drones. Je me suis de nombreuses fois surpris moi-même à imaginer mettre en place des stratégies assez farfelues pour parvenir à la victoire : créer un mur pour bloquer des projectiles tout en propulsant des drones par derrière pour percuter un vaisseau amiral et l’envoyer bouler dans un orage magnétique en faisant ricocher un astéroïde de passage contre le reste de la flotte adverse, c’est possible grâce à Drone Swarm. Dommage que le jeu reste un peu trop scolaire dans sa démarche.
Je me suis endormi sur le drone
Drone Swarm divise les joueurs qui en ont fait l’acquisition et le jeu obtient des évaluations Steam pour le moins contrastées : si certains louent comme moi les grandes possibilités tactiques offertes par un jeu qui propose une approche légèrement différente de tout ce qu’on a pu voir récemment en matière de stratégie défensive, beaucoup regrettent le manque de contenu du jeu et le fait qu’il ne pousse pas son concept beaucoup plus loin qu’une simple variation dans les possibilités d’attaque et de défense mises à disposition du vaisseau du joueur. Ce reproche me semble un peu injuste, et du moins pas suffisant pour éclipser les réelles qualités du jeu, néanmoins il y a un fond de vérité : Drone Swarm manque à la fois de folie et de challenge.
Si la difficulté du jeu est modulable, la campagne reste globalement une partie de plaisir une fois qu’on a compris quelques principes essentiels : la bonne distance pour attaquer, comment faire en sorte que les vaisseaux ennemis se rentrent dedans, comment bien utiliser les murs… L’entièreté des batailles étant scriptées, elles n’ont, passé leur découverte, quasiment aucun effet de surprise. Un peu plus ennuyeux : les améliorations du vaisseau et des drones se récupèrent lors de combats parfois optionnels, mais qui ont tendance, paradoxalement, à trop renforcer le joueur tout en ne lui donnant pas l’expérience suffisante pour débloquer toutes les options. En effet, il est impossible de farmer dans Drone Swarm, et donc de débloquer l’ensemble des compétences théoriquement accessibles dans une seule campagne. La replay value étant quasiment nulle (sauf à refaire la campagne dans le mode de difficulté supérieur), vous finirez le jeu avec une sorte de tank quasi invincible armé de drones indestructibles dont vous n’aurez cependant pas pu déployer toute la puissance proposée par les scénaristes du jeu. Le jeu manque un peu d’apothéose, son rythme est presque trop constant pour son bien.
De même, on regrette un manque criant de contenu en dehors de la campagne principale : il n’y en a tout simplement pas. N’espérez pas ici débloquer un bac à sable, un mode horde, du multijoueur, du drone contre drone ou que sais-je, vous aurez une campagne de dix heures et puis c’est tout. C’est pour le moins aride. Alors que j’aime beaucoup le jeu, je me retrouve dans la quasi impossibilité d’en profiter au moment où je commence à en maîtriser les rouages, c’est un peu dommage. De toute évidence, je préfèrerai toujours ça à un jeu qui propose 147 modes de jeu dont la moitié criblés de bugs et l’autre sans intérêt, mais c’est quand même un peu chiche quand on est face à un titre si inventif et si plein de potentiel. En ce qui me concerne, je signerai volontiers pour un second épisode qui transformerait véritablement l’essaim !
Drone Swarm a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Cas étrange que ce Drone Swarm : le jeu propose un super concept, de nombreuses fulgurances, et s’emploie ensuite à marcher à petits pas dans un sentier très très balisé. Vendu une vingtaine d’euros, ce qui reste raisonnable, il ne vous occupera pas très longtemps, et à ce titre il me semble prioritairement destiné aux gros consommateurs de jeux de stratégie en mal d’un titre un tant soit peu original. Si vous êtes simplement curieux ou que vous avez juste envie de voir 8427 drones percuter des cailloux dans l’espace dans un joli ballet aérien, réfléchissez-y un peu avant d’ajouter ce jeu dans votre panier, vous pourriez être un tantinet déçu à l’arrivée.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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