La série de tactical RPG phare de Nippon Ichi est de retour ! Oui, avec son humour potache (pour ne pas dire idiot) et son système de jeu résolument axé sur le grind et le fait de pouvoir faire gagner des milliers de niveaux à ses personnages. Deux ans après un épisode 6 complètement raté, il fallait que Disgaea 7 : Vows of the Virtueless redresse la barre.
Pour rappel, le sixième épisode de Disgaea cumulait plusieurs tares assez lourdes qui noyaient ses bonnes idées sous un torrent de problèmes : un système de points de dégâts et de puissance incompréhensible, un level design très pauvre, un scénario amusant mais répétitif, et… franchement, c'était vilain. Le passage de la 2D fine et détaillée propre à la série laissait place à des modèles en trois dimensions cracra et impersonnels. Autant dire que je n'attendais pas Disgaea 7 avec une impatience délirante. Mais, ô miracle, il semble que les développeurs aient parfaitement compris ce qui n'allait pas, et ont rendu leur meilleure copie depuis une bonne dizaine d'années. Davantage qu'un bon TRPG, Disgaea 7 est une excellente porte d'entrée à une licence qui en avait désespérément besoin.
Tout est bon dans le Japon
Première excellente surprise : cette fois-ci, on vous propose une véritable intrigue à suivre. Ou plutôt une sorte de long stand-up absurde sur le thème du Japon médiéval. Difficile de résumer le tout sans avoir l'air de mal raconter une blague de poivrot. Mais en gros, nous suivons ici les aventures de Pirika, une riche touriste de l'espace et de Fuji, un samouraï démon allergique (littéralement) aux actes de bonté. Tous deux particulièrement crétins, les voici en quête de sept armes légendaires dispersées dans le "Showgunat", parodie grotesque du Japon de l'ère Edo.
Disgaea 7 rejoint sans souci la liste (hélas fort brève) des jeux vraiment rigolos. Chaque saynète de l'aventure est ainsi l'occasion de parodier de manière appuyée, mais néanmoins assez fine, l'univers des films, séries ou mangas mettant en scène le Japon traditionnel : rônins vengeurs, tournois d'arts martiaux, ninjas furtifs, tout le genre du chanbara se retrouve passé à la moulinette de dizaines de gags burlesques plus ou moins fins, mais diablement efficaces. Le tout est servi avec une réalisation et une direction artistique qui tiennent enfin la route, et on ne va pas s'en plaindre.
Cependant, même si tout ceci est fort cocasse, on vient (rarement) dans un Disgaea pour les subtilités de son épopée, mais davantage pour sa capacité à nous plonger dans un délire progressif de superpuissance. Avec un écueil régulier : devoir passer des dizaines d'heures à façonner l'équipe parfaite en multipliant les donjons aléatoires répétitifs. Dans Disgaea 7, cet amour du grind sans fin est toujours bien présent, à ceci près que dans cet épisode, et pour la première fois depuis longtemps, Nippon Ichi a pensé à celleux qui ont autre chose à faire de leurs temps. Et voudraient, par exemple, vivre ce power trip en accéléré.
Grinder, Better, Faster, Stronger
Avec ses quinze chapitres comportant chacun cinq ou six affrontements majeurs, Disgaea 7 est plutôt long et, parcouru en ligne droite, pourra vous poser un vrai challenge d'une bonne trentaine d'heures. Pour une fois, on vous forcera assez peu à accomplir des dizaines de batailles annexes en boucle, le rythme de progression de votre équipe est assez équilibré et naturel pour ne pas en avoir besoin. Cependant, on vous laissera assez tôt l'opportunité de vous écarter de la trame principale du jeu pour parcourir du contenu annexe uniquement axé leveling et challenge pur.
Dans le sixième épisode de la série, le grind était littéralement le thème du jeu. Mais il offrait une expérience bizarre, dans laquelle il devenait rapidement impossible de s'amuser, sinon en regardant s'étaler à l'écran des chiffres sans queue ni tête à base de milliards de points de dégâts. Ici, tout est beaucoup plus rationnel : on part du niveau 1, on commence avec peu de possibilités, et on nous enlève progressivement les petites roues. Chaque chapitre introduit ainsi une mécanique permettant de faire monter son équipe en puissance de plus en plus vite. On commence par pouvoir rejouer des batailles, puis par accumuler de l'expérience injectable dans des persos de bas niveau, on débloque un bureau permettant de tricher sur l'attribution d'expérience, et ainsi de suite.
Si on embarque dans la logique du titre lors d'un premier run, on se retrouve toujours à peu près au niveau attendu pour s'amuser, jusqu'à arriver au contenu endgame. Ce dernier nous propose d'utiliser tous les outils acquis en chemin pour créer une équipe de brutes indestructibles et surmonter une série de challenges plutôt amusants… mais un peu légers en contenu (en attendant une série de DLC payants, ce qui n'est jamais très agréable). N'empêche : il s'agit probablement d'un des épisodes de la série dans lequel la progression semble à la fois relativement grisante tout en restant assez naturelle et lisible. On ne peut que louer, à cet égard, les immenses efforts de simplification et d'agrégation de mécaniques fournis par Nippon Ichi.
Moins, mais mieux
Le fait est que, dans Disgaea 7, on vous prend assez fort par la main pour guider la construction de votre équipe. Des quêtes annexes s'accomplissent toutes seules quand vous remplissez certaines conditions, vous permettant de créer des personnages plus puissants. Une mécanique de distribution d'objets aléatoires relativement bourrins quand vous soignez vos personnages à votre base vous permet de ne pas trop micromanager vos achats d'équipement. Certains combats peuvent être rejoués en boucle de manière quasi automatisée pour, par exemple, maximiser très vite votre maîtrise de telle ou telle compétence. Bref : on vous injecte en permanence ce qu'il faut pour avoir un léger coup d'avance sur le niveau de vos adversaires.
Sauf que contrairement aux précédents épisodes de la licence, ces mécaniques sont globalement assez simples, et surtout considérablement mieux expliquées. À titre d'exemple, le monde des objets (permettant de parcourir vos items dans des donjons aléatoires périlleux pour les rendre plus puissants) offre des niveaux plus courts, plus lisibles et beaucoup mieux structurés. En quelques dizaines de minutes, on peut booster ses personnages, ses items, et débloquer des classes de personnages bonus sans avoir l'impression d'avoir perdu son temps.
Tout ceci a un prix : Disgaea 7 perd en profondeur ce qu'il gagne en clarté. J'ai parfois eu l'impression que, sorti de la quête principale très bien fichue, on se retrouvait assez vite à appliquer les quelques mêmes recettes pour faire exploser les compteurs du système d'XP. Et ce sans jamais avoir à prendre de risque majeur. Nippon Ichi en a visiblement eu conscience, et a largement modéré certaines mécaniques classiques de la série qui permettaient vraiment de contourner de manière grotesque le gameplay pour produire des machines à tuer à la chaîne. Il n'est ainsi plus possible de faire attaquer un personnage niveau 100 à côté d'un personnage niveau 1 allié via une attaque combinée et de partager ainsi des milliers de points d'XP d'un seul coup.
Mais même en ayant tempéré ce genre de blagues, on se retrouve finalement avec un camp de base dont la gestion devient une activité annexe en pilotage automatique, dans laquelle on applique en boucle une formule imparable. Au fond, ce n'est pas si grave : le charabia ingérable à base de dizaines de sous-menus bourrés de chiffres abscons qu'était devenu la licence Disgaea n'avait plus beaucoup de sens et rendait la série hostile à toute forme de découverte. Désormais, on comprend à peu près ce qu'on fait, quitte à faire un peu moins. C'est, je pense, salutaire.
Disgaea 7 : Vows of the Virtueless a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PC et PlayStation 4 et 5.
N'allons pas jusqu'à dire que Disgaea 7 est un jeu abordable pour tout un chacun : cela reste une longue blague de prout assez autoréférentielle dont le gameplay est axé sur le fait de créer des personnages niveau 9999 et de les regarder tout faire sauter ensuite. Mais dans son genre, c'est la proposition la plus charmante depuis des années, qui corrige presque tout ce que Disgaea 6 faisait de travers. Y compris les aspects techniques, scénaristiques ou même de simple confort d'utilisation des menus. En somme, une des plus belles propositions de RPG tactique de cette fin d'année.
Les + | Les - |
- Scénario vraiment rigolo | - Le endgame est un peu chiche |
- Prise en main très facile | - La simplification de la formule crée quelques mécaniques un peu trop efficaces |
- Corrige une bonne partie des défauts de Disgaea 6 | |
- Progression des personnages assez naturelle | |
- VF absolument impeccable |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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